Entretien avec Frère Richard de la communauté œcuménique de Taizé en France. Ce témoin particulier de l'œcuménisme contemporain nous livre sa perception de ce rassemblement. Il est observateur lors de la 9ème Assemblée du Conseil œcuménique des Eglises (COE), qui se tient à Porto Alegre, au sud du Brésil, du 14 au 23 avril et rassemble plus de quatre mille participants.
Propos recueillis par Linda Caille (*)
Frère Alois, actuel prieur, était présent au début de l'Assemblée puis a rejoint la communauté établie depuis quarante ans au nord du Brésil, dans la province de Baya. Quatre fraternités de Taizé sont établies à l'étranger, les trois autres sont au Sénégal, au Bangladesh et en Corée.
Avez-vous rencontré des participants de l'Assemblée qui connaissent Taizé ?
Oui, je suis surpris, beaucoup de participants connaissent Taizé, parce qu'ils y ont été ou projettent de s'y rendre. Les témoignages sont chaleureux. Un étudiant coréen m'a même fredonné des chants de Taizé qu'il connaît. Un des principaux intérêts de ce rassemblement est le nombre de rencontres de qualité qui y sont possibles. Un archevêque d'Afrique du sud qui connaît Taizé, m'a demandé ma "business card" mais je n'en ai pas.
Du point de vue des participants, quelle différence faite vous entre le public de l'Assemblée et celui des rencontres de Taizé ?
Ici, à Porto Alegre, il y a parmi les participants presque autant de responsables d'Eglises, de pasteurs, de laïcs engagés que de jeunes et de jeunes adultes. La proportion est égale. A Taizé, les officiels peuvent bien sûr venir à titre individuel. Pendant les semaines d'été, nous pouvons aussi accueillir jusqu'à 4000 personnes, voire 5000. Mais nous ne cherchons aucun résultat, il n'y a pas d'enjeux. A la fin de l'été, nous ne votons aucune résolution, c'est une grande différence.
Comment se déroule l'étude biblique que vous animez ?
Il y a entre douze et quinze inscrits. Nous sommes en moyenne huit. Aujourd'hui, nous avons travaillé sur l'évangile de Marc et l'annonce de la passion du Christ, au chapitre 10. Il y a entre autres dans ce groupe un professeur indien de théologie, une infirmière zambienne, une canadienne quaker, un pasteur réformé du Ghana, un frère morave et un pakistanais qui se dit "homeseek", il a le mal du pays, sa famille lui manque.
Vous animez l'une des soixante études bibliques quotidiennes. Dans quelle langue se déroule-t-elle ?
En anglais. Tout le monde arrive à converser facilement. Une des conclusions de l'étude d'aujourd'hui est la lenteur des apôtres à comprendre les sacrifices qu'impliquent de suivre le Christ. Je constate une grande demande d'études bibliques.
Quelles interventions en plénière ont retenu votre attention ?
J'ai beaucoup apprécié les discours de l'archevêque de Canterbury, Rowan Williams, que lors de la plénière sur l'identité chrétienne et la pluralité religieuse. Ce témoignage est important dans de grands rassemblements, car il est marqué par la prière et une véritable expérience de vie. Il n'y a pas de communion possible sans don de soi même. Donner sa vie, c'est ne pas chercher son intérêt, son discours l'a montré.
Les jeunes sont nombreux à Porto Alegre, vous en recevez tout au long de l'année à Taizé, ils sont très sollicités lors de l'Assemblée et présentés comme "l'avenir de l'Eglise". Que retenez vous des débats et des rencontres ?
Les jeunes européens qui arrivent à Taizé sont fatigués de vivre. Avant de s'engager dans un mouvement œcuménique international, ils doivent trouver leur place là où ils vivent. A la fin des années 1970, des frères espagnols qui avaient connu la dictature en Espagne étaient spontanément très engagés. Aujourd'hui, on ne fédère pas les jeunes derrière des slogans, ni des pourcentages de participation. Alors comment éveiller cette espérance? Si on veut transmettre cette "flamme de l'œcuménisme", dont parle Samuel Kobia, il faut offrir un approfondissement théologique intérieur.
Malgré l'ensemble des activités, vous manque-t-il quelque chose ?
A Taizé, lors des trois temps de prières, la vie s'arrête, on ne répond pas au téléphone. Ces temps sont nécessaires pour se retrouver en communion avec le Christ. Ici, je suis surpris par les applaudissements lors du temps de prière le matin à 8h30. On ne sait plus si c'est un temps de silence ou un spectacle. Les groupes bibliques sont par ailleurs de véritables temps d'écoute de la parole. Cette attention à la parole de Dieu est nécessaire pour se laisser transformer.
19/02/2006
(*) Linda Caille, réformée, est journaliste à Paris, rédactrice en chef du mensuel Mission édité par le Service protestant de mission (Defap).
Source: Conseil oecuménique des Eglises (COE)