En Sierra Leone et au Libéria, les guerres sont terminées, mais pas la construction de la paix
"Veuillez rappeler au monde que nous ne sommes plus en guerre", a dit un responsable gouvernemental sierra-léonais de haut rang à une délégation œcuménique internationale rendant visite à des Eglises et des organisations œcuméniques au Liberia et en Sierra Leone du 2 au 8 novembre.
"Le monde nous regarde encore comme si nous étions des chefs de guerre", a déclaré le ministre du Commerce et de l'Industrie de la Sierra Leone, Alimamy Koroma, à la délégation qui s'est rendue dans ces deux pays d'Afrique de l'Ouest dans le cadre de l'initiative de "lettres vivantes" du Conseil œcuménique des Eglises (COE).
Le Liberia et la Sierra Leone ont été dévastés par des guerres civiles dans les années 90. Le Liberia a retrouvé la paix et la stabilité après que le président et ancien chef de guerre Charles Taylor eut été évincé, en 2003. En Sierra Leone voisine, la guerre civile a officiellement pris fin en 2002.
Les "lettres vivantes" sont de petites équipes œcuméniques internationales voyageant dans des régions du monde où des chrétiens s'efforcent de vaincre la violence. Les membres des équipes, qui eux-mêmes participent à des activités œcuméniques et à la construction de la paix dans leur propre pays, expriment la solidarité de la communauté du COE, qui comprend 349 Eglises du monde entier.
Selon Alimany Koroma, le monde a oublié que les guerres se sont terminées il y a six ans dans ces pays et qu'après des débuts hésitants, ils ont tous deux élu des gouvernements de façon démocratique. La présidente du Liberia Ellen Johnson-Sirleaf, élue fin 2005, fut même la première femme à devenir présidente en Afrique.
Dans les deux pays, les économies ravagées par la guerre s'efforcent de se redresser, mais la crise actuelle de l'économie mondiale pose de sérieux problèmes, car le prix des biens alimentaires, du carburant et d'autres marchandises augmente. De plus, a ajouté Alimany Koroma, elles ont été contraintes de s'insérer dans le marché et les systèmes d'échanges mondiaux, qui sont intrinsèquement injustes, favorisant les forts au détriment des faibles.
La Sierra Leone et le Liberia font partie des dix pays les plus pauvres de la planète, en termes de produit intérieur brut par habitant, selon les données du Fonds monétaire international.
Le Libéria et la Sierra Leone travaillent inlassablement à la consolidation de la paix qu'ils ont obtenue, a-t-on dit aux lettres vivantes. Les gouvernements, les Eglises et les organisations de la société civile ont mis en place des processus de guérison de ce que les guerres ont laissé dans les mémoires.
Les guerres ont laissé en héritage une culture de la violence qui continue à affecter les femmes et les enfants. Le Conseil des Eglises du Liberia et le Conseil des Eglises de Sierra Leone collaborent étroitement avec des agences des Nations Unies et des organisations de la société civile dans les domaines de la réhabilitation des enfants des rues, du soutien psychosocial aux femmes et aux enfants ayant subi des abus sexuels, de l'accompagnement post-traumatique, du soutien aux personnes vivant avec le VIH ou le SIDA et de la lutte contre la stigmatisation, et de l'enseignement de la prévention.
Les Eglises participent au dialogue interreligieux et s'efforcent de renforcer la voix des communautés religieuses dans la construction de la paix et la réalisation de la vérité et de la réconciliation. Elles sont également engagées dans l'éducation civique et la surveillance des élections, ainsi que dans le renforcement des capacités.
La délégation a également rencontré le président sierra-léonais Ernest Bai Koroma, qui a réaffirmé le rôle joué par les Eglises dans les périodes difficiles, les encourageant à ne pas baisser les bras, car la lutte n'est pas terminée et il reste beaucoup de problèmes à résoudre. Evoquant la
Décennie "vaincre la violence", le président Koroma a promis que d'ici 2011, la Sierra Leone serait "un exemple remarquable de la réalisation de la paix et de la justice".
Le leader de la délégation, l'évêque Robert Aboagye-Mensah, évêque président de l'Eglise méthodiste du Ghana et membre du Comité central du COE, a mis l'accent sur le pouvoir d'enrichissement des "histoires de foi, d'espérance et de courage qui découlent des expériences des personnes qui sortent d'une guerre et reconstruisent leur vie". La visite des lettres vivantes a "considérablement rapproché le COE des Eglises et des populations de ces pays", a-t-il ajouté.
"Malgré la douleur, la souffrance et l'horreur causées par les récentes guerres civiles dans ces pays, notre visite a révélé les engagements pacifiques des Eglises, des gouvernements et de leurs partenaires à reconstruire, restaurer et réconcilier, dans leur pays et dans la région", a déclaré la pasteure Angelique Walker-Smith, de la Convention baptiste nationale des Etats-Unis SA.
Les deux jeunes faisant partie de l'équipe des lettres vivantes, Anam Gill, de l'Eglise presbytérienne du Pakistan, et James Macharia, de l'Eglise presbytérienne d'Afrique de l'Est, au Kenya, ont parlé des signes d'espérance et de foi qu'ils ont pu voir pendant leur visite. Comme l'a expliqué James Macharia, "en dépit des difficultés, le Liberia et la Sierra Leone avancent vers un avenir rempli d'espérance et de promesses, bénis d'une foi puissante."
Des visites de lettres vivantes auront lieu chaque année à travers le monde jusqu'en 2010 dans le cadre de la Décennie "vaincre la violence" du COE et en préparation du Rassemblement œcuménique international pour la paix, qui aura lieu en Jamaïque en mai 2011.
COE