Les travailleurs humanitaires dépêchés par les Eglises à la frontière avec l'Afghanistan lancent un cri d'alarme et demandent à la communauté internationale d'agir avant qu'il ne soit trop tard pour empêcher l'effusion de sang dans ce pays. Les travailleurs humanitaires réclament une intervention politique étrangère en Afghanistan.
Le danger est très grand que des affrontements violents aient lieu entre les différents groupes rivaux en Afghanistan, c'est l'avertissement que lancent le 21 novembre à Genève des membres d'organisations humanitaires chrétiennes actives près de la frontière du Pakistan et de l'Afghanistan. Ils exigent de l'Uno l'envoi de troupes.
"Nous avons besoin de l'engagement massif de troupes. Ces troupes doivent séparer simplement les belligérants les uns des autres et préserver le pays du chaos", ainsi s'exprimait un membre d'une organisation d'aide humanitaire chrétienne d'Europe qui n'a pas voulu être cité nommément.
Dans la ville frontalière de Peshawar, plus d'un million de réfugiés afghans ont trouvé refuge, les humanitaires craignent que l'histoire ne se répète. Après la destitution du gouvernement afghan soutenu par les troupes soviétiques au début des années 90, le pays a été déchiré par la guerre civile.
Ils plaident pour une intervention rapide de troupes armées des Nations-Unies à la place d'une intervention militaire américaine ou britannique. "Peut-être bien que es choses sont déjà allées trop loin: les groupes ethniques reprennent de nouveau le contrôle de la situation sur le plan local et régional. Les généralissimes veulent le départ des troupes étrangères pour consolider le contrôle sur leur bout de territoire respectif", craignent ces collaborateurs.
Après des années de lutte contre la sécheresse et les mines antipersonnelles et des années de combat fratricide chronique, les Afghans de-guerre-las font face maintenant à un avenir chaotique, à l'heure où des chefs militaires belliqueux taillent leur pays en fiefs distincts.
"Nous étions ici quand les Russes avaient été chassés et il y avait un espoir immense que les choses aillent en s'améliorant, que la paix viendrait bientôt, que nous pourrions finalement poursuivre le développement," a dit Kjell Godtfredsen, directrice du programme humanitaire au Pakistan pour l'Aide de l'Église Norvégienne (NCA), dans un interview accordé à la mi-novembre. ...
La NCA est membre d'"Action par les Églises Ensemble" (l'ACT), un réseau international d'organisations humanitaires chrétiennes qui incluent aussi l'organisation humanitaire de l'Eglise Evangélique Méthodiste (UMCOR) et le Service Mondial de l'Église (Church World Service).
La situation se détériore à l'intérieur de l'Afghanistan. Un des signes les plus sinistres cette évolution, c'est la déclaration des chefs militaires de l'Alliance du Nord contrôlant Kaboul, selon laquelle toutes les agences internationales et organisations non gouvernementales doivent cesser leurs efforts humanitaires au cours de la semaine à venir.
"Ils veulent s'assurer, semble-t-il, d'un parfait contrôle de la situation, sans aucune concurrence," a dit Godtfredsen.
Autre événement qui n'est pas étranger à cette intention de leur part, les commandants de l'Alliance du Nord contrôlant la capitale ont aussi pressé la Grande-Bretagne de retirer la majeure partie de ses troupes d'opérations spéciales de la base aérienne de Bagram au nord de Kaboul, qu'ils surveillaient. Plusieurs responsables de l'Alliance du Nord, y compris ceux qui sont alignés sur l'ancien Président Burhanuddin Rabbani, de l'ethnie Tajik, se sont partagés la région de Kaboul, ce qui n'était pas sans rappeller la dernière fois où ils avaient été aux affaires à Kaboul. La capitale a davantage souffert et connu de destruction pendant cette période que pendant l'occupation soviétique.
Les musulmans chi'ites, une minorité en Afghanistan, sont en particulier inquiets au sujet de Rabbani. Karim Khalili, le responsable de la faction chi'ite au sein de l'Alliance du Nord, a ramené ses 3,000 hommes au bord de la capitale, une façon d’exercer des pressions sur Rabbani pour qu'il partage le pouvoir. Khalili a invité l'ONU à envoyer des soldats de la paix, ce que Rabbani refuse.
Beaucoup d'humanitaires présents ici croient que le meilleur espoir pour le pays réside dans le retour du Roi Zahir Schah de l'exil. Le roi a promis de convoquer un conseil des Anciens des tribus pour désigner le nouveau gouvernement de l'Afghanistan.
Autre signe de l'aggravation de la situation à l'intérieur du pays, la mort de quatre journalistes tués sur la route de Peshawar à Kaboul, près de Jalalabad.
Les mauvaises conditions de sécurité autour de Jalalabad ont causé des ennuis aux agences d'entraide essayant de transporter le matériel nécessaire. Deux camions chargés de 400 tentes fournies par la NCA ont été arrêtés à la frontière juste à l'ouest de Peshawar pour plus d'une semaine. Les chauffeurs ont refusé de se mettre en route, car ils craignaient perdre leur cargaison du fait de pilleurs. Godtfredsen a annoncé néanmoins que les chauffeurs devraient prendre le départ le 20 novembre, en toute vraisemblance, malgré le défaut de sécurité.
"Il y a un risque que nous perdions l'expédition, mais c'est un risque que nous allons prendre," a-t-elle expliqué. "Si nous stockons les tentes trop longtemps en un seul endroit, cela nous coûte aussi de l'argent, nous en arrivons maintenant au point où il est préférable de courir le risque de perdre la cargaison. C'est une affaire risquée, mais l'important, c'est de fournir l'alimentation et l'aide à ceux qui en ont besoin tout de suite."
Godtfredsen a dit que si les tentes passaient à Kaboul, où Christian Aid (Aide Chrétienne), une organisation britannique, les transportera à la ville occidentale de Herat, alors la NCA enverra plus d'expéditions par la route depuis le Pakistan. Plusieurs autres parties du pays sont considérées plus sûres et six camions chargés de l'alimentation fournie par la NCA a quitté Kaboul le 19 novembre pour Bamyan et Ghazni.
L'équipe de la NCA a parlé le 19 novembre avec son personnel local à Kaboul, par téléphone satellite. "Ils vont bien, mais ils sont à bout," a dit Godtfredsen.
La frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan a été militarisée la semaine dernière. Après un afflux d'environ 3,000 réfugiés afghans au Pakistan chaque jour dans cette partie précisément de la frontière, selon des fonctionnaires de l'ONU et la fuite éperdue des combattants Taliban défaits hors de l'Afghanistan, le Président Pervez Musharraf a donné l'ordre d'amasser plus de troupes dans la région frontalière.
Malgré cette démonstration de force, les réfugiés ont continué de pénétrer dans le Pakistan par les chemins de contrebande dans les montagnes. Il est difficile de détecter leur présence. Beaucoup de réfugiés se déplacent dans les camps de la région de Peshawar. Les fonctionnaires de l'ONU auprès des réfugiés d'ONU se sont mis à les appeler du nom de "réfugiés invisibles", parce qu'ils ne se font pas enregistrer auprès des Nations unies ni auprès du gouvernement pakistanais.
Le gouvernement a commencé à s'occuper des réfugiés afghans entassés dans la région et dans les11 camps qu'il a construits tout près de la frontière. La NCA fournit de l'eau et les sanitaires pour quatre nouveaux camps, chacun d'entre eux étant conçu pour accueillir 10,000 personnes.
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Source: UMNS/ENI/RNA/lwbi