Mozambique, Maputo : Nelson Mandela et Gracia Machel s’entretiennent avec les évêques

par Linda Green


S’adressant aux évêques de l’Eglise évangélique méthodiste, Nelson Mandela leur a dit que les gens devraient être reconnus en raison de ce qu’ils font et non pas en raison de leur nom ou de leur origine.


Mandela, ancien président de l’Afrique du Sud et symbole international des droits humains et son épouse Gracia Machel, ancienne ministre mozambicaine de l’éducation, ont rendu une visite surprise aux évêques pendant leur dîner du dimanche 5 novembre. Machel est la veuve de Samora Machel, premier président du Mozambique, décédé en 1986 dans un accident d’avion.


Aussi bien Mandela que Machel ont de profondes racines méthodistes. Mandela a été éduqué dans une école méthodiste d’Afrique du Sud. Machel est membre de l’Eglise évangélique méthodiste et a fréquenté une école méthodiste au Mozambique.


Machel se considère comme "un pont entre le Mozambique et l’Afrique du Sud". Elle et Mandela se sont mariés lors du 80e anniversaire de Mandela et ils possèdent une maison à Maputo. Les évêques se sont réunis du 1er au 6 novembre à Maputo ; c’était la première fois qu’ils siégeaient hors du territoire des Etats-Unis.


D’une voix tantôt vibrante et tantôt sombre, Mandela a évoqué sa scolarité méthodiste et le rôle de l’église dans son éducation. 


Il a raconté aux évêques qu’en arrivant ce soir-là à l’hôtel Avenida de Maputo, il ne se doutait absolument pas de ce qu’il serait introduit "dans une réunion aussi sacrée".


Evoquant le gospel afro-américain "Que le travail que j’ai fait…", le Prix Nobel de la paix, âgé de 87 ans, a raconté aux évêques une histoire dont il est coutumier : il quitte la vie, va à la porte du ciel et frappe. Un ange apparaît et lui demande son identité. Mandela se présente comme "Madiba" Mandela, d’Afrique du Sud. Et l’ange lui répond : "Nous n’avons pas de place pour vous". 


Mandela utilise ce rêve pour souligner sa conviction selon laquelle on doit être reconnu pour son œuvre et non pas à cause de son nom ou de son origine.

‘Une enfant méthodiste’

Machel a déclaré aux évêques : "Je suis ici essentiellement comme une enfant méthodiste".


Elle évoqua les trois femmes qui ont eu une influence décisive sur sa vie, à commencer par sa mère, qui a élevé seule six enfants après la mort du père de Machel. "Elle a fait l’impossible pour nous élever tous les six".


La sœur de Machel est devenue sa seconde mère ; "je me suis construite sous sa direction et elle m’a fait grandir en tant que femme".


Une missionnaire américaine, prénommée Mabel, "a identifié une sorte de force en moi" ; elle "m’a fait confiance et a fait tout ce qu’elle pouvait pour décrocher des bourses". Machel ajouta qu’elle "doit à l’Eglise méthodiste, et particulièrement à Mabel", d’avoir pu fréquenter l’école.


En 1975, Machel est devenue la première femme à occuper le poste de ministre de l’éducation du Mozambique.


"Dans l’esprit de l’Eglise méthodiste",dit-elle, " j’avais l’obligation de rembourser ceux qui m’avaient aidée. Je devais rembourser la communauté. C’est pour cela que mon action en tant que ministre de l’éducation a été fondée sur l’idée de relier les politiques nationales aux communautés locales, d’aider ces communautés à lutter très activement pour la construction d’écoles, la formation de maîtres et l’appui à donner aux maîtres dans leurs écoles."


Ella a rapporté au Conseil que lorsqu’elle était entrée en fonction en 1975, le pays connaissait un taux d’analphabétisme de 93 %. Le pays s’embarqua dans un programme "d’alphabétisation sociale" impliquant que les personnes qui savaient lire et écrire deviendraient les enseignants et ceux qui ne le savaient pas seraient les apprenants.


"Cela a considérablement changé le pays". En cinq ans, le taux d’analphabétisme est tombé de 93 % à 10 %.


