Etats Unis, Pittsburgh: retour sur le parcours de deux délégués

[Credits] Quatre fois par an, Marie Jatutu quitte son mari et ses enfants dans la ville de Jalingo et se rend dans les villages ruraux du Nigeria. 


Au cours de son déplacement, Jatutu partage des informations sur le HIV et le SIDA.


Tout en se sachant envoyée par Dieu, c'est son Eglise Evangélique Méthodiste de Jalingo au Nigeria du Nord qui lui permet de remplir sa mission, assure son transport, lui procure tout le matériel éducatif et l'appui nécessaire. 


Jatutu, ancienne sage-femme et délégué à la Conférence Générale de l'Eglise Evangélique Méthodiste pour 11 jours, voit cet engagement social de l'église comme un simple effet de la grâce, de l'amour immérité et de la faveur de Dieu envers l'humanité. 


Elle a été attirée à l'église en voyant de ses membres apprendre à des villageois de nouvelles techniques de plantation et améliorer les routes pour qu'ils puissent déplacer leurs marchandises aux marchés. Elle s'exprime ainsi lors d'une pause entre deux sessions de commissions à la conférence, ce n'était rien d'autre que "Dieu touchant les coeurs des gens de manière à ce qu'ils puissent en atteindre d'autres." 


Quand elle est devenue membre de l'Eglise Evangélique Méthodiste il y a dix ans, elle a rejoint une communauté de 10 millions de fidèles qui croit que la grâce de Dieu est au coeur de leur salut personnel et social. 


Les méthodistes font remonter leurs racines au début du 18ème siècle, quand le prédicateur de l'église anglicane John Wesley ne se satisfaisait plus des rituels de l'Église anglicane, les tenant pour spirituellement incapables de changer la vie ou la société. 


"L'église, si elle était une structure, n'avait pas de pouvoir, voilà comment John Wesley voyait l'Eglise," a dit Vance Ross, qui participe aux travaux de la commission pour la formation des laïques, une commission qui apprend aux congrégations locales à évangéliser et forme les futurs cadres de l'église. 


L'Angleterre de Wesley était ravagée par l'alcoolisme, l'esclavage et l'analphabétisme et il a cherché une expérience qui "reformerait l'église d'une façon qui permette aux gens de se retrouver au meilleur de leur forme," a dit Ross. 


Il a voulu libérer les esclaves, écrit un manifeste contre l'esclavage bien avant la Proclamation de l'Émancipation. Il a voulu enseigner l'Evangile à des illettrés et profiter de l'École du dimanche pour apprendre à lire aux pauvres à partir de la Bible. Et il a voulu enseigner quotidiennement aux gens que la grâce était un cadeau de Dieu, offert avec le sacrifice de la croix. 


Il s'est heurté aux structures d'autorité de l'Eglise, mais les gens sur le terrain ont été attirés par son ministère évangélique. 


Wesley est allé à la rencontre des gens dans les champs, dans les marchés et des mineurs sur leur chemin de retour. 


Ses disciples ont été affublés du sobriquet de Méthodistes parce que Wesley avait voulu leur apprendre une discipline de vie, ou une méthode, grâce à laquelle ils pourraient vivre et à laquelle ils pourraient consacrer leurs vies quotidiennes. 


Cette discipline inclut la prière, l'écoute de la parole de Dieu, le jeûne une fois par semaine, la pratique du bien intensive, une réunion chaque semaine sous la forme d'une conférence chrétienne et la participation à la Sainte communion aussi souvent que possible. 


Au coeur des convictions de Wesley figurait la grâce et le sacrifice rédempteur de Jésus. A son avis, l'homme ne peut pas prendre la mesure de la grâce divine. 


"Ses enseignements nous disent que le rachat du péché, c'est un cadeau étonnant de Dieu," a dit Ross, qui a grandi au sein de l'Eglise Evangélique Méthodiste après être allé à l'église avec sa grand-mère à Bluefield, W.Va. 


Le méthodisme s'est bientôt répandu dans les colonies nord-américaines avant la Révolution américaine et en 1784 s'est mise en place l'Eglise Méthodiste Épiscopale à Baltimore. Cette église aux Etats-Unis s'est développée grâce "aux cavaliers du circuit". Par "cavaliers du circuit", on entendait les prédicateurs ambulants qui s'occupaient à la fois de cinq ou six congrégations. 


Unies dans la lutte contre l'esclavage, certaines communautés locales intégraient indistinctement noirs et blancs. 


Une Eglise Méthodiste en 1811 à Pittsburgh a été composée de citoyens noirs et blancs, révèle un rapport de cette époque. 


Ces communautés étaient loin d'être parfaites, mais les tensions raciales y étaient réduites. 


En 1787, des fidèles noirs à Philadelphie sont sortis de l'Eglise Evangélique Méthodiste pour former l'Eglise Méthodiste Africaine Épiscopale. Dix ans plus tard, pareil schisme se renouvelle quand des fidèles noirs de New York ont formé l'Église Méthodiste Épiscopale Africaine de Sion. 


Autre scission, d'abord en 1828 avec la formation de l'Église Protestante Méthodiste et ensuite en 1844, par la formation de l'Eglise Méthodiste Episcopale du Sud autour de la question de l'esclavage. 


La fusion du nord et du sud de l'Église Épiscopale Méthodiste se produit en 1939 entraînant la formation de l'Église Méthodiste. En 1968, l'Eglise Méthodiste et les Eglises de Frères Unies Évangéliques (Evangelical United Brethren churches) se sont fusionnées à leur tour pour créer l'actuelle Eglise Evangélique Méthodiste (EEM). 


Aujourd'hui, cette Eglise Protestante, la deuxième du pays si l'on considère son importance numérique, se concentre simultanément sur le salut personnel et sur les bonnes oeuvres, conséquences directes de cette expérience, la sainteté personnelle et sociale... . 


En célébrant un culte lors de sa session vendredi, les Evangéliques Méthodistes ont voulu montrer toute l'importance qu'ils attachaient à la présence au milieu d’eux de membres afroaméricains, partie intégrante de l'église. 


27 nouvelles églises ont vu le jour, des communautés latines, russes, vietnamiennes et multiculturelles, constat de la Conférence Générale. 


À Pittsburgh, la communauté Evangélique Méthodiste Smithfield, a fondé l'Abri de Bethléem pour des femmes. 


Les Evangéliques Méthodistes croient qu'aucune guerre n'est justifiée et cherchent activement la paix; ses membres sont opposés à la peine de mort. 


"Notre passion évangélique doit correspondre à notre passion de justice sociale," a dit Weaver. 


Dix ans plus tôt, Jatutu avait découvert une Eglise qui avait le souci de répondre aux besoins pratiques des gens et de les aider à mener des vies plus consistantes. Comme Nigériane vivant dans une partie du monde dominé à l'excès par le paternalisme, elle a été aussi impressionnée par la capacité des femmes à l'engagement. 


Elle sourit quand elle évoque son mandat de présidente du Carrefour Féminin de l'Eglise Evangélique Méthodistau cours des huit ans passés. "La démocratie implique moins de discriminations contre les femmes," a-t-elle dit. 


"Dans cette église, il y a un esprit de convivialité. Nous l'appelons la grâce." 


Dimanche, le 02 mai 2004 

Source: Pittsburgh Post-gazett