Iles Fidji: le débat sur l'homosexualité est loin d'être éteint

Loin d'apaiser le débat opposant les homophobes et les défenseurs des droits constitutionnels, la décision de la justice fidjienne vendredi dernier en faveur d'un couple d'homosexuels semble avoir une nouvelle fois jeté de l'huile sur le feu, provoquant notamment des réactions tranchées de la part du gouvernement et des tendances conservatrices des églises de cet archipel.


Vendredi dernier, la Haute Cour de Lautoka, saisie en appel par un Australien, Thomas MacCosker, et un Indo-Fidjien, Dhirendra Nadan, condamnés chacun à deux ans de prison pour « actes contre nature » en vertu d’un article du Code Pénal datant de 1944, annulait leur condamnation, estimant que les dispositions de la Constitution de 1997 garantissaient à tout individu le droit d’exprimer ses orientations sexuelles.


Cette décision, la première concernant un conflit entre Code Pénal et Constitution, est perçue comme faisant désormais jurisprudence.


Réagissant à ce verdict, le Premier ministre fidjien, Laisenia Qarase, a déclaré lundi à la radio privée Legend FM que son gouvernement s’emploierait désormais à faire en sorte que les « actes contre nature » entre gays et lesbiennes « restent condamnables ».


« Personnellement, je pense que toute législation qui n’est pas conforme à la loi de Dieu doit être amendée (…) Et que cet acte soit commis en privé ou en public ne change rien à l’affaire », a-t-il ajouté.


Son garde des Sceaux (Attorney General), Qoriniasi Bale, déclarait pour sa part mardi dans les colonnes du quotidien Fiji Times son désaccord avec le jugement de la semaine dernière.


« Les dispositions de la Constitution ne reviennent pas à légaliser l’homosexualité ou à cautionner la sodomie. Elles sont là pour protéger conte les discriminations », a-t-il estimé.


Aux termes de l’article 38 de la Constitution de 1997, tout individu a le droit d’être traité également devant la loi et « ne peut faire l’objet de discriminations injustes, directes ou indirectes, en raison de ses caractéristiques ou circonstances personnelles, qu'elles soient avérées ou supposées, y compris sa race, son origine ethnique, sa couleur, son lieu d’ origine, son genre, son orientation sexuelle, sa naissance, sa langue maternelle, son statut économique, son âge, son handicap ou ses opinions, croyances, dans la mesure où ces opinions ou croyances ne causent pas de mal à ou portent atteinte aux libertés d’autrui »


L’église méthodiste fidjienne, ce week-end, a elle aussi vivement réagi au verdict de la Haute Cour, estimant que les gays et lesbiennes ont, plus que tout autre chose, “besoin d’assistance psychologique et médicale”.


Au plan œcuménique, le Conseil des Églises fidjiennes s’est lui aussi fendu d’un communiqué en début de semaine qui parle d’une « opposition totale » au jugement de la Haute Cour.


« Outre le fait que ce soit contre les écritures de la Sainte Bible, le fait qu’une personne connaisse une autre du même sexe est aussi contraire aux valeurs traditionnelles et culturelles. En dépit de ce jugement de la Haute Cour, le Conseil n’acceptera jamais l’homosexualité, car il œuvre à défendre les Écritures ».


En réponse, plusieurs associations de défense des droits humains se sont élevées contre les commentaires adverses : le Women's Action for Change (WAC, action des femmes pour le changement), par la voix de sa directrice Noelene Nabulivou, se déclare « horrifié par ces attaques contre les droits humains et contenues dans ces déclarations », condamne les « dérives fondamentalistes » et rappelle le principe de séparation de l’Église et de l’État.


Carlos Pereira, qui dirige à Fidji le mouvement de défense des droits des minorités sexuelles (Rights of Sexual Minorities), déclarait lundi soir à la télévision nationale son inquiétude face aux réactions provoquées par la décision de justice de la semaine dernière.


Sakiusa Rabuka, chef de cabinet au ministère de la justice, ne cache pas ses intentions : selon lui, la décision de la Haute Cour devrait être une nouvelle fois mise à l’épreuve devant le plus haut tribunal de l’archipel : la Cour Suprême.


30/08/2005

Source: Tahiti presse