Par Daniel Nussbaumer, pasteur
Une figure de l’Église méthodiste en Algérie s’est éteinte. Un témoin éloquent de la grâce de Dieu.
Paul Brès est né le 3 mars 1922 à Bougie (l’actuel Béjaïa) en Algérie. En effet, le père de Paul, Émile Brès, descendant de Charles Cook (pasteur anglais né en 1820 qui a apporté le méthodisme en France), était missionnaire en Kabylie de 1916 à 1922, à Il Maten.
À l’âge de 17 ans, Paul fait ses études de théologie à Paris, puis à Genève. En 1945, il repart en Algérie pour travailler avec l’Église réformée d’Algérie, d’abord comme aumônier dans les Forces françaises de l’Intérieur, puis comme pasteur à Sétif et dès 1945 comme missionnaire de l’Église méthodiste américaine ; il reprend le travail à la station méthodiste de Il
À cette époque, personne ne s’occupe des jeunes en Algérie. La mission américaine crée alors des foyers de filles et des foyers de garçons à Alger, en Kabylie, à Constantine et aussi à Tunis. Paul est chargé de superviser ces foyers.
Dans chaque village kabyle existe la djemaa, la place du village où les hommes se rencontrent souvent. Paul leur annonce l’Évangile. Il se rend aussi sur les marchés dans la vallée de la Soummam et y fait la lecture des Évangiles. Il est également en charge de la petite communauté protestante de Sidi Aïch, communauté formée surtout de fonctionnaires parmi lesquels des instituteurs, des militaires.
En 1953, il épouse Akila de Constantine ; elle est engagée comme institutrice dans la première école de filles de Il Matten.
De 1953 à 1956, ils suivent une formation spéciale pour le travail auprès des musulmans dans une Université du Connecticut avec l’objectif d’acquérir des connaissances approfondies sur l’islam pour faire connaître l’islam aux chrétiens et le christianisme aux musulmans.
En 1956 ils reviennent en Algérie et s’installent à la Palmeraie, une propriété de la mission méthodiste dans le quartier des ambassades à Alger. Ils y resteront jusqu’à Noël 1969. Akila s’occupe de groupes de femmes et Paul, à côté du travail pastoral, assume les responsabilités de surintendant de l’Église méthodiste pour tout le Maghreb. Deux enfants naissent de leur union : Étienne en 1956 et Geneviève en 1962.
À Noël 1969, c’est l’expulsion d’Algérie après 4 jours de prison. Après un passage dans le sud de la France, la famille s’installe à Strasbourg à la demande de la mission méthodiste afin de prendre en charge l’accueil familial nord-africain (AFNA) à Strasbourg et faire connaître l’islam aux Églises protestantes d’Alsace. Fidèlement avec son épouse, en lien avec l’ACO (Action chrétienne en Orient), il accomplit ce travail pendant 16 ans jusqu’à la retraite en 1988. Ils assument ainsi une permanence hebdomadaire d’accueil au Centre Social Protestant (de la Mission Intérieure), des visites dans les familles, et les prisons, l’aide pour les formalités administratives et, le plus difficile peut-être, la sensibilisation des chrétiens à leurs responsabilités d’accueil et de témoignage. C’est l’époque où l’on commence à parler de l’islam, de « réveil » de l’islam, où l’on commence à en avoir peur, à se crisper, où l’on découvre aussi l’existence de couples islamo-chrétiens, des conversions à l’islam. Le travail s’étend de l’accueil des musulmans, nord-africains ou autres, à l’accueil des étrangers en général, et à la sensibilisation des Églises protestantes de France, en lien avec l’Église catholique.
Paul devient membre de la Commission Église Islam de la Fédération protestante de France et dès 1984 en assume la présidence. Il met en route la publication d’une série de tracts « Connaître l’islam ».
C’est encore dans le cadre de l’ACO que le couple Brès se rend entre 1989 et 1993 en Égypte pour reconstituer les paroisses protestantes du Caire et celle d’Alexandrie. Tous les deux parlent arabe, ce qui facilite beaucoup les contacts avec les Égyptiens.
Dès leur retraite en 1988, ils retournent s’installer sur les terres de la famille Brès au Pradou Robert (Poet-Laval) dans la Drôme. Paul s’engage aussi longtemps que ses forces le lui permettent dans la paroisse de Dieulefit où il prêche régulièrement.
À la conférence annuelle Suisse – France 2011 à Winterthur, Paul célébra ses 60 ans de ministère comme pasteur dans l’Église Évangélique Méthodiste.
À Paul les paroles de conclusion, paroles qu’il exprima quelques mois avant son départ pour l’éternité :
« Nous vivons avec tout ce passé et nous avons l’impression que cela nous garde vivants, ce sont des souvenirs très stimulants pour le présent. Même le départ de notre fille Geneviève, en février 2007, nous ne pouvons le vivre comme quelque chose de négatif. Nous avons reçu tant de messages de soutien de tous les continents où nous sommes passés !
Nous avons cette conviction que nos chemins étaient tracés d’avance et que, lorsqu’on Lui fait confiance, toute chose concourt au bien de ceux qu’Il aime, même les épreuves que nous avons pu connaître. »
Paul Brès s’est éteint paisiblement le 19 janvier 2012 dans sa 91e année après quelques jours d’hospitalisation mais confiant en son Seigneur ressuscité.
ENroute/EEMNI