COE : RELIGION ET SIDA

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L’abuna Paulos, président du COE, signe l’"engagement personnel à l’action". Photo: Leo Huizinga/Cordaid

Impliquer la religion dans la lutte pour mettre fin à la propagation du VIH

Sensibles à l’urgence particulière de l’action face à une pandémie dont la croissance est exponentielle, d’éminentes personnalités de plusieurs des religions du monde se sont engagées à exercer "un leadership plus fort, plus visible et pratique" pour lutter contre le VIH, en mettant l’accent sur l’élimination de la stigmatisation et de la discrimination dont sont victimes les personnes affectées.

"J’ai la conviction que ma religion doit s’impliquer de manière plus visible et plus active dans la lutte pour mettre fin à la propagation du VIH et renverser le cours de la pandémie", lit-on dans l’"engagement personnel à l’action" signé par les quelque quarante participantes et participants baha’is, bouddhistes, chrétiens, hindous, juifs, musulmans et sikhs réunis dans le cadre du Sommet mondial de hauts responsables religieux qui s’est déroulé aux Pays-Bas les 22 et 23 mars.

Les signataires ont promis d’"œuvrer sans relâche pour en finir avec toutes les formes de stigmatisation, tant dans les attitudes que dans les actes, jusqu’à ce que les personnes vivant avec le VIH soient pleinement intégrées dans nos communautés religieuses et nos sociétés". Ils se sont engagés également à travailler de manière constructive auprès des personnes vivant avec le VIH, à protéger les droits humains, à influencer les décideurs et à collaborer avec les responsables de différentes religions.

Deux agences des Nations Unies, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), étaient représentées respectivement par leur directeur exécutif et leur directrice exécutive. L'ambassadrice pour le SIDA des Pays-Bas et son homologue suédois ainsi que des représentants de réseaux de personnes vivant avec le VIH et d'organisations engagées dans la lutte contre le SIDA figuraient également parmi les participants.

Dans une déclaration séparée, les participants ont demandé l’"accès universel à la prévention du VIH, ainsi qu’au traitement, à l’assistance et au soutien des personnes touchées". Ils ont appelé également à "une mobilisation sociale massive propre à prévenir la transmission verticale du VIH de parents à enfants".

Durant les trois décennies écoulées depuis que le virus de l’immunodéficience humaine a été identifié pour la première fois, le SIDA a provoqué la mort de plus de 25 millions de personnes. Aujourd’hui, plus de 30 millions de personnes vivent avec le virus. Les différences dans l’accès au traitement par les antirétroviraux modernes et coûteux témoignent d’inégalités criantes, au niveau national et mondial. Le climat économique actuel, combiné à la "fatigue à l’égard du SIDA" qui se manifeste dans les médias et chez les décideurs politiques et autres, met en danger les progrès accomplis jusqu’ici.

Il est évident que la pandémie "connaît une croissance exponentielle", ont affirmé les participants au Sommet. "Chaque fois que deux personnes commencent un traitement, cinq sont nouvellement infectées." Les raisons à cela sont notamment "le secret et le silence" qui empêchent les populations vulnérables d’accéder aux services de prévention, aux tests et au traitement. "Nous devons travailler à mettre fin au silence", ont-ils ajouté.  

"La stigmatisation fait du SIDA un tueur silencieux"

"La stigmatisation associée au VIH et au SIDA dépasse celle de toute autre maladie", a déclaré l’abuna Paulos, patriarche de l’Eglise orthodoxe Tewahedo d’Ethiopie, qui s’adressait aux participants au Sommet. "La stigmatisation et la discrimination contribuent à faire du SIDA un tueur silencieux parce que les gens craignent d’être déshonorés s’ils en parlent", a ajouté le patriarche, qui est l’un des présidents du Conseil œcuménique des Eglises (COE).

Pour l’abuna Paulos, "les responsables religieux ont manqué à beaucoup de leurs devoirs. Eux-mêmes ne sont pas vraiment prêts à parler de la stigmatisation et de la discrimination liées au VIH."

"Nous devons réexaminer les traditions de nos institutions religieuses respectives et nous engager plus que jamais à cet égard", a déclaré le patriarche.

Le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE, a mis en évidence l’obligation de rendre compte de l’action menée pour lutter contre la pandémie du VIH. "Le VIH est une question de relations humaines, une question de responsabilité à assumer", a-t-il dit. Ecouter les personnes "qui sont vulnérables, voire stigmatisées" est le meilleur moyen d’"apprendre ce que signifie la responsabilité devant le Créateur de tous les êtres humains", a ajouté le pasteur Tveit.

Dans le contexte du réexamen des traditions religieuses, cette responsabilité signifie que nous devons peser les conséquences de la manière dont l’Ecriture Sainte a été utilisée. "Nous ne pouvons effacer ou changer les textes historiques, mais nous devons décider de la manière dont nous les utilisons – et en rendre compte."

Pour la pasteure Ofelia Ortega, de l’Eglise presbytérienne réformée de Cuba, présidente du COE pour la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, la lutte contre le VIH ne peut ignorer le contexte social et économique de la pandémie.

"Le message que nous recevons de l’Amérique latine et des Caraïbes est que les personnes affectées par le VIH n’ont pas seulement besoin de compassion, mais aussi de justice", a-t-elle affirmé. Cette exigence de justice signifie que la lutte contre le VIH implique une lutte pour les droits humains des personnes affectées, y compris leur droit à "vivre, travailler, marcher au milieu de nous sans subir de discrimination".

Le Sommet était organisé par l’Alliance œcuménique "agir ensemble" (EAA) et Cordaid, organisation de secours et de développement catholique romaine des Pays-Bas. Il a reçu l’appui du Ministère néerlandais des affaires étrangères, de l’ONUSIDA, du Réseau international de responsables religieux vivant avec le VIH ou le SIDA ou personnellement touchés par eux (INERELA+), de la Campagne mondiale contre le SIDA et du Conseil européen des responsables religieux (Religions pour la paix).

La manifestation était coprésidée par Sri Sri Ravi Shankar, fondateur de la Fondation internationale de l’art de vivre, le rabbin David Rosen, directeur des Affaires interreligieuses du Comité juif américain, Nyaradzayi Gumbonzvanda, secrétaire générale de l'Alliance mondiale des Unions chrétiennes féminines (YWCA mondiale), et l’évêque Gunnar Stålsett, évêque émérite de l’Eglise de Norvège.


25 mars 2010

COE