Pour Scott Kerr, être un témoin chrétien pour la paix, c'est prendre les mêmes risques que les gens qu'il espère protéger.
Par peur de la violence déclenchée par les guérilleros et par les groupes paramilitaires de ce pays latino-américain, les fermiers s'étaient enfuis de chez eux. En février, ces fermiers envisagent de revenir dans leurs maisons. Scott Kerr pense être avec eux du voyage.
"Je crois que les chrétiens devraient prendre autant au sérieux la mission de conciliation que les gens du Pentagone la préparation de la guerre," a dit Kerr, un membre de la First United Methodist Church à Downer's Grove, Illinois.
Il fait partie des Équipes de Conciliateurs Chrétiennes (CPT), un ministère oecuménique initié entre autres par les Mennonites pour soutenir toute initiative dans le monde entier visant à "réduire la violence". L'organisation, qui est arrivée en Colombie il y a une année, a installé sa base de projet à Barrancabermeja, à Barranca pour faire court, à huit heures de bus au nord de Bogota.
Parce que la ville de Barranca compte une raffinerie de pétrole, traitant environ 60 % du pétrole de la Colombie, c'est un emplacement stratégique pour les groupes armés visant le pouvoir, selon Kerr. Bien qu'elle ait déjà été une fois sous le contrôle des guérilleros, des groupes paramilitaires se sont emparés de la ville il y a une année; depuis, le nombre de meurtres et de violations des droits de l'homme est en nette augmentation, a-t-il ajouté.
Dans la ville, les CPT ont dirigé des patrouilles de rue, suivi les événements en qualité de témoins officiels et assuré une présence dans un centre de réfugiés pour aider à réduire la violence. Dans la campagne, les membres des CPT accompagnent les gens qui retournent dans leurs maisons et maintiennent une présence régulière dans les villages où les résidants essayent de mener leurs vies loin de la lutte armée.
"Nous avons été témoins d'un certain nombre de violations de droits de l'homme, mais nous croyons qu'à cause de notre présence elles sont moins nombreuses," a dit Kerr, qui faisait partie d'un programme CPT au Chiapas, Mexique, pendant une année et demi avant son départ en Colombie.
Bien qu'avec un passeport américain, "nous ayons une plus grande liberté d'agir," il a admis que la Colombie pouvait être une place dangereuse pour n'importe qui. "Notre sécurité, nous la devons à notre volonté de transparence absolue," a-t-il expliqué. "Nous avons des réunions et sommes en communication avec tous les groupes armés. On nous fait beaucoup confiance ici parce qu'ils savent que nous ne croyons pas en l'usage des armes."
Kerr a dit que, pendant qu'il sert de "garde du corps désarmé" aux fermiers retournant dans leurs maisons, son église locale et son réseau d'amis à la maison lui offrent aussi quelque protection et soutien parce qu'il sait qu'ils réagiraient immédiatement en cas d'enlèvement.
Les Fédérations d'Eglises étaient nombreuses, - parmi lesquelles le Conseil National des Églises et son organisme d'aide humanitaire, Church World Service - à se montrer critiques vis-à-vis de la politique suivie par le gouvernement américain en Colombie: il a utilisé l'argent destiné au développement pour tenter de supprimer le trafic de la drogue. Ces Eglises soutiennent que la fumigation des récoltes de coca par la voie aérienne et l'implication des Etats Unis dans l'armée colombienne et sa guerre civile ont eu un impact négatif sur la vie des civils innocents, affectant du coup leurs maisons, leur santé, leurs provisions alimentaires et l'ensemble de leurs droits.
Kerr a fait sa propre déclaration quant à la présence militaire américaine en Colombie et dans d'autres parties d'Amérique Latine, quand il a pris part à une manifestation de protestation "Litanie de la Résistance" en novembre dernier à l'Ecole Militaire des Etats-Unis au Fort Benning, Ga. Certains ont sévèrement critiqué l'Ecole, parce qu'ils considèrent ses diplômés latino-américains coupables de violations des droits de l'homme. Kerr a été arrêté puis libéré en attendant son procès, a-t-il dit.
Le 5 février, les représentants de Human Rights Watch, Amnesty International et le Bureau de Washington pour l'Amérique Latine affirmaient sur la base d'enquêtes récentes que le gouvernement colombien n'avait pas respecté les conditions nécessaires en matière de droits de l'homme pour obtenir une nouvelle aide du gouvernement américain (quelques 625 millions de $).
Ils ont relevé, selon Human Rights Watch, que le gouvernement colombien n'avait pas suspendu les membres de ses forces armées "présumés coupables" pour avoir violé des droits de l'homme ou aidé des groupes paramilitaires; ils ont aussi constaté que les forces armées colombiennes continuent à organiser, à coordonner, à soutenir et à tolérer des groupes paramilitaires; et que les forces armées ne coopèrent pas avec les autorités judiciaires dans l'instruction de certaines affaires ou la poursuite de membres paramilitaires.
Kerr a estimé que plus de 80 % des violations des droits de l'homme en Colombie sont commises par des éléments paramilitaires également étroitement associés à l'armée nationale. "Nous sommes témoins des deux simultanément à la même place et en même temps," a-t-il dit. "Les connexions sont très évidentes."
Les fermiers avec qui il a travaillé ont dit à Kerr qu'il n'y aura pas de paix en Colombie "avantt que le gouvernement américain ne décide qu'il y aura la paix."
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Le 14 février 2002
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Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)