Par John Singleton*
Il serait intéressant de se demander quel parti le fondateur du méthodisme aurait tiré des techniques de communication actuelles, si elles avaient existé au XVIIIe siècle ?
John Wesley, avec ses qualités d'orateur et d'animateur de débats, aurait fait un bon commentateur de TV ou de radio; son engagement dans le débat public par le biais des journaux de son temps et son assiduité à écrire son journal personnel suggèrent qu'il aurait pu être une figure dominante du monde du journalisme; enfin, son aptitude à écrire et distribuer des livres l'aurait certainement porté à l'avant-scène de l'édition religieuse contemporaine.
Il y a cependant une autre forme de communication que John aussi bien que Charles Wesley maîtrisaient admirablement: l'art épistolaire. Les courriers électroniques voleraient certainement en masse autour du monde, car les deux frères ont écrit des milliers de lettres pendant leurs vies.
Ils en ont passablement échangé entre eux. Mais John en particulier était un correspondant prolifique, s'adressant à des gens de toutes conditions. Pour lui, les lettres étaient un moyen de communication vital. Il était prompt en effet à admonester responsables locaux et prédicateurs du mouvement méthodiste naissant s'il avait l'impression qu'ils avaient dévié des règles ou étaient enclins à suivre leurs propres voies en matière d'organisation ou de doctrine.
Mais il était tout aussi prompt à féliciter et encourager, en particulier lorsqu'il savait que des méthodistes locaux étaient confrontés à des circonstances difficiles. Ses lettres pastorales révèlent une empathie fondée sur sa connaissance personnelle des gens et des persécutions dont ils étaient souvent victimes.
Nombre de lettres de Wesley contiennent une vive défense contre les critiques adressées au mouvement et à lui-même. Qu'il s'agisse de doctrine, de ses relations avec l'Eglise anglicane, de l'attrait du mouvement méthodiste sur la classe ouvrière ou encore de la tendance des premiers prédicateurs méthodistes à évangéliser en plein air - il a toujours su prendre le temps et faire l'effort de répondre soigneusement - et souvent longuement - à ceux qui lui avaient écrit. Certaines de ses lettres semblent aujourd'hui extrêmement ennuyeuses, mais nombre d'entre elles sont fascinantes, et certaines expriment une tendresse et un amour qui en surprendraient plus d'un.
Fort heureusement, nombre de ces lettres ont survécu et, grâce au travail d'érudits et de compilateurs méthodistes, elles nous donnent un aperçu de la manière de penser et des motivations de Wesley.
Etre membre de la famille de Wesley ne protégeait pas nécessairement de ses critiques acerbes. "Hélas, mon frère!", écrit-il à son beau-frère anglican, le pasteur Westley Hall, en août 1743. "Qui te dira la pleine vérité? Tu es un homme faible, malavisé, inconstant, irrésolu, profondément enthousiaste, fortement imbu de toi-même, et donc une cible toute trouvée pour ceux qui te prennent par ton côté faible, la vanité". Le malheureux Hall valait bien sûr mieux que cela, mais l'une de ses actions "malavisées" avait été de "laisser tomber" l'une des soeurs de Wesley et d'en épouser une autre. Pourtant, et malgré la rudesse de son ton, Wesley signait toujours comme étant "ton ami véritable et ton frère affectionné".
Wesley et d'autres pionniers du méthodisme ont souvent été l'objet de harcèlements qui pouvaient parfois aller jusqu'à la violence physique. D'ordinaire, ils subissaient la chose avec patience; mais de temps à autre, Wesley était d'avis qu'il fallait résister en recourant à la justice.
Ainsi, un incident survenu à Newcastle en 1745, donna lieu au bref message suivant, adressé à un certain Robert Young: "Je m'attends à vous voir, entre ce jour et vendredi, et à vous entendre me dire que vous êtes conscient de votre faute. Sinon, par pitié pour votre âme, je serai obligé d'informer les magistrats de votre agression commise contre moi, hier, dans la rue. Je suis votre ami véritable, John Wesley". Young a effectivement rencontré Wesley et lui a promis "un comportement très différent".
Les conseils de Wesley à ses prédicateurs étaient toujours mûrement réfléchis et témoignaient d'un réel intérêt. En novembre 1747, il écrit: "Mon cher frère, lorsque tu prêches en public, ne dis pas un mot contre des opinions, quelles qu'elles soient. Nous ne combattons pas des notions, mais des péchés. Et ne t'avise jamais d'ouvrir tes lèvres, ne serait-ce qu'une fois, contre la prédestination. Cela créerait plus de troubles que tu ne peux l'imaginer. Concentre-toi sur notre point essentiel: présente le salut personnel par la foi, par la preuve divine du pardon des péchés."
En février 1753, c'est un autre prédicateur, Thomas Capiter, qui reçoit un bon conseil: "C'est une règle constante parmi nous qu'aucun prédicateur ne devrait prêcher plus de deux fois par jour, à l'exception des dimanches ou de circonstances extraordinaires; dans ces cas-là, il peut prêcher trois fois", écrit Wesley. "Nous savons bien que la nature ne supporte pas une prédication plus fréquente que cela; par conséquent, dépasser cette norme est une forme de suicide". Il poursuit en conseillant à ses prédicateurs de ne pas parler plus d'une heure à la fois (prière incluse) et de ne pas parler plus fort que nécessaire en fonction du nombre d'auditeurs.
La preuve de l'avantage de se lever très tôt pour prêcher est apportée dans une lettre écrite de Dublin à son frère Charles et datée d'avril 1748. "J'ai commencé à expliquer les Actes des Apôtres à cinq heures du matin", écrit-il. "Aujourd'hui, la salle était assez bien pleine, mais il continuait à en venir tout le temps. Je vois de plus en plus distinctement la folie qui consiste à donner un espace au diable. Nos prédicateurs repoussent l'heure de la prédication jusqu'à six heures du matin, dans l'idée que plus de gens puissent y assister. Mais maintenant, je vois que comparé au nombre de personnes venant à six heures, il y en a quatre fois plus qui viennent à cinq heures ".
Nous savons que le mariage de Wesley avec Mary Vazeille se termina mal, mais qu'il connut également des jours heureux. "Mon cher amour", a-t-il écrit de Newcastle en mai 1752, "ton nom est bien aimé parmi ces gens. Ils parlent beaucoup de toi, ne savent pas comment te mentionner assez élogieusement, même à propos de petites choses, la simplicité de ton costume, que tu sois assise parmi les pauvres pendant le sermon, qu tu boives de l'infusion de sauge et ne te montres pas délicate en matière de repas. Leur façon de me parler de toi me fait souvent monter les larmes aux yeux".
Nombre de lettres écrites par Wesley (ainsi que celles qui lui ont été adressées) sont aujourd'hui rassemblées dans des ouvrages parus au fil des ans, en particulier ceux de Frank Baker. Les lettres reflètent le grand talent de Wesley dans le domaine de la communication. Surtout, elles révèlent son profond souci pastoral, son réel don comme avocat de la cause de l'Evangile, son génie de l'organisation et son extraordinaire attention aux détails.
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*Singleton écrit pour le Methodist Recorder de Londres. Il est actuellement administrateur des églises et des projets méthodistes de Tower Hamlet, dans l'Est londonien. Son adresse électronique est john@towerhamlets.org
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Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)