COE : A la recherche de la paix entre la Corée du Nord et du Sud

Par Juan Michel (*)



Alors que la chrétienté de Corée a fait la une des médias en raison de la crise des otages en Afghanistan, on prend conscience cette semaine d'un autre aspect de la vie et de l'activité des Eglises coréennes que l'on a ignoré dans une large mesure jusqu'à présent.


Au cours de ces dernières années, les Eglises de Corée du Sud se sont fait connaître par leur croissance spectaculaire, la plus rapide de toutes les nations asiatiques. On connaît moins le rôle qu'ont joué les Eglises dans les domaines de la paix et de la réunification de leur pays divisé.


Au cours de deux conférences qui auront lieu cette semaine et la suivante, les Eglises de Corée célébreront les 100 ans du grand réveil de 1907 et le rôle constant qu'elles jouent en vue de la réunification de la Corée.


Le pasteur Samuel Kobia, secrétaire général du COE, prendra la parole lors de ces deux rencontres.


Une histoire marquée par des efforts de paix


Selon Geo-Sung Kim, président de la section coréenne de Transparency International et pasteur de l'Eglise presbytérienne de la République de Corée, ce qui constitue le plus grand obstacle à la réunification du pays, ce sont "les fils de fer barbelés à l'intérieur même de nos cœurs".


Après la Deuxième guerre mondiale et la libération de l'occupation japonaise, la Corée a été divisée en deux zones occupées militairement, par l'Union soviétique au nord et les Etats Unis au sud. Cette division n'a pas seulement opéré une scission politique et idéologique, mais elle a séparé des millions de familles et divisé les Eglises.


La guerre de Corée, de 1950 à 1953, a creusé le fossé entre ce qui allait devenir la Corée du Nord communiste (République démocratique populaire de Corée) et la Corée du Sud capitaliste (République de Corée). La guerre a pris fin avec la signature d'un accord d'armistice qui a mis un terme aux combats, mais, techniquement, l'état de guerre perdure entre les deux pays.


Jusqu'à présent aucun traité de paix n'a remplacé l'armistice. Cependant, en 1991, les deux Corées ont signé un pacte de non-agression et sont devenues membres des Nations Unies.


Les Eglises de Corée ont été pionnières des efforts de paix, dès les débuts de la séparation, et elles se sont préoccupées de la question de la réunification à une époque où c'était un thème que l'on ne discutait que rarement ouvertement dans leur pays.


Les Eglises réagissaient à ce que le dirigeant ecclésiastique, Jae-Woong Ahn, ancien secrétaire général de la Conférence chrétienne d'Asie, appelait "une tragédie et une réalité douloureuse pour les gens vivant de part et d'autre". Alors que l'état de guerre régnait encore entre les deux Etats coréens, près de dix millions de familles demeuraient séparées et payaient un très lourd tribut à la division entre le nord et le sud.


En 1984, le colloque "Paix et justice en Asie du nord-est" tenu à Tozanso, au Japon, a constitué un jalon dans l'histoire du combat des Eglises coréennes pour la réunification. Organisée par le Conseil œcuménique des Eglises (COE), cette rencontre a ouvert la voie deux ans plus tard à des conversations qui ont mis face à face chrétiens coréens du nord et du sud, à Glion (Suisse).


Ces colloques avaient eu lieu dans un contexte de grandes tensions et d'efforts faits de part et d'autre pour diaboliser "l'autre". Ils ont lancé ce que l'on a appelé le processus de Tozanso, et que de nombreux observateurs ont considéré par la suite par comme précurseur du rapprochement coréen.


A l'époque, ces rencontres ont non seulement été vues comme une nouvelle étape de l'histoire du mouvement œcuménique dans les deux Corées et le monde en général, mais elles ont aussi montré combien témoigner pour la paix faisait partie intégrante de la foi chrétienne.


L'ensemble de la famille œcuménique a soutenu ce processus en s'employant à renverser les "images d'ennemis" et les "murs idéologiques", tout en plaidant pour que l'on mette terme à la course aux armements, pour dénucléariser la péninsule et la réunifier par des moyens pacifiques avec la participation de tous les Coréens.