Arrivée au terme de son mandat, elle contribua à créer la Fondation pour le développement communautaire, dont la tâche était d’aider les familles, qu’elle dénomma "unités principales" d’une communauté. Dans les familles, les programmes éducatifs se concentrent sur les femmes parce que ce sont elles qui ont les enfants. "Je devais rendre ce que j’avais reçu et devais représenter l’espoir et l’avenir des enfants de notre pays."


Les femmes sont également au centre de l’attention de la fondation parce qu’elles sont touchées par le VIH/SIDA. Machel rappela que les femmes sont celles qui soignent et souvent celles qui nourrissent ; si elles sont malades, elles ne peuvent pas nourrir. "Renforcer les capacités des femmes…par le biais de l’éducation est une obligation pour nous," a-t-elle ajouté.

‘Des questions de vie ou de mort’

Aujourd’hui, notre pays est confronté à "des défis très sérieux", a-t-elle rappelé.


Le Mozambique compte parmi les 10 pays les plus affectés par le VIH/SIDA, avec 1.8 million de personnes infectées, a-t-elle encore dit. Dans la classe d’âge des 25-49 ans, 58 % des personnes infectées sont des femmes, "un taux nettement plus élevé que chez les hommes". Au sein de la tranche d’âge des 15-34 ans, 76 % des personnes affectées sont des filles. 

Quoi que nous fassions pour lutter contre le VIH/SIDA, a estimé Machel, "nous ne parviendrons pas à résoudre ce problème, en termes de réduction du nombre de nouvelles infections", sans éduquer nos femmes au sujet des "relations ‘genre’. C’est une question de survie pour nos femmes". 


Parlant de l’Eglise évangélique méthodiste, elle dit : "Merci pour tout ce que vous faites pour nombre d’entre nous. Dans ma génération, il y a eu un grand nombre de jeunes femmes et de jeunes hommes qui ont eu l’occasion d’aller à l’école grâce à votre générosité et votre solidarité. "


Machel a exprimé son appréciation quant au fait que le Conseil des évêques ait choisi le Mozambique pour sa réunion. Elle releva qu’en dépit des défis auxquels le pays est confronté, il a fait preuve de résilience et de sa capacité à se réinventer lui-même. 


"Nos gens se réinventent avant même d’affronter les grands défis", a-t-elle expliqué. Elle mentionna la reconstruction du pays après la guerre civile qui a duré du milieu des années 1970 jusqu’au début des années 1990. "En l’espace de 10-12 ans, ce pays a changé de visage. Nos gens sont tenaces".


Nos gens, a-t-elle ajouté vont faire preuve de cette même ténacité pour lutter contre le VIH/SIDA, la pauvreté et d’autres défis. 


Machel a conclu : " Votre présence ici est pour nous une nouvelle occasion de recharger nos énergies, de savoir que nous ne sommes pas seuls – vous êtes là en tant que leaders. Merci de nous communiquer un signal clair : nous ne sommes pas seuls".

‘Nous sommes bénis’

L’évêque João Somane Machado, qui est à la tête de l’Eglise Evangélique Méthodiste au Mozambique, déclara à Machel et Mandela qu’il était convaincu que cette soirée était "providentielle. Nous, en tant qu’Africains et en tant que Mozambicains, sommes bénis d’avoir pu vous recevoir ici. Nous, en tant que Conseil des évêques, sommes bénis de vous avoir ici".


Répondant aux orateurs précédents, l’évêque Janet Huie, présidente du Conseil des évêques, déclara : "Depuis notre arrivée ici, au Mozambique et en Afrique, bien des personnes nous ont remerciés ; mais ce soir nous sommes vraiment bénis. Nous avons été en compagnie des saints, nous en sommes conscients et en sommes reconnaissants".


Elle releva les remarques de Machel au sujet de la pauvreté, du VIH/DSIDA, des problèmes relatifs aux enfants et des besoins en matière d’éducation. "Nous voulons que vous sachiez que nous, le Conseil des évêques de l’Eglise évangélique méthodiste, sommes avec vous, solidaires et allons travailler avec vous parce que vous nous avez montré la voie pour rendre ce monde meilleur. Nous vous remercions".


Tandis que Mandela et Machel quittaient leur table pour sortir de la salle à manger, les évêques se sont aligné pour leur parler, leur donner la main ou pour toucher le bras de Mandela. 


5 novembre 2006

Traduction eemni

Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS