Les Eglises et les dirigeants religieux de France ont multiplié les appels au calme face aux violences qui se produisent depuis une dizaine de jours dans les banlieues. Afin de mettre fin aux violences, le gouvernement français a décidé d'instaurer l'état d'urgence, qui permet notamment la mise en place, si nécessaire, d'un couvre-feu. "Cela ne me paraît pas a priori antidémocratique. Il faut rétablir le calme", a déclaré, à la correspondante d'ENI, le pasteur Bertrand Vergniol, président de la Mission populaire évangélique de France (MPEF), très présente dans les quartiers difficiles. "Ce qui est d'abord antidémocratique, c'est de brûler les voitures." La Mission Populaire évangélique de France (MPEF) publie la déclaration suivante.
Le feu dans les quartiers
Après les incendies d’immeubles insalubres cet été, c’est encore par le feu que les quartiers populaires les plus fragilisés, et leurs habitants, reviennent sur le devant de la scène. Ces quartiers dans lesquels nous sommes présents depuis des décennies.
1/ Nous savons que les mots humilient et tuent : l’insécurité dont sont victimes en premier lieu les hommes et femmes qui y vivent ne sera pas combattue par des insultes à l’emporte pièce ou des généralisations hâtives. Or, les slogans sécuritaires ont largement remplacé les relais permettant l’égalité éducative, économique et sociale.
2/ Nous savons que la violence règne : violence institutionnelle car le travail, le logement décent, l’éducation, le simple respect humain y résonnent comme des mots creux. Violence quotidienne car les actes délinquants deviennent monnaie courante : rien ne tient qui puisse contenir la violence latente. Or les associations de quartier, les trop rares Eglises qui y sont présentes, les écoles… ne reçoivent pas tout le soutien qu’elles seraient en droit d’attendre.
3/ Nous savons enfin que le dialogue, l’écoute et l’action y sont possibles. Nous le montrons jour après jour en cheminant avec des hommes et des femmes de convictions. Mais l’indispensable rappel à la loi ne peut avoir de portée que lié à un engagement politique qui intègre la nouvelle réalité multi-culturelle de notre pays et qui s’enracine dans un projet d’égalité et de fraternité qui fonde la Nation.
« Ils traitent par le mépris la blessure de mon peuple. Ils répètent la paix, la paix … et il n’y a pas de paix »1. La crise urbaine où nous entrons est forcément une crise spirituelle : quand la sécheresse est devenue l’ordre établi l’orage est toujours dévastateur.
Le soulèvement des casseurs conduit ceux qui ont des oreilles pour entendre et des yeux pour voir à une redécouverte : alors que le règne du fric donne aux sociétés une surface pacifique, le retour de l’humain est sauvage. Après trop longtemps de consommation marchande comme seul horizon et d’exclusion sociale comme seule perspective, les symboles non-marchands ont la violence et la force d’un fleuve empêché de couler –jeunes gens électrocutés, policiers honnis, voitures incendiées, écoles profanées. Nous sommes tous dans l’impasse. Les fausses réponses sont prêtes :la répression démagogique en est une. L’intégrisme en est une autre à laquelle sont vulnérables les brebis sans bergers 2.
La vraie réponse est spirituelle. Car il s’agit pour notre pays d’élargir l’espace de sa tente et pour nos concitoyens d’être appelés par leur nom.
1 Jérémie 6.14, 8.11.
2 Marc 6.34
Paris, le 7 novembre 2005
Source: FPF FEDERATION PROTESTANTE DE FRANCE