A la recherche de la paix aujourd'hui encore


Deux décennies plus tard, la situation s'est considérablement modifiée dans les deux Etats coréens.


La Corée du Sud est une démocratie - un développement auquel les Eglises du pays ont participé - et un certain nombre de facteurs ont rapproché le sud et le nord. On relèvera à cet égard la "politique du rayon de soleil" de l'ancien président Kim Dae Jung, politique de contacts avec le nord dans les années 1990, qui a abouti à un sommet historique inter-coréen en 2000.


Mais les évènements du 11 septembre 2001 ont marqué un recul dans l'évolution positive de la péninsule coréenne. Mise au nombre des pays de l'"axe du mal" par George W. Bush, président des Etats Unis, dans son discours de 2002, la Corée du Nord s'est retirée en 2003 du Traité de non prolifération nucléaire.


Ce n'est qu'en 2007, dans le contexte des négociations des Six parties lancées en 2003 et auxquelles participent les deux Corées, la Russie, le Japon et les Etats Unis, que la Corée du Nord s'est engagée a faire quelques pas en direction de la dénucléarisation en échange d'une aide énergétique et économique.


Cette semaine, des responsables sud-coréens ont annoncé qu'un deuxième sommet avec des dirigeants du nord est prévu pour les 29 et 30 août, pour favoriser les négociations sur les efforts internationaux visant à résoudre le problème du nucléaire nord-coréen.


"L'époque où parler de la réunification était considéré comme un délit est bien révolue, et le temps a montré que la position de principe des Eglises sur cette question était prophétique", a dit Samuel Kobia, secrétaire général du COE, au cours de l'allocution qu'il a prononcée aujourd'hui à Séoul au Colloque international sur le rôle des Eglises dans le domaine de la paix et de l'unification. "Mais aujourd'hui, le combat pour la paix et la réunification doit continuer dans un paysage géopolitique devenu beaucoup plus complexe." 


Parrainé par un groupe ad-hoc de 24 Eglises, le colloque figure parmi un ensemble de manifestations commémoratives marquant les 100 ans du grand réveil évangélique de Corée en 1907.


L'expérience traumatique de la Guerre de Corée, ainsi que l'anticommunisme répandu au sein de la société et des Eglises créent une "atmosphère d'antagonisme" à l'égard du Nord. Cela conduit un grand nombre de gens à promouvoir "la réunification par absorption" et une "action missionnaire agressive", a dit Geo-Sung Kim.


Les obstacles à la réunification sont de nature à la fois politique et spirituelle. Le réveil de 1907- ironie de l'histoire - était basé à Pyongyang, actuellement capitale de Corée du Nord.


Selon Soo-il Chai, professeur de missiologie et d'œcuménisme à l'université Hanshin et membre de la Commission des Eglises pour les affaires internationales du COE, les intérêts géopolitiques de voisins puissants tels que le Japon, la Chine et la Russie, ainsi que les Etats Unis constituent l'un des problèmes politiques auxquels la Corée est confrontée. "Plus la division de la Corée perdure, plus les objectifs stratégiques et économiques des superpuissances y gagnent", dit-il.


Geo-Sung Kim et Soo-il Chai estiment tous deux que la réunification prendra plusieurs décennies. Ils pensent qu'elle se fera au travers d'un processus mené "pas à pas" de développement de la confiance mutuelle et d'une culture de la paix, mais aussi du renforcement de la coopération économique qui devrait améliorer la qualité de vie en Corée du Nord.


L'action œcuménique internationale devrait comporter une aide à la Corée du Nord pour qu'elle puisse surmonter son isolement politique et mieux s'intégrer à la communauté internationale, dit Soo-il Chai. Il souhaiterait aussi que l'on apporte un soutien accru aux chrétiens nord-coréens pour les aider à améliorer leur statut social.


Entre temps, les Eglises du sud et l'ensemble de la famille œcuménique se sont engagées à continuer à fournir au nord de l'aide humanitaire et à prier pour la paix et la réunification, ce que de nombreuses personnes font depuis des décennies.


(*) Juan Michel, chargé des relations avec les médias au COE, est membre de l'Eglise évangélique du Rio de la Plata à Buenos Aires, Argentine.



10/08/2007

Source: Conseil oecuménique des Eglises (COE)