Les Eglises doivent repenser le rôle des missions, déclare un responsable du COE

Le travail missionnaire chrétien dans certaines parties du globe est une source de conflits potentiels et même de violence, selon le Secrétaire Général du Conseil Oecuménique des Églises (COE).


La décennie pour Surmonter la Violence lancée récemment par le COE doit être une occasion pour les Eglises de repenser leurs positions sur la mission et les moyens utilisés pour toucher les gens desservis par leur travail missionnaire, disait le pasteur Konrad Raiser.


Raiser a pris la parole le 23 avril lors d´un déjeuner qui marquait la première manifestation américaine du COE lié à la Décennie pour Surmonter la Violence. La Conférence américaine du COE, qui se tient du 23 au 25 avril au Centre Scarritt-Bennet, aborde des questions liées à la violence.


Basé à Genève, le COE est le plus grand réseau mondial oecuménique, comprenant plus de 340 Eglises. L´Église Evangélique Méthodiste (EEM) est un des principaux supports de l´institution en termes de direction et de finances. Le COE a lancé la décennie pour lutter contre la violence par une manifestation qui s´est déroulée à Berlin en février dernier.


Raiser a décrit les voyages qu´il avait faits l´année dernière en Indonésie et au Nigeria, tous deux pays où des conflits se sont déclarés entre Chrétiens et Musulmans.


"Dans ces deux pays, -au cours des entretiens que j´ai eus avec des responsables chrétiens-, j´ai remarqué leur souci, leur embarras et leur difficulté à se reconnaître dans l´héritage de la période missionnaire, sur la légitimité de leur présence dans ces lieux... (sur) le mandat missionnaire appelant les musulmans à la conversion," disait Raiser. "Et s´ils sont vraiment ceux qu´ils croient devoir être, particulièrement les Méthodistes, alors ils doivent aller au dehors, évangéliser et convertir les Musulmans."


Ce fait était brusquement mis en lumière au Nigeria, les responsables chrétiens ayant jusqu´ici la conviction "qu´il était dans leur vocation missionnaire de transformer le Nigeria en un Etat chrétien," a-t-il dit. "Cette approche-là suffirait à provoquer un conflit violent avec les Musulmans, qui se considèrent comme des citoyens légitimes du Nigeria au même titre que les chrétiens", a-t-il ajouté.


En Indonésie, le gouvernement s´est engagé dans un programme de déplacement de population sur l´île, faisant passer un certain nombre d´habitants de l´île de Java trop fortement peuplée vers d´autres secteurs, pour réaliser un meilleur équilibre de population, déclarait Raiser. Les musulmans qui ont été déplacés dans une autre partie de l´Indonésie à majorité chrétienne se sont heurtés à la résistance de chrétiens, qui ne voulaient pas partager le pouvoir dans la communauté, faisait-il remarquer.


"Dans ces deux pays, j´ai essayé d´entamer une réflexion avec des responsables d´Eglises sur la question de savoir si nous ne pourrions pas et ne devrions pas comprendre le coeur de notre mission comme un ministère de réconciliation; - en fait, notre présence missionnaire doit viser à apporter le message de paix et la réconciliation," a-t-il dit. Les chrétiens "échoueraient dans notre mission selon l´Esprit du Christ" s´ils n´étaient pas perçus comme des agents de réconciliation et si, au lieu de cela, leurs missions devenaient une source de conflit, a-t-il renchéri.


"Mais je me rends compte que cela exige une refonte assez radicale de la mission, cette refonte devra être abordée avec une grande sensibilité, une grande compréhension et une grande humilité," a-t-il dit.


Le Sri Lanka a eu une présence chrétienne depuis le 16ème siècle, quand des missionnaires catholiques sont arrivés, rappelait Raiser. Les dirigeants bouddhistes ont été ouverts et accueillants aux Eglises chrétiennes et à leur activités missionnaires au Sri Lanka. Mais les relations commencent à se dégrader principalement depuis l´arrivée dans le pays de groupes, dont le but principal est de convertir les bouddhistes, signale Raiser. Depuis, des lieux de culte chrétiens ont été attaqués ou détruits.


