Un pasteur méthodiste africain à la tête du COE

Le Conseil Oecuménique des Eglises (COE) s'est doté d'un nouveau secrétaire général, lors de la 53e session de son Comité central, en lieu et place du pasteur allemand Konrad Raiser, en poste depuis 11 ans.


En annonçant le résultat, le président du Comité Central, sa sainteté Aram Ier, a exprimé sa "reconnaissance envers notre Dieu à tous" d'avoir inspiré cette importante décision. Il a noté que le processus s'était déroulé sans heurts, avec sérieux et sens des responsabilités. 


Il s'est ensuite adressé au pasteur Kobia: "Je suis sûr que vous accepterez cet appel à servir la cause oecuménique, dont nous croyons qu'il vient de Dieu". Il a également exprimé sa profonde reconnaissance au pasteur Bakkevig, l'autre candidat pour cette fonction, pour sa disponibilité et son engagement en faveur du COE et du mouvement oecuménique. 


Exprimant sa gratitude au Comité central pour la confiance qu'il lui a montré, Samuel KOBIA a déclaré: "Un proverbe africain dit: "Si tu veux marcher vite, marche tout seul, mais si tu veux marcher loin, marche avec les autres". ..."Pour avoir la capacité d'inspirer le monde, nous avons besoin de force intérieure. Notre force repose sur notre unité. Nous devons travailler ensemble et nous devons être vus en train de travailler ensemble !" ..."Ma prière est que dans ce mouvement oecuménique, nous allions loin, marchant ensemble, renforçant l'un l'autre pour accomplir la prière de notre Seigneur - soyez un - pour la gloire du Dieu trinitaire, Père, Fils et Esprit Saint"


Samuel Kobia est membre de l'Eglise Evangélique Méthodiste du Kenya. Il a cinquante-six ans, est marié et père de 2 filles et 2 garçons. Il a fait sa théologie au Kenya, puis au Séminaire McCormick (Etats-Unis) où il a obtenu un certificat sur le ministère en milieu urbain, puis un diplôme d'urbanisme au Massachusetts Institute of Technology (MIT).


Homme d’Afrique surtout. Véritable conscience africaine, œuvrant pour la paix, Samuel Kobia est un des principaux acteurs de l’œcuménisme africain. M. Kobia a occupé le poste de secrétaire exécutif de la mission rurale et urbaine (MRU) du COE de 1978 à 1984. En 1984 il est retourné au Kenya pour diriger les activités de développement menées par l’Eglise au sein du Conseil national des Eglises du Kenya (NCCK). Il a été nommé secrétaire général du NCCK en 1987, poste qu’il a occupé jusqu’en 1993. Il a ensuite rejoint le personnel du COE, pour diriger ce qui était l’Unité III «justice, paix, et création». En 2000, il a passé une année sabbatique à la faculté de théologie de l'Université de Harvard, en tant que chercheur/chargé de cours au Centre d'étude des valeurs dans la vie publique. 


Parmi ses nombreux engagements sociaux, politiques et oecuméniques, M. Kobia a aidé à ré-organiser le Conseil chrétien du Zimbabwe après l’indépendance (1980-1981). Il a également présidé le Comité de coordination internationale du Programme expérimental de mission (FIM); il a été vice-président de la Commission du Programme de lutte contre le racisme du COE (1984-1991); il a participé à la fondation du Groupe d’action pour la paix de Nairobi (1987) et de la FOCCESA, (l’Association des conseils chrétiens d’Afrique orientale et australe); il a aussi présidé les pourparlers de paix au Soudan en 1991, et en 1992, il a présidé l’Unité nationale d’observation des élections du Kenya. 


Avec Origins of Squatting and Community Organization in Nairobi (Origines du squattage et de l'Organisation communautaire à Nairobi) (1985) - une mise à jour de sa thèse de maîtrise, publiée sous forme de livre, et Together in Hope (Ensemble dans l'Espérance), le rapport officiel (1990) de la conférence du NCCK sur la mission et la vocation de l'Eglise au Kenya, M. Kobia est l'auteur de deux livres sur l'Afrique. The Quest for Democracy in Africa (La Quête de la Démocratie en Afrique) (1993) examinait les conditions pour la réussite ou l'échec éventuels de la démocratie en Afrique; The Courage to Hope (Le Courage d'espérer) (date de publication prévue: septembre 2003) est le résultat de longues années d'efforts collectifs de confronter les dilemmes de l'Afrique.


«En tant que secrétaire général du Conseil national des Églises au Kenya pendant les années de combat pour la vraie démocratie dans ce pays, il a développé des convictions décisives sur l’appel de l’Église et son rôle dans la reconstruction de l’Afrique,» explique Konrad Raiser, dans la préface d’un livre écrit par Samuel Kobia The Courage to hope (Le Courage d’espérer). 


M. Kobia est marié à Ruth, et le couple a deux filles, Kaburo and Nkatha, et deux fils, Mwenda et Mutua. 


Il prendra son poste en janvier 2004. 


