Singapour: de la méditation à la place de l'action dans les salles de cinéma

Singapour. Une musique inhabituelle se faisait entendre tous les dimanches matins, neuf heures, depuis les multiplexes de cinéma du "Golden Village" de l´Avenue Yishun de Singapour. Il n´y avait pas de bande d´enfants agités pour se réjouir d´un nouveau film à trucages, et les cinéphiles n´étaient pas en train de suivre de folles courses-poursuite. Bien au contraire, le local se remplissait de chants d´église et de prières.

De la méditation à la place de l´action: depuis que la fréquentation des salles de cinémas ne cesse de baisser dans cette ville asiatique ou même que ces salles ferment, les communautés ont découvert ces salles sans fenêtre pour y célébrer leur culte.

"Avant tout, disons que si ces locaux sont libres le dimanche matin, cela ne tombe pas dans l´oreille d´un sourd", disait le pasteur Gordon Aw de la communauté Yishun Methodist Church". La communauté forte de 400 membres dans le "Golden Village" y louait à chaque fois deux salles dès 1998 tous les dimanches pour des réunions en anglais et chinois. L´administration de l´Eglise est installée dans un immeuble de bureaux.


Pour les exploitants des cinémas de Singapour, les locataires inhabituels de ces lieux se sont révélés comme une bénédiction depuis que se vident toujours plus les places de cinéma.


Les statistiques laissent entendre une baisse de fréquentation des cinémas de l´ordre de 20 % entre 1997 (17,4 millions d´entrées) et l´an 2000 (avec à peine 13,5 millions d´entrées).


La raison: dans cette ville riche, tout le monde achète aisément des cassettes vidéo, ensuite il y a télévision par câble et ses propres chaînes cinéma qui assurent une très large diffusion des films. Les billets à prix réduit n´ont pas suffi à attirer le spectateur dans les cinémas et n´a amené rien d´autre que des pertes supplémentaires.


Pendant qu´une partie des cinémas cherchent à boucher les trous dans la caisse en mettant les locaux en location un certain nombre d´heures, une vieille salle est devenue, entre temps, à part entière une maison de Dieu. Ça a été un excellent choix" de souscrire en 1995 à un bail pour une durée limitée en faveur de la Salle "Hollywood" alors en pleine banqueroute, dit un collaborateur de la City Harvest Church". "C´était un cinéma indépendant et à la différence des autres installé dans un centre commercial." A cause de son passé, cette salle est facile d´accès, bénéficie de toutes les commodités de transport, une station de métro est à proximité et les places de parking sont suffisamment nombreuses pour les quelques 12 000 paroissiens, il s´en réjouit.


A ce jour, nul ne peut dire si les recettes émanant des Eglises suffiront à empêcher la mort des cinémas de cette ville. L´"Yishun Methodist Church" paie, par exemple, entre 500 et 700 francs suisses par semaine pour ses deux salles. La vente d´une exposition apporterait au contraire environ 7000 francs suisses.


Un porte-parole du multiplexe cinéma du "Golden Village" rend compte du problème en ces termes: "nous sommes continuellement à la recherche de nouvelles possibilités: comment utiliser autrement les salles de façon à éveiller toujours à nouveau l´enthousiasme des gens." Ainsi projette-t-on des retransmissions sur grand écran de matches de football ou de courses de voitures. Les prières à elles seules, semble-t-il, ne s’avèrent pas suffisantes.

Source: Basler Zeitung du 20.04.2001 - Frank Brandmaier