C´est un dilemme en particulier pour les Méthodistes, dont la raison d´être est d´être le numéro un dans l´évangelisation et qui, de ce fait, ne peuvent donc pas s´opposer aux gens allant au Sri Lanka pour évangéliser, laissait-il entendre. Pour lui, c´est aussi le cas des Catholiques Romains. Voilà qui compromet les relations jusqu´ici harmonieuses entre Chrétiens et Bouddhistes, avertit Raiser.


Raiser a laissé entendre que les rapports étaient tendus dans d´autres pays qu´il avait visités avec des Eglises membres du COE. Les Eglises en Europe de l´Est se posent des questions semblables sur la mission, a-t-il dit. La chute du communisme a abouti à un flux de missionnaires dans les pays de L´Europe de l´Est, avec souvent pour résultat un conflit avec les Eglises déjà établies.


Le COE n´a pas l´intention de mettre en question la nécessité de l´évangélisation, assurait Raiser. Mais dans le contexte de la Décennie pour Surmonter la Violence, les Eglises "peuvent avoir plus de raisons que jamais" pour considérer les situations historiques et contemporaines et comment leur manière de répondre à leur vocation missionnaire est susceptible de devenir une source de conflits, a-t-il dit. Et si nous reformulions ce mandat missionnaire comme un message de paix et de réconciliation? A-t-il demandé! "Je crois que beaucoup des communautés auxquelles je me suis référées attendent ce message pour l´incarner en son sein."


Au Sierra Leone, les communautés religieuses ne se sont pas autorisées la moindre division, a-t-il dit. En fait, elles sont devenues la seule structure dans le pays grâce à laquelle la réconciliation est encore possible. Ce pays africain a été déchiré par la guerre civile.


Ce genre de message et d´image doit être promue pendant les 10 prochaines années, a-t-il dit. "Le monde l´attend."


Les remarques de Raiser ont éveillé des résonances chez l´Évêque Melvin G. Talbert, délégué oecuménique du Conseil des Évêques de l´EEM. Après son discours, Talbert a dit à l´Agence de presse Evangélique Méthodiste que les disciples du Christ devraient repenser ce que cela signifiait pour eux d´être fidèles à un Evangile de réconciliation et d´amour. Au lieu de tout miser sur la conversion des gens, l´Eglise doit mettre l´accent sur ce que signifie vivre avec les autres dans la paix.


"Pour ceux d´entre nous qui sont des responsables, c´est le moment d´assumer nos responsabilités de leader," a-t-il dit. Les responsables d´Eglises sont ceux là même qui doivent soulever cette question et en faire le tour, ainsi parlait Talbert.


"Je pense pour la cause du Christ, nous devons porter cette croix, parce que je pense que ce qui nous est arrivé est tout simple: nous avons laissé se dégrader notre témoignage," a-t-il dit.


Faire des disciples du Christ ne veut pas dire créer autour de soi de la division et des luttes, déclarait Talbert. "Si nous sommes les messagers du Christ, nous devenons des ambassadeurs de justice et de paix. Et cela signifie parfois ne pas dire à une autre religion ou à d´autres gens, ´Votre perspective n´a aucune pertinence du tout,´" a-t-il dit.


"On me critique tout le temps, parce que je rappelle aux gens que Jésus n´était pas un chrétien," a dit Talbert. "Jésus était un Juif de stricte obédience."


Quand Jésus a prié que tous puissent être un, il n´y avait encore d´Eglise chrétienne, ajoute Talbert "Je pense que dans cette prière Jésus lançait un appel aux gens de la terre pour qu´ils soient un - tous les gens de la terre pour être un. Nous devons donc prendre au sérieux cette optique-là."


25 avril 2001

Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)