Le pasteur Alfredo Joiner et le pasteur David Batiz à la conférence sur les minorités d'origine africaine dans les Amériques. Photo: Sean Hawkey/WCC
Des responsables d'Eglise des Amériques et des Caraïbes se sont réunis à Managua, Nicaragua, la semaine dernière, pour aborder la question de la violence du racisme et des difficultés qu'elle pose pour les Eglises et les organisations œcuméniques.
La conférence a été organisée sous l'égide du Conseil œcuménique des Eglises (COE), en partenariat avec le Conseil des Eglises d'Amérique latine (CLAI), et rassemblait des personnes travaillant avec des populations d'origine africaine et des communautés autochtones dans toute la région.
Rolf Malunge, du Brésil, a ouvert le premier débat d'experts par une présentation sur la réalité du racisme au Brésil, où des milliers de personnes – des jeunes, essentiellement – ont trouvé la mort dans les violences ces dernières années.
"Beaucoup plus de Noirs que de Blancs sont tués, souvent par la police", a-t-il affirmé. "C'est quelque chose de systématique et cautionné par l'Etat, et on l'observe année après année: les statistiques le prouvent."
"Mais le racisme n'implique pas que de la violence, il a une incidence sur les chances qui s'offrent aux gens", a ajouté Rolf Malunge. "Beaucoup plus de Blancs que de Noirs vont à l'université au Brésil. On dit parfois que ce n'est pas une question de race, mais de classe, or au Brésil, les classes inférieures sont essentiellement noires, donc en fait, le problème est lié à la fois à la race et à la classe."
"La question est de savoir ce que nous devons faire. Dans les Eglises, nous ne sommes pas préparés à traiter la question du racisme. Au Brésil, en tout cas, les institutions théologiques ne proposent pas de formations sur les questions ethniques, les races ou le racisme", a expliqué Rolf Malunge.
"Chercher le royaume de Dieu"
Pour le pasteur Alfredo Joiner, secrétaire régional du CLAI pour l'Amérique central et organisateur de la conférence, cette réunion "est un échange d'expériences entre gens d'Eglise qui voient le racisme au quotidien. Il nous est évident qu'il y a des racistes et des attitudes et comportements discriminatoires, même dans les politiques, à travers toute la région."
"Nous avons été appelés d'abord à chercher le royaume de Dieu et sa justice. Mais il ne peut y avoir de justice tant que le racisme continue, donc nous devons agir", a-t-il déclaré.
"L'idée, c'est de nous rassembler, d'unir nos forces et de coordonner notre lutte contre le racisme. C'est une lutte perpétuelle, et pour qu'elle aboutisse, nous devons être unis et forts. Nous voulons construire un réseau entre nos Eglises et organisations, un réseau qui nous renforcerait mutuellement et qui donnerait plus de corps à cette lutte."
La pasteure Karen Georgia Thompson, qui est en charge des relations œcuméniques et interreligieuses dans l'Eglise unie du Christ aux Etats-Unis, affirme que "de nombreuses menaces lient le sort des personnes d'origine africaine à travers le monde. Les systèmes qui ont créé le racisme sont les mêmes à travers les Amériques. Nous avons une histoire en grande partie commune, et celle-ci nous renseigne sur notre présent."
"Je veux voir les personnes présentes désigner ce qu'elles vivent, et voir – où que nous soyons dans le monde – comment nous pouvons nous allier, comment nous pouvons nous coordonner contre le racisme."
Le pasteur Deenabandhu Manchala, responsable du programme pour des Communautés justes et sans exclusive du COE, demande quant à lui comment nous pouvons agir face aux attitudes et valeurs racistes au sein des Eglises. Il s'interroge par ailleurs sur ce qui a été fait récemment dans les Eglises pour lutter contre le racisme.
Le COE lutte de longue date contre le racisme dans le monde. L'un de ses fondateurs, J.H. Oldham, a écrit le texte fondateur de 1924, "Christianity and the Race Problem" (Le christianisme et le problème de la race), et lors de son Assemblée fondatrice, en 1948, le COE a reconnu que "les préjugés fondés sur la race ou la couleur" et "les pratiques de discrimination et de ségrégation" constituent "une dénégation de la justice et de la dignité humaine".
Au cours des années 1970 et 1980, le Programme le lutte contre le racisme du COE a coordonné l'opposition de nombreuses Eglises à l'apartheid en Afrique australe, ainsi qu’aux cultures de racisme qu'on trouvait ailleurs.
Pour le pasteur Manchala, "nous devons continuer à être des agents de l'inconfort dans nos Eglises. Nous devons être des agitateurs. Nous devons travailler constamment à déstabiliser les structures et cultures oppressives."
Au cours des deux journées suivantes de la conférence, des présentations ont été faites sur le racisme par des représentants de pays tels que la Colombie, le Pérou et le Honduras. Des groupes de travail se sont penchés plus en détail sur les conséquences du racisme pour les Eglises et les organisations œcuméniques, et ont formulé des propositions d'action pour donner suite à leurs réflexions. Une publication regroupant les présentations, conclusions et recommandations de la réunion sera réalisée dans l'objectif de renforcer la lutte contre le racisme.
23 juin 2011
COE