Après les assauts du 29 septembre à Ceuta et celle du 6 octobre à Melilla , des membres de l’Association des familles et victimes de l’immigration clandestine (AFVIC) et de la Cimade ont entrepris une enquête de terrain pour recueillir les témoignages des migrants subsahariens. Pendant le déroulement de cette enquête, les autorités marocaines, sous pression européenne ont entrepris l’expulsion collective de nombre d’entre eux . Cette note constitue un témoignage complémentaire aux articles de presse sur les traitements inhumains et dégradants qu’ont subi les migrants subsahariens au moment de leur arrestation et leur refoulement. Voici le récit complet de leur mission.
De ces premières observations, il ressort que :
- les arrestations sont massives et aveugles et réparties dans toute la partie nord du Maroc et pas seulement dans les zones dites « de passage » vers les enclaves espagnoles,
- des demandeurs d’asile avec un récépissé de leur demande du HCR ont également été embarqués tout comme des personnes parfaitement en règle. Nous en avons pu relever six personnes en possession de récépissé mais en avons rencontré au total une quinzaine, certains avaient vu leur récépissé déchiré, pour d’autres nous n’avons pas pu relever leur référence car ils ont été refoulés dans la nuit. Il est à noter que ces personnes ont été arrêtées dans leur ville de résidence.
- les procédures ne sont pas respectées et quand elles existent ont pour la plupart du temps été collectives,
- les arrestations ont commencé avant l’attaque massive des grillages de Ceuta le 29 septembre 2005 ayant provoqué la mort de 5 personnes. Nous n’avons cependant pas pu confirmer si la décision de les renvoyer vers le désert entre l’Algérie et le Maroc (au lieu habituellement d’Oujda) a été prise après ou avant ces événements. En toute hypothèse, il est important de relever que les arrestations ont commencé juste avant la rencontre au sommet de Séville entre les deux premier ministres marocain et espagnol,
- Les personnes ont été laissées dans le désert sans eau ni vivre à plus de deux ou trois jours de marche du premier village, en toute hypothèse, aucune garantie n’avait été prise par les autorités marocaines que l’Algérie « réadmettrait » ces migrants, c’est donc en toute conscience de ces informations que des personnes ont été laissées en plein désert sans quoi survivre et sans moyen de communication (bien que de très rares personnes aient réussi à conserver leur téléphone portable, la quasi totalité se les ont vu réquisitionner, tout comme leur argent, à Oujda),
- Le Maroc qui se trouve au centre d’une problématique européenne manque de moyen humain et matériel et se trouve devant une situation délicate. Le manque d’expérience dans la gestion d’un phénomène nouveau et la responsabilité à tord qui lui est endossée par certains pays de l’Europe l’oblige à jouer le rôle du gendarme de l’Europe.
- l’Espagne qui a demandé et obtenu la réactivation d’un vieil accord de 1992 (accord de Malaga) par lequel le Maroc s’engage à réadmettre toute personne ayant transité par son territoire, continue les expulsions vers ce pays malgré la diffusion par la presse et certaines ONG des refoulements vers le désert et sans aucune garantie des capacités d’accueil du Maroc dans des conditions minimales au regard notamment des normes européennes et sans aucune assurance des conditions des éventuels refoulements de ces personnes vers leur pays d’origine. Après le renvoi il y a quelques jours de 73 personnes, dimanche 8 octobre, 400 personnes présentes à Melilla ont été refoulées par l’Espagne et sont arrivées à Tanger,
- en voulant disséminer les personnes dans le désert, notamment dans le but d’éviter un retour rapide (comme c’est le cas lorsqu’ils sont refoulés à Oujda), les autorités marocaines ont finalement dû faire face à un groupe de 1500 personnes réunies en un même endroit, avec la presse et des Ongs présentes et sans « plan » pour faire face à cela,
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les personnes arrêtées et refoulées n’ont reçu de la part des autorités marocaines, aucun soin ni aucune aide alimentaire. Celles qui arrivaient de Nador étaient toujours menottées. Celles réembarquées après leur acheminement à Bouarfa auraient été maltraitées.
- Le choix de Guelmin pour « parquer » les migrants est très inquiétant, outre le fait que cela ressemble fortement aux prémices de l’ouverture d’un lieu d’enfermement des étrangers, de part sa position géographique et sa nature (base militaire), ce lieu est très difficile d’accès notamment pour les ONG et les journalistes.
- D’après ce que nous avons pu nous même observer au moins 28 bus contenant entre 45 et 100 personnes chacun font actuellement route vers le sud (donc entre 1260 et 2800 personnes) en direction de Guelmim et Laayoune avec pour destination finale la frontière mauritanienne. Certaines informations non confirmées laissent penser qu’il y en aurait plus, des journalistes espagnols nous ont indiqué le chiffre de 36 bus.
Source: LA CIMADE / AFVIC Amis et Familles des Victimes de l'Immigration Clandestine (Maroc)