Indonésie, Djakarta: le réseau Al-Qaïda attise les violences inter-communautaires en Indonésie

L'île de Sulawesi, en Indonésie, a été la semaine dernière le théâtre de violents affrontements entre chrétiens et musulmans (voir EEMNI 13/12/2001). Des affrontements ont opposé les deux communautés dans la région de Poso, dans le centre de l'île de Sulawesi, faisant au moins sept morts et laissant plusieurs villages rasés. Au moins trois cents civils ont péri depuis deux ans à Poso. Plus de 10 000 chrétiens ont dû fuir leurs demeures. Ces personnes, le plus souvent des femmes, des enfants et des vieillards, ont trouvé refuge dans les forêts et les montagnes où «elles sont en danger de mort du fait des maladies et du manque de nourriture», a déclaré Mgr Josephus Suwatan, évêque catholique.


Selon différents témoignages, les chrétiens de la région de Poso ont dû prendre la fuite devant leurs assaillants, des membres du ”Laskar Jihad” et des musulmans locaux, parce que les forces de sécurité du gouvernement, police et armée confondues, se sont montrées incapables d’assurer leur sécurité. Selon le pasteur Marson Moganti, du village de Sangginora, un des derniers villages attaqués, ce sont plus de 900 combattants musulmans qui ont donné l’assaut. Le 1er décembre, ils s’en prenaient aux villages de Sepe et de Batugencu, incendiant 88 maisons, deux temples protestants et un centre médical. Le 3 décembre, ils mettaient le feu à une Eglise Catholique dans la ville même de Poso. Munis d’armes à feu et de grenades, les assaillants musulmans ont tué quatre militaires à Sepe.


Ceux qui s’en sont pris aux villages chrétiens de sa région venaient de Java. Après plusieurs jours durant lesquels les forces de sécurité ont été ou bien dépassées par les événements ou bien ont laissé faire, le gouvernement à Djakarta s’est décidé à reprendre les choses en main. Environ 2 000 militaires et policiers ont été envoyés en renfort sur place, pour épauler les 1 500 hommes déjà présents. Bambang Yudhoyono, le ministre responsable des questions de sécurité, s’est rendu sur les lieux pour évaluer la situation. Après avoir un temps considéré l’imposition de l’état d’urgence à Poso et ses environs, les responsables indonésiens y ont finalement renoncé.


Ce grave conflit n’est pas étranger à l'arrivée de plusieurs centaines de miliciens islamistes des "Laskar Jihad'", un groupe radical indonésien basé sur l'île de Java. "Le problème de Poso est le résultat de la coopération entre le terrorisme international et des groupes radicaux" en Indonésie, affirme le chef des services de renseignement indonésiens. Le réseau Al-Qaïda est bel et bien au nombre des organisations internationales terroristes actives, infiltrées et impliquées dans les affrontements entre chrétiens et musulmans dans une île d'Indonésie, a déclaré, mercredi, le chef des services de renseignement, Abdullah Hendropriyono.


Des terroristes étrangers, et notamment des membres du réseau Al-Qaïda d'Oussama ben Laden, ont mis effectivement en place des camps d'entraînement sur cette île à Sulawasi il y a environ deux ans et ne sont pas étrangers aux violences répétées et extrêmes dont la minorité chrétienne a souffert, admet le chef des services de renseignement indonésiens.


Des étrangers travaillent effectivement avec des groupes de militants locaux responsables d'une grande partie de ces violences, ''résultat d'une coopération entre des terroristes internationaux et des groupes locaux radicaux'', toujours selon les dires de cette même autorité indonésienne. Ces terroristes devraient être l’objet d’une surveillance étroite de la part des autorités dans les temps à venir.


Abu Umar, le responsable de le Jihad Laskar dans la capitale provinciale Palu, a admis que 1000 membres de la Jihad Laskar étaient dans le secteur pour un travail "humanitaire" - un chiffre considéré par la police très inférieur à la réalité.


D'après une source policière du Centre de Sulawesi, plus d'une vingtaine de combattants Moro islamiques des Philippines seraient du nombre des forces du "Jihad Laskar", bien que de telles allégations soient difficiles à confirmer. Un petit nombre d'Afghans, de Pakistanais et d'Arabes auraient déjà repérés dans les rangs de "Jihad Laskar" et expulsés du secteur.


Lors d'une visite récente en Indonésie, l'Amiral Dennis Blair, le commandant des forces des Etats Unis dans le Pacifique, a souligné, à titre privé, l'importance de la mise sous contrôle de ce groupe et du rétablissement de la sécurité à Poso.


Des diplomates australiens ont aussi partagé leurs préoccupations avec des représentants gouvernementaux et des militaires. L'intérêt des pays étrangers pour ce conflit de Poso est nourri par la crainte de voir l'Indonésie orientale subir par un effet domino cette même violence interreligieuse. Quant aux Etats Unis, ils sont particulièrement intéressés de mettre en relief les liens entre les groupes Islamiques activistes en Indonésie et le réseau terroriste d'Al-Qa'ida de Ben Osama Laden.


Devant l’aggravation de la situation et les menaces qui pesaient sur les communautés chrétiennes de l’île, les autorités religieuses de l’île n’ont pas cessé de lancer un appel au secours, dont l’évêque catholique de Manado (Célèbes, Indonésie): «Etant leur pasteur, je suis