Un pasteur soudanais supporte des privations pour sa foi

Le pasteur protestant Botrous Tutu des Montagnes Nuba du Soudan a souffert la torture dans son pays avant de réussir à s’échapper. Ses jambes portent les marques de tisons brûlants, qui lui ont été appliqués, une des nombreuses tentatives pour forcer le pasteur à renoncer à sa foi. "Botrous," lui disaient les gardiens de prison soudanais de prison, "si vous dites juste que vous ne croyez pas en Jésus, nous vous laisserons aller."


Il vient de s’installer récemment avec sa femme et ses deux enfants à Knoxville, grâce au soutien de l’Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) de Cokesbury. Tutu reste "un homme recherché" au Soudan. Il partage son histoire avec un sentiment mêlé de peine pour son peuple en proie à la persécution et de joie pour leur amour de Jésus.

"Les américains ne savent pas ce qui se qui se passe au Soudan et dans les Montagnes Nuba," dit-il. "Beaucoup de Chrétiens sont morts là-bas. Personne ne sait combien."


Le gouvernement du Front National Islamique a interdit au Soudanais de parler de Jésus et de construire des Eglises, des Écoles du dimanche ou n'importe quelle autre école chrétienne et il a détruit des Eglises, déclare Tutu. On fait état de génocide au Soudan du sud et dans les Montagnes Nuba situées au centre du pays, où vivent surtout des chrétiens et des adeptes de religions traditionnelles.


Tutu, comme bien d’autres responsables d'Eglises et de groupes de défense des droits de l'homme, dressent la liste des atrocités dont sont victimes les habitants: l'empoisonnement des puits, l'aide alimentaire refusée aux victimes de la famine, le feu mis aux récoltes, des arrestations arbitraires et la torture, des meurtres et enterrements massifs et l'enlèvement des enfants, à qui on donne des noms musulmans et que l’on place dans des familles islamiques, parfois comme esclaves.



Les Soudanais endurent une guerre civile depuis 18 ans entre arabes musulmans du nord qui contrôlent le gouvernement et habitants noirs africains du sud qui soutiennent le Mouvement Populaire de Libération soudanais. On estime à 2 millions le nombre de victimes en raison de la guerre et à 4 autres millions le nombre de personnes déplacées de force, ce qui fait des Soudanais du Sud la population la plus déracinée au monde, selon le Comité américain pour les Réfugiés. Le gouvernement a bombardé les services d’aide humanitaire, de même que les équipements hospitaliers et scolaires et il a employé des hélicoptères de combat pour chasser les gens des régions riches en pétrole, selon les rapports du Comité.


Tutu prêchait quand des représentants du gouvernement sont venus l’arrêter. Malgré deux précédents avertissements, il a continué de prêcher et d’établir des Eglises Protestantes dans les Montagnes Nuba - et par "Eglises" on entend des réunions au-dessous d'un arbre ou d’un simple toit couvert de chaume.


Il fixe le sol de son regard,quand il évoque à voix basse les conditions de son arrestation: il s’est senti «très mal», quand les gens, qui ont essayé d'empêcher son arrestation, ont été tués, certains d'entre eux blessés à mort.


Emprisonné en 1995 pendant une année et demie dans sa région d’origine de Kadugele, il n'a bénéficié d’aucun droit de visite. Il était resté pieds et mains liés, accroché au plafond, privé d'alimentation et d'eau, battu, brûlé et mutilé. Ses ravisseurs ont exigé de lui qu’il renonce à sa foi; il a prêché l'Evangile à ses compagnons d’infortune. "C'est mon travail," explique-t-il avec un sourire.


En priant jour et nuit, il a médité sur d'autres histoires de persécution: Jésus sur la croix, Pierre et Paul en prison. Et il s'est rappelé les paroles de Jésus: "aimez votre prochain," et "Père, pardonnez-leur, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font."


Une nuit, les gardes ont fait monter 45 prisonniers environ dans un camion, censé les transporter dans un autre lieu. Le camion s'est arrêté dans une forêt, et là, les soldats ont commencé à tirer sur les prisonniers. Tutu a sauté du camion et a couru, s’attendant à être touché à n'importe quel moment par une balle.


"Derrière moi je pourrais entendre le cri des gens," dit-il. "Mais je ne suis pas capable de regarder derrière moi. Ce n’était pas le moment. Et j'avais peur."


Après avoir traversé la forêt à pied pendant trois jours, il a pris un âne d'une ferme et voyagé ensuite trois autres jours, en tâchant de survivre de graines et de fruits. Une vieille femme lui a soigné les plaies avant de le cacher dans un camion chargé d’or en partance pour la capitale, Khartoum. Un ami lui a acheté un faux passeport et après une année passée dans la clandestinité, Tutu s’est envolé en Jordanie en 1998. Sa femme Muna et fils Munir l'ont rejoint là-bas une année plus tard et un deuxième fils, Samuel, leur est né en 2000.


Les Tutus ont déménagé dans l’Etat du Tennessee en janvier 2001, avec quatre autres familles soudanaises, par le biais de l’ «United Methodist Committee on Relief and Bridge Services», une agence d’aide aux réfugiés à l’Est du Tennessee.


Peu avant l'arrivée des Tutus, le pasteur Gwong Son, le pasteur international de l’Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) de Cokesbury, est allé trouver son aîné de collègue pour lui parler du patronage d'une famille de réfugiés. Cokesbury avait l’habitude d’agir ainsi depuis plusieurs années et ils ont décidé de prier pour cela.


Son en a partagé l'idée avec un membre laïc, qui a aussitôt fait un don de 2,000 $ pour un tel patronage. Et dans le même temps, les «Bridge Services» avaient à placer une famille soudanaise dans les deux semaines à venir, un premier groupe de soutien ayant fait défection. Cette famille était les Tutus.


Le pasteur Steve Sallee, le pasteur senior de Cokesbury, dit que cette expérience a eu deux effets principaux sur sa congrégation. "Elle a aidé notre Eglise à prendre de la hauteur et à gagner de la perspective - nous avons compris à quel point nous étions bénis. Cette expérience nous a aussi troublés. Notre foi nous apprend que si d'autres gens ne vont pas très bien, nous n’allons pas non plus très bien." Il s’attend à ce que l'Église de Cokesbury patronne plus de réfugiés encore l'année prochaine.


Plus de 100 membres ont suivi la première intervention de Tutu à l'Eglise et ont été profondément bouleversés par cette histoire qui reste incompréhensible à la majorité des chrétiens américains: risquer sa vie pour sa foi.


Bien que formé comme ingénieur mécanicien et pasteur, Tutu a accepté avec impatience un travail où "il porte des boîtes toute la journée" -laisse entendre Son- dans le centre de distribution d'une société locale. Tutu veut envoyer de l'argent pour aider et soulager d'autres victimes de privations au Soudan. Il s'inquiète de ses parents et de sa communauté.


"Je cherche à savoir comment je puis aider les autres là-bas. J'espère et prie pour que Dieu change le gouvernement et la loi islamique."


Il nourrit le rêve d’aider à construire des Eglises au Soudan, le jour où il pourra retourner sans risque dans sa patrie.


Pendant sa première visite dans les Montagnes Fumeuses, «the Smoky Mountains», Tutu s'est émerveillé de la beauté des lieux. Le décor lui a rappelé les Montagnes Nuba qui lui sont chères. Il sourit quand il décrit le paysage, mais il n’en demeure pas moins "triste" ce jour-là.


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*L’auteur de l’article, Darlene Slack, est un journaliste free-lance , qui vit à Cardington, Ohio. Cet article a été diffusé le 14.03/2001 par UMNS

Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)