Zimbabwe: les églises à la rescousse

Les églises sud-africaines ont envoyé de secours au Zimbabwe cette semaine pour aider plus de 700.000 personnes affectées par la campagne de nettoyage urbain dans lequel le pays s'est engagé -l'Opération 'Murambatsvina', un terme shona qui signifie ''Faire dégager les détritus''. Les fournitures comprennent 4.500 couvertures et 37 tonnes de maïs, haricot et huile. 


''Nous n'avons pas encore reçu d'informations du Zimbabwe pour savoir si la cargaison est déjà arrivée'', a déclaré à IPS, un porte-parole du Conseil sud-africain des églises (SACC), mardi. ''Mais le convoi est en route pour aller assister les populations déplacées au Zimbabwe''


Dans un rapport accablant à propos du Murambatsvina, Anna Tibaijuka - directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour les établissements humains - a dit que l'opération a démarré avec peu ou pas d'avertissement (A la demande de Kofi Annam, secrétaire général de l'ONU, Tibaijuka a visité le Zimbabwe pour examiner les effets de la campagne). L'initiative urbaine, dénommée également l'Opération restaurer l'ordre, a démarré en mai. ''L'opération a commencé à Hararé, la capitale du Zimbabwe, et s'est très rapidement transformée en une campagne nationale de démolition exécutée par la police et l'armée. Connue sous le nom populaire de ''Opération tsunami'' en raison de sa vitesse et de sa furie, la compagne a abouti en une destruction de maisons, de locaux d'entreprises et de sites de vente'', a noté l'envoyée de l'ONU dans son rapport publié le mois dernier. ''Environ 700.000 personnes vivant dans des villes à travers le pays ont perdu leurs maisons, leurs moyens d'existence, ou les deux. Indirectement, un autre groupe de 2,4 millions de personnes en sont affectées à des degrés divers'', a-t-elle ajouté. ''Des centaines de milliers de femmes, d'hommes et d'enfants se sont retrouvés sans abri, sans accès à la nourriture, à l'eau et aux installations sanitaires, ou aux soins de santé''. 


Les autorités zimbabwéennes disent que l'opération a été lancée pour débarrasser les villes des installations illégales et du crime. Au cours d'une conférence de presse au Centre financier sud-africain, de Johannesburg, lundi, le decrétaire général de la SACC Molefe Tsele a fait appel à des fonds supplémentaires pour faire face à la crise créée par l'opération Murambatsvina. 


''Tout le monde devra se joindre aux églises pour renforcer cette campagne et en faire une balise d'espoir pour nos voisins au Zimbabwe'', a-t-il ajouté. L'évêque méthodiste Ivan Abrahams a déclaré que d'autres provisions seront envoyées au Zimbabwe le 18 août. ''Ce sera avec l'assistance du gouvernement de l'Afrique du Sud : ils offrent l'appui logistique. Ils vont utiliser des camions de l'armée'', a-t-il indiqué à IPS, mardi. 


Les églises ont jusque-là collecté environ 76.000 dollars en faveur des victimes de la campagne de nettoyage. Elles ont également ouvert un compte dans une banque en Afrique du Sud, dans lequel des gens peuvent verser leurs contributions relatives à cette initiative de secours aux Zimbabwéens. 


''Il y a eu une bonne réaction de la part des églises. Celles-ci disposent toutes de partenaires au Royaume-Uni ou en Allemagne qui ont également dit qu'elles voudraient y participer'', a souligné Abrahams. 


Les provisions d'urgence obtenues seront distribuées par le Conseil des églises du Zimbabwe au niveau des églises et dans les camps d'installations, dans les villes les plus affectées par l'Opération restaurer l'ordre : Harare, Bulawayo et Mutare. L'ambassade d'Afrique du Sud à Harare contribuera à assurer que cette assistance parviendra aux personnes auxquelles elle est destinée. 


Cette initiative est prise parce que les organisations de la société civile et les partis de l'opposition sont en train d'accuser le parti au pouvoir - l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique - au pouvoir depuis 1980, de procéder à des restrictions d'aide alimentaire en faveur de ses supporters. Le gouvernement a rejeté ces allégations. 


Environ 2,9 millions de personnes, y compris une estimation de 36 pour cent de la population rurale du Zimbabwe, auront besoin cette année d'une assistance alimentaire, selon un rapport conjoint publié en juin par les agences de l'ONU et la Communauté de développement de l'Afrique australe qui compte 13 nations. Les autorités ont annoncé un plan d'importation de 1,2 million de tonnes de maïs pour faire face aux pénuries qui, selon certains analystes, résultent de la sécheresse et de la réduction de la production du fait de la saisie des fermes. Cependant, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies dit qu'il a en tout état de cause élaboré des plans d'urgence pour assister jusqu'à quatre millions de personnes au Zimbabwe au cours de l'année à venir. En 2000, des vétérans de la guerre d'indépendance du Zimbabwe et des militants du gouvernement ont commencé par occuper des fermes appartenant aux Blancs, apparemment pour protester contre les déséquilibres raciaux maintenus dans la possession des terres héritées de l'ère coloniale. 


Pendant que les autorités ont présenté ces différentes saisies des terres comme un geste spontané de la part des militants, les critiques du gouvernement ont allégué que le pouvoir a orchestré les invasions en vue de rehausser le soutien à son profit au cours des élections législatives de 2000. 


Les autorités zimbabwéennes ont accusé les églises et les différentes organisations non-gouvernementales d'exagérer les dommages causés par l'Opération Murambatsvina. 


Mais l'évêque Abrahams, qui était à la tête d'une délégation de responsables d'églises sud-africaines au Zimbabwe la semaine dernière, a déclaré que le clergé était tout simplement motivé par les préoccupations relatives aux événements survenus dans le pays. 


''Nous sommes en train de répondre à ce que nous avons vu, et nous sommes en train de répondre à la requête du Conseil des églises du Zimbabwe, de la Fraternité évangélique et de la Conférence des évêques catholiques. Nous ne sommes pas en train de nous imposer au Zimbabwe'', a-t-il observé. 


Selon Tibaijuka, les effets de la campagne urbaine sont en train de se faire sentir bien au-delà de la perte des maisons et de l'emploi. 


''L'éducation pour des milliers d'enfants en âge scolaire a été interrompue. La plupart des personnes malades, y compris ceux souffrant du VIH et du SIDA, n'ont plus accès pour longtemps aux soins de santé'' a-t-elle souligné dans son rapport. 


''La grande majorité des personnes affectées directement ou indirectement sont les pauvres et les couches déshéritées de la population. Aujourd'hui, ces personnes sont encore plus au creux de la pauvreté, de la privation et du dénuement, et elles sont, par ce fait, devenues encore plus vulnérables'', a ajouté Tibaijuka. 


6 août 2005


Source: IPSNEWS