Après le vote de la loi sur les signes religieux dont, avec les autres communautés religieuses, ils ne voyaient pas l'utilité, les protestants attendent le centenaire de la loi sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Explications de Marcel Manoel, président de l'Eglise Réformée de France (ERF) dans les colonnes du quotidien lyonnais Le Progrès.
Quel est votre sentiment après le vote de la loi sur les signes religieux?
Un peu déçu parce que l'on rêve toujours que nos députés au lieu de ne fonctionner qu'à l'écoute de l'opinion publique et de ses fluctuations, vont essayer un peu d'élever le niveau du débat et de voir ce qui est en jeu. Je le dis d'autant plus volontiers que dans ce débat, les protestants n'ont rien à perdre, ni à gagner.
Il a beaucoup été question de défense de la laïcité
Il faut rappeler que la séparation de l'Eglise et de l'Etat est certes le fait que l'Eglise en tant que telle n'a pas de pouvoir dans le gouvernement du pays mais aussi que l'Etat n'a pas à intervenir dans le domaine religieux. Or, quand on entend des discours officiels disant que la religion doit rester du domaine du privé, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter.
Pas de pouvoir, mais un droit à la parole?
Le droit de parler et de débattre comme tout le monde. Il faut rappeler que la loi de 1905 prévoit que le gouvernement veille au libre exercice des cultes. Le libre exercice des cultes ce n'est pas du privé. Il y a une tentation de la part des pouvoirs publics d'intervenir dans le domaine des religions. Ou bien nous trouvons les moyens de vivre ce respect ou bien nous changeons de situation par rapport à la laïcité à la française, ouverte et respectueuse. Est-ce que l'on est en train de changer de régime? C'est une question que l'on peut se poser au vu des débats actuels.
Qu'est-ce que ce débat aura révélé?
Il montre qu'il y a une grande ignorance de ce que peut être le religieux aujourd'hui. Les gens fantasment sur ce qu'ils supposent être la puissance des Eglises, surtout de l'Eglise catholique. Cela ne correspond nullement à la réalité. Il faudrait qu'ils découvrent ce qu'est l'expression de la foi telle qu'elle est vécue dans nos Eglises.
Pour le centenaire de la loi 1905, les protestants avaient demandé un dépoussiérage, redoutez-vous désormais un changement de régime?
Le débat autour de la loi devrait permettre de réaffirmer les principes de 1905 et de clarifier la façon dont nous les vivons. Pour nous Eglises, c'est dire à nos contemporains que nous nous inscrivons dans cette société où chacun à la parole, où la démocratie préside aux décisions ; dire aussi que nous sommes clairement participants à cette vie laïque de société, mais que nous avons des convictions et souhaitons que nos convictions soient écoutées. Car elles participent à la construction de notre société, à l'écoute des convictions des autres. Un effort de clarification nous semble tout à fait important. Il faut le mener.
Source: Le Progrès de Lyon