CPDH: dans le cas de Vincent Lambert, la vie se poursuit

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Comme toute personne pauci-relationnelle, Vincent Lambert n’est ni mourant ni déjà mort !

Un état pauci-relationnel est un « état de conscience minimale ». Ces personnes peuvent avoir des réactions émotionnelles ou motrices. « Elles peuvent pleurer, sourire, lever un bras ou bouger la main. Certains patients ont un code de communication fiable mais qui est souvent très fluctuant dans le temps. À un instant T, la personne va pouvoir lever le pouce pour dire oui-non et une demi-heure après, ne plus être capable de le faire. Parfois, ces codes de communication sont difficiles à interpréter. Face à un patient qui pleure, on aura tendance à penser qu’il s’agit d’une réaction de tristesse. Mais peut-être s’agit-il juste d’une réaction neurologique pour humidifier l’œil »[1].

Rappel des faits[2] :
M. Vincent Lambert, âgé de 38 ans, infirmier en psychiatrie, a été victime, le 29 septembre 2008, d’un accident de la route qui lui a causé un traumatisme crânien. Il est demeuré en coma végétatif avant d’évoluer en état pauci-relationnel. Il a été pris en charge en juin 2009 par le centre hospitalier universitaire de Reims, à l’unité d’hospitalisation de soins palliatifs, dans une sous-unité de soins de suite et de réadaptation, qui accueille des patients en état pauci-relationnel.

M. Lambert est un patient « tétraplégique consolidé souffrant de lésions cérébrales graves et se trouvant en état pauci-relationnel ».

Ayant, fin 2012, interprété certains signes comportementaux manifestés par M. Lambert comme des refus de soins, l’équipe médicale s’est interrogée sur les suites à donner au traitement de M. Lambert et a mis en place au début de 2013 une procédure collégiale, associant son épouse qui a débouché, le 10 avril 2013, sur la décision d’interrompre l’alimentation de M. Lambert et de réduire son hydratation à 500 ml par jour. Une première ordonnance a été rendue le 9 mai 2013 par le juge des référés du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne administratif saisi par les parents, un demi-frère et une sœur de M. Lambert, qui enjoignait au centre hospitalier universitaire de Reims de rétablir l’alimentation et l’hydratation normales de M. Lambert et de lui prodiguer les soins nécessaires à son état de santé, des manquements procéduraux à la procédure collégiale définie par l’article R. 4127-37 du code de la santé publique caractérisant selon cette décision « une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

Le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait estimé que c’est à tort que le CHU de Reims avait considéré que M. Lambert pouvait être regardé comme ayant manifesté sa volonté d’interrompre ce traitement.

Selon la décision du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, l’équipe médicale devait alors se poser successivement deux questions : celle de savoir quelle était la volonté de M. Lambert et, dans l’hypothèse où celle-ci ne pourrait être déterminée avec un degré suffisant de certitude, si la poursuite du traitement constituait ou non une obstination déraisonnable au sens du code de la santé publique.

Le 20 janvier 2014, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé que la poursuite du traitement n’était ni inutile, ni disproportionnée et n’avait pas pour objectif le seul maintien artificiel de la vie et a donc suspendu la décision d’interrompre le traitement.

La question de savoir si le maintien de l’alimentation et de l’hydratation de M. Lambert pouvait être regardé comme une « obstination déraisonnable » à poursuivre un traitement se posait alors.

Là encore, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a donc examiné la légalité de la décision de l’équipe médicale du CHU de Reims au regard des critères d’appréciation posés par le code de la santé publique pour estimer que ceux-ci n’étaient pas satisfaits.

La notion d’obstination déraisonnable s’est alors substituée à celle d’acharnement thérapeutique. Elle est, pour l’essentiel, appréhendée par le code de la santé publique et le code de déontologie médicale à travers trois critères : les actes ne doivent être ni inutiles, ni disproportionnés ou n'avoir pas pour seul but le maintien artificiel de la vie.

Le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que s’agissant d’un patient en état pauci-relationnel pour lequel ne peut être exclue l’existence d’une activité émotionnelle au-delà du simple réflexe organique, la poursuite des soins et des traitements n’a alors pas pour finalité le seul maintien artificiel de la vie biologique, mais a pour objectif de pallier une défaillance vitale, à l’instar d’une dialyse.

S’agissant du caractère inutile des soins, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé que ce critère n’était pas rempli dès lors qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier qu’aucune vie relationnelle n’était possible ou ne serait possible dans l’avenir, nonobstant le caractère irréversible de l’état neurologique de M. Lambert qui se dégraderait lentement, sans qu’aucune perspective de guérison ne soit, dans l’état des avancées médicales actuelles de la science, envisageable.

La décision du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, enfin, avait écarté la thèse de la disproportion du traitement : si la possibilité de la souffrance de M. Lambert n’est pas exclue par les médecins dont les rapports font état de possibles douleurs, rien ne permet d’établir que la poursuite de l’alimentation et de l’hydratation conduirait à davantage de souffrance pour M. Lambert. Bien au contraire !

Une nouvelle procédure collégiale de réflexion et de consultation, avant toute nouvelle décision concernant l’avenir de Vincent Lambert, a été engagée puis arrêtée en juillet 2015 par le Dr Simon de l’hôpital de Reims. Ce dernier a jugé que « les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires (…), tant pour Vincent Lambert que pour l’équipe soignante ne sont pas réunies ». Cette procédure a été contestée devant le tribunal administratif par un neveu de Vincent Lambert. Le tribunal vient de la débouter le 9 octobre 2015[3]. Les juges ont estimé que les médecins du CHU de Reims étaient en droit, en vertu de leur indépendance professionnelle, de ne pas mettre fin à la vie de Vincent Lambert, même si une décision contraire avait été prise précédemment.

[2] Source : site du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, chalons-en-champagne.tribunal-administratif.fr/A-savoir/Communiques/Affaire-Vincent-Lambert-alimentation-et-hydratation-maintenues

cpdh