Une lettre à Martin Luther King MLK

Chaque année, l’évêque évangélique méthodiste à la retraite Woodie W. White écrit une "lettre d'anniversaire" au révérend Martin Luther King Jr. et évalue les progrès accomplis aux États-Unis en matière d’égalité raciale. White, à présent évêque en résidence à l'Université Emory à Atlanta, a été le premier président de la Commission générale sur la religion et la race de l’Église évangélique méthodiste/Église méthodiste unie (EEM/EMU/UMC).

Cher Martin,

J'écris cette année avec des sentiments mitigés. Je suis surtout attristé par le nombre de discriminations raciales aux États-Unis, l’émoussement apparent de la sensibilité raciale et de l’engagement à poursuivre le combat pour une justice égale en faveur de tous les groupes raciaux. J'ai été complètement déçu par l’effort des politiques de priver les électeurs afro-américains et d'autres (communautés) du droit de vote et le manque d'indignation des citoyens en général et des médias en particulier. En outre, Martin, il y a l'émergence de ce que l'auteur Michelle Alexander appelle The New Jim Crow. (Je l'appelle la dernière plantation en Amérique.) Son livre révèle les conséquences de ce qu'elle décrit comme «l'incarcération de masse à l'âge du daltonisme ». C'est une honte nationale croissante, largement ignorée!

Cet événement ainsi que d’autres freinent tout progrès et compromettent les promesses raciales. Ils m'ont fait passer de l’espoir et de l’optimisme qui me sont habituels à un découragement inhabituel.

Puis survinrent deux décès. Le premier était celui de Mme Evelyn Gibson Lowery, la femme de notre cher ami, le révérend Joseph Lowery E.. Sa mort subite nous a tous pris par surprise. Un moment, elle riait et faisait des plans pour célébrer le 92e anniversaire de Joe. Victime d’une hémorragie cérébrale foudroyante, elle ne se relèvera pas. Sa mort m'a laissé avec un coeur lourd et brisé.

Les efforts et le rôle de Mme Lowery dans le mouvement des droits raciaux et humains ont été trop peu connus comme ceux de tant de femmes qui ont été engagées dans la lutte pour la justice et l'égalité. À 88 ans, elle était encore à la tête de l’organisation SCLC/W.O.M.E.N., qui avait démarré le jour où elle avait rassemblé quelques femmes à son domicile en 1979. L’organisation continue à promouvoir l'autonomisation des femmes, à encadrer les jeunes filles et à parrainer le pèlerinage annuel sur le patrimoine des droits civils sur 13 sites dans l’Alabama les plus importants dans la lutte pour la justice raciale en Amérique.

Martin, j'ai appris que pas un seul décès ne peut être isolé des autres. La mort de Mme Lowey m'a rappelé tant de femmes qui ont donné la direction à notre lutte commune pour la justice: ta propre Coretta et, bien sûr, Rosa Parks, Fannie Lou Hamer, Daisy Bates et Gloria Richardson. Je me souviens de mes mentors Ella Baker, Captolia Dent Newbern et Ruby Hurley. Même maintenant, j’étais au bord des larmes.

Puis, Martin, est venue l'annonce redoutée de la mort du président Nelson Mandela. Bien que sa mort n'ait pas été inattendue, à la lumière du déclin de sa santé, sa fin a agité le monde. Au moment même où j'écris, le monde semble être en deuil. Les habitants de différentes nations, races, ethnies, voire de différentes idéologies politiques, pleurent sa disparition et louent sa grandeur.

Certains ont désigné M. Mandela comme un leader des droits civiques, mais une telle désignation est trop limitée pour décrire ce vétéran de la politique - ce leader mondial pour la justice, l'égalité, les droits de l'homme et la décence la plus élémentaire. Son appel à la paix et à la réconciliation après avoir été emprisonné pendant 27 ans par un gouvernement raciste et oppressif, a fait la une des journaux partout dans le monde.

 

Evelyn et le pasteur Joseph Lowery ont été honorés en 2011 pour leurs trois années de combat en faveur des droits civiques. Evelyn Lowery est décédée le 26 septembre 2013.

UMNS/KATHY L. GILBERT

Après la libération de M. Mandela et son élection ultérieure à la présidence de l'Afrique du Sud, le monde a regardé cet homme de grâce et de grand dessein embrasser tous les gens, même ceux qui ont été responsables de son emprisonnement. Sur la scène mondiale, il est devenu un symbole de la diplomatie et du leadership stellaire.

Certains ont essayé de lui appliquer le titre de saint. Il a résisté à ces efforts. Il a dit que quand on l’avait qualifié de «saint», il avait répondu qu'il n'était pas un saint, mais un pécheur qui ne cessait pas de s’amender!

Son appel pour le pardon de ses ennemis transcende la politique et a parlé à notre humanité commune. Bien sûr, Martin, il fait écho à ton propre message à notre nation divisée. En effet, il est au cœur de la foi chrétienne.

Le souvenir que je garde de toi, Martin, de Mme Lowery et de Nelson Mandela me délivre d'un sentiment de désespoir et de découragement. Je me souviens de trois vies dignes d'émulation dans un combat commun pour la justice et l'égalité. Au cœur de chacun, il y a l’affirmation de notre commune humanité, de notre foi chrétienne qui nous fait tenir pour des frères et sœurs, les enfants d'un Créateur commun.

Aujourd'hui, alors que je me souviens de ton anniversaire, Martin, je réfléchis à notre nation qui a fait de grands progrès pour combler son fossé racial et faire véritablement son unité. Ceux d'entre nous qui pratiquent la discrimination et l’intolérance raciale ont encore provoqué une faille chez nous, ils cessent de nous définir comme une nation ou comme un peuple! Au lieu de cela, nous sommes un peuple qui continue à vouloir s’amender!

Merci Evelyn, Mandela et Martin de me le rappeler. 

Joyeux anniversaire, Martin.

We Shall Overcome. Nous allons vaincre.

Woodie W. White

Traduction eemni

Janvier 2014

Interpretermagazine.org