Cela fait quatre mois que nous sommes repartis ˆ ou de retour ˆ en Argentine. Avant de vous faire part de notre vécu ici, permettez-nous un petit détour rétrospectif. Notre séjour en France nous avait donné l'occasion de revoir nos familles ainsi qu'une grande partie de nos amis. Ces retrouvailles nous ont comblés et nous vous sommes reconnaissants pour votre accueil, votre soutien, votre accompagnement et votre amitié. Ces moments forts, partagés avec vous, même s'ils ont parfois été trop courts, nous ont rappelés la richesse et la force des liens qui nous unissent au-delà des mers. Ces rencontres et ces partages nous ont réjouis et encouragés. De tout coeur, un grand merci.
Venons-en à l'Argentine où la situation est préoccupante. Officiellement, le chômage est passé de 18% à 31% de la population active. La pauvreté s'est accrue massivement ces derniers mois. Si, en premier lieu, les enfants et les personnes âgées font les frais de cette crise majeure, c'est l'ensemble de la population qui souffre des conséquences de la dévaluation. Semaine après semaine, les prix des produits de consommation courante augmentent : pain, lait, beurre, huile, farine, oeufs, viande, pâtes, riz... Les commerçants en profitent certainement un peu, mais l'internationalisation des échanges commerciaux place l'Argentine en position de faiblesse et ne permet pas à ce pays de soutenir sa production. Des milliers d'entreprises ont fermé leurs portes. Ce sont surtout les petites entreprises qui souffrent le plus. On compte par exemple plus de 1200 pharmacies définitivement fermées à la fin du mois de mai. Il est vrai que sur le plan de la santé, les conséquences de la crise se font très nettement ressentir. Les gens vont moins chez le médecin, et quand ils peuvent y aller, ils n'ont pas les moyens de payer les examens et analyses complémentaires...
L'évêque de l'Eglise méthodiste argentine était en Suisse il y a quelques semaines et soulignait le défi important se trouvant devant l'Eglise: "Comment faire l'expérience du Dieu de la justice au milieu de l'injustice ? Comment annoncer le Dieu de l'amour au milieu de l'indifférence ? Comment parler de la vérité de Dieu au milieu des mensonges?" Evidemment, comme le soulignait aussi l'évêque Ritchie, ce sont des questions qui nous touchent tous, pas seulement en Argentine. Cependant, elles prennent peut-être un autre relief en Amérique du Sud.
L'Eglise méthodiste comme bien d'autres Eglises en Argentine, est touchée par cette grave crise. Chaque Eglise locale est invitée à faire preuve d'imagination et de créativité pour continuer de tendre l'oreille et d'ouvrir son coeur à la détresse humaine tout en affirmant qu'une vie différente est possible. Vivre l'amour de Dieu dans des situations extrêmes, c'est essayer de vivre la diaconie concrètement au quotidien: accompagner, être à l'écoute, consoler, partager, vivre avec. Non, nous n'avons pas la solution qui transformerait demain la société, mais nous avons nos mains, nos pieds, nos oreilles, notre bouche, notre coeur pour les mettre au service de Dieu en les rendant disponibles pour celui qui en a besoin...
Lors de notre retour en Argentine, j'ai officiellement été nommé pasteur de la troisième communauté où je prêtais déjà main forte l'an passé. Je vais à Bahia Blanca (280 km au Nord de Patagones) pour 2 à 3 jours, tous les 15 jours. Cette Eglise a commencé cette année un atelier de soutien scolaire qui a pris un essor considérable dès son commencement. D'autres activités permettent aux chrétiens de s'impliquer dans des efforts de témoignage dans la ville. Cette Eglise, centenaire, se trouve au centre ville et possède un passé riche d'actions sociales et évangéliques ainsi qu'une présence dans la ville. La communauté se sent plutôt encouragée quand bien même elle connaît des difficultés semblables à d'autres Eglises. A General Conesa (160 km de Patagones), le groupe de chrétiens a bien quelques idées pour essayer de grandir et rendre un témoignage dans la petite ville, mais celle-ci est à l'image du pays: sinistrée et sans réels débouchés... Enfin, à Patagones où nous vivons, nous sommes toujours une petite vingtaine au culte. D'ici quelques semaines, nous aurons la joie de vivre un culte de baptême avec trois jeunes qui ont exprimé leur souhait de s'engager pour Dieu en le témoignant de cette façon-là. En mars, Anne a commencé des ateliers de bricolage (récupération) et de cuisine avec un groupe d'adultes un après-midi et un autre jour avec des enfants. Davantage de personnes fréquentent le vestiaire et comme il n'y a pas plus de vêtements, il y a plus de difficulté pour répondre aux nécessités. Nous sommes également plus sollicités que l'an passé pour des demandes de toute sorte, que ce soit pour des médicaments ou de l'aide pour une hospitalisation, un déplacement, des lunettes, de la nourriture, des factures d'électricité ou de gaz, etc. Toutes ces situations témoignent de la détresse rencontrée, mais aussi des appels lancés à l'Eglise et aux chrétiens de la part de toutes ces personnes confrontées à un moment à des situations limites et difficilement supportables...
Quant à nos enfants, ils ont repris le chemin de l'école en mars et ont retrouvé avec joie leurs amis. Ici ou là, nous écoutons leur questionnement par rapport à ce qu'ils voient ou entendent. Le Mondial de foot a détourné les regards quelque temps de la réalité vécue ici, mais il n'a rien changé rien au quotidien. Les enfants eux-mêmes le notaient... Ils pensent souvent à leurs amis ou à la famille en France sans pour autant "avoir le temps long." L'hiver a bien commencé ici avec des températures négatives et cela nous rappelle notre arrivée en France fin 2001 où le froid nous avait bien surpris.
Nous espérons que l'été et peut-être un temps de vacances vous offriront à la fois repos et renouvellement des forces. Merci une fois encore pour votre soutien et tous vos signes d'amitié. Recevez nos salutations les meilleures en Celui qui nous unit.
Famille RUDOLPH
juin 2002
Source: EEMNI