Le pape Jean-Paul II est attendu à Lourdes pour une visite de deux jours, les 14 et 15 août, afin de célébrer les 150 ans du dogme catholique de l'Immaculée Conception. Environ 300 000 personnes devraient assister aux cérémonies.
Pourtant, fin juillet, la Fédération protestante de France a pris nettement ses distances vis-à-vis du voyage de Jean-Paul II. Dans un message officiel à l'Eglise catholique en France, elle rappelait les divergences entre catholiques et protestants sur le culte marial et le rôle du pape.
Tout en souhaitant "un rassemblement heureux et porteur d'espérance à toutes celles et ceux qui s joindront avec émotion à l'Evêque de Rome," ils rappellent qu’ils “ne se reconnaissent pas dans la piété mariale ni dans la vision d'une chrétienté soumise à l'autorité du Pape, deux spécificités de l'identité catholique romaine."
Dans le bulletin d'information du site web "FPF", il est noté que tout ce que le protestant exècre a priori dans le catholicisme semble se concentrer dans ce rendez-vous d'été: “les 150 ans du dogme de l'Immaculée Conception et le site même de Lourdes porteurs d'une piété mariale - qui nous semblent si éloignés de la place que la Bible donne à la Vierge Marie - sont, pour les protestants, des éléments difficiles à prendre en compte. Ils disent la distance qui nous sépare, mais aussi le chemin qui reste à parcourir.”
Dans ces divergences persistantes, la FPF y voit une invitation supplémentaire à développer les relations oecuméniques: le protestantisme français est ”attaché à une communion entre chrétiens et Eglises qui laisse place à la diversité. L'engagement oecuménique a précisément pour objet de vérifier que cette diversité n'est pas séparatrice, et qu'au contraire, elle conduit à manifester de plus en plus souvent l'unité des chrétiens autour du Christ. Dans le respect de la diversité, ils nous appellent à une fraternité plus intense: «Qu'il est bon, qu'il est beau pour des frères de vivre ensemble et d'être unis» (Psaume 132, tiré de la TOB - Traduction oecuménique de la Bible)”.
Sur le même site, le pasteur réformé Michel Leplay rappelle que la démarche oecuménique, c'est justement affronter la différence, comprendre l'autre dans ses ressorts avant de juger. Michel Leplay appartient au "Groupe des Dombes".
"La visite du pape Jean-Paul II à Lourdes, le 15 août prochain, pour les 150 ans de la promulgation du dogme de l'Immaculée conception, va être cet été un événement important. ... Comme des Jeux Olympiques de Rome en concurrence avec ceux d'Athènes, mais ce pape a compris en quel temps nous sommes, et il s'y connaît en communication théâtralisée."
..." Le renouveau identitaire catholique apparaît dans toute sa splendeur, avec autant de courage dans l'audace du vieil homme que de précipitation à vénérer la Jeune femme, notamment sa virginité tellement perpétuelle qu'elle aurait été précédée d'une pureté éternelle."
Le pasteur Michel Leplay dénonce néanmoins ”cet excès de ferveur mariale et mystique” et s’autorise ”sept observations historiques et ecclésiologique:
- Sur la conception de Marie elle-même (ce dont il s'agit, et non de son Fils), la réflexion des anciens est tardive, qui n'apparaît qu'aux VIIIème et IXème siècles.
- Les théologiens du Moyen-Age sont divisés sur son caractère «immaculé», les dominicains s'y opposant à la suite de leurs maîtres Albert Le Grand et Thomas d'Aquin.
- La décision romaine de promulguer le dogme marial de 1854 a été prise dans le climat religieux du siècle, sous la pression populaire et sans la consultation d'un Concile qu'aurait demandé un acte de cette importance.
- De plus, les autres Eglises chrétiennes en furent blessées, par le mépris de leur tradition (orthodoxes) ou l'ignorance de leurs convictions (protestants).
- En effet, les Eglises d'Orient célébraient sagement une fête de la Naissance de Marie, tandis que celles de la Réforme s'en tenaient à la sobriété évangélique.
- Car c'est ici le point névralgique, de la référence à l'Ecriture comme source et norme de la foi chrétienne, et l'application d'un «principe de précaution» au développement souvent incontrôlable de la piété et de ses traditions.
- Enfin, une telle orchestration festive d'apparition pontificale et d'immaculée conception pose question à la théologie oecuménique de la modération telle que la propose le Groupe des Dombes.”
Source: EEMNI/FPF/ENI/Jour du Seigneur