Choix «prophétique» ? Peut-être. Pour le Monde, le choix du pasteur Samuel Kobia est celui de l'alternance, le choix d'un continent africain où les Eglises membres du Conseil et c'est enfin le choix de l'hémisphère Sud, où la population chrétienne est désormais plus nombreuse que celle du Nord. Il appartient à celui, qui connaît par cœur les rouages du COE, "de remobiliser les Eglises membres sur un objectif œcuménique qui ne semble plus faire partie de leurs priorités", écrivait Henri Tincq.


Sam Kobia sera le premier Africain à diriger le COE, fondé en 1948. Pour le nouveau secrétaire général du COE, l'Afrique devrait devenir au 21e siècle le centre du christianisme. En termes de chiffres, l'Afrique devrait devenir à ses yeux le centre du christianisme au 21e siècle. L’Afrique, estime le nouveau secrétaire général, doit, au-delà des discours sur la «libération» et le «développement», se reconstruire en partant de ses ressources morales et spirituelles. Samuel Kobia parle même à ce propos d’«impératif éthique». Et les Églises y ont un rôle à jouer. Dans ses remarques d'ouverture, Samuel Kobia a relevé l'importance de marcher ensemble, "c'est ce qui nous permettra de rester unis, en tant que mouvement oecuménique". Notre unité repose sur le fait que nous poursuivions ensemble ce voyage spirituel: "rester ensemble, c'est ce que Christ nous a demandé: que nous soyons un pour que le monde croie."


D'entrée de jeu, Sam Kobia a annoncé son programme: "Un proverbe africain dit: "Si tu veux marcher vite, marche tout seul, mais si tu veux marcher loin, marche avec les autres…" Pour avoir la capacité d'inspirer le monde, nous avons besoin de force intérieure. Notre force repose sur notre unité. Nous devons travailler ensemble et nous devons être vus en train de travailler ensemble!"


Il apportera à la fonction qu'il prendra début janvier 2004 une touche africaine: "J'ai cette capacité, comme on le dit des Africains, d'espérer même s'il semble n'y avoir aucun espoir: la capacité de célébrer la vie même quand c'est la mort qui domine, la capacité d'avoir de l'espoir même quand il semble ne plus y en avoir. Le mot clé, c'est ubuntu, du mot zoulou des luttes anti-apartheid: ce qui rend l'humain humain. Ce qui a permis aux Africains de continuer leurs luttes, ce qui est africain en moi, c'est l'ubuntu. Les relations permettent aux être humains de devenir complets. Or je sais écouter. J'espère pouvoir apporter personnellement au COE cette attention aux relations!"


Dans cette perspective, Kobia se déclare familier avec la prise de décision par recherche de consensus, courante dans la culture africaine, et dont le principe a été adopté par le COE pour son fonctionnement. Même si le processus peut prendre plus de temps que dans le modèle parlementaire à l'occidentale, le résultat en vaut la peine, laisse-t-il entendre. 


Dignité humaine, intégrité de la création, et dialogue interreligieux sont les trois thèmes qu'il considère comme prioritaires d'ici à la prochaine Assemblée générale du COE prévue en 2006 à Porto Alegre (Brésil). 


A ses yeux, ces orientations s'inscrivent dans une vision centrée sur la vie dans son entièreté, plutôt que sur l'être humain en particulier, une "cosmovision".


Samuel Kobia a également évoqué le XXe siècle, mené par la politique des idéologies, et sa conviction que le XXIe siècle sera mené par la politique des identités. Le rôle des religions sera décisif pour vivre la pluralité de ces identités. Une approche multireligieuse est nécessaire pour surmonter les violences. Le COE s'est engagé dans cette direction avec sa "Décennie vaincre la violence"


Samuel Kobia a insisté sur l'importance vitale de former les jeunes à l'oecuménisme comme l'ont été les plus anciens. Les jeunes seront présents aux différentes réunions prévues, certains d'entre eux au Liban en novembre prochain déjà, pour les encourager à participer à la reconfiguration du mouvement oecuménique. 


Le nouveau Secrétaire général du COE a terminé sur la question des finances, manifestant sa volonté claire de continuer les efforts entrepris par son prédécesseur, afin d'améliorer encore la stabilité financière. 


Répondant à la question d'un journaliste sur certains sujets qui divisent les Eglises, comme la place de la femme en son sein ou l'accueil de pasteurs homosexuels, Samuel Kobia a indiqué qu'à son avis, le COE est actuellement le seul lieu où l'on peut se retrouver pour évoquer les expériences et discuter des questions qui se posent aux Eglises, y compris celles sur lesquelles les approches sont très différentes comme pour tout le domaine de la sexualité humaine. Mais il faut comprendre que les points d'entrée dans ce domaine varient selon le contexte. "Les Africains ont de la peine à en parler, mais le problème du SIDA les y contraint. En Asie, le point d'entrée est la violence sexuelle. Au COE, la discussion peut s'engager sans que l'on doive se précipiter vers une prise de position définitive."


Source: EEMNI/RÉFORME N°3043/COE/ENI/Le Monde/allafrica.com/La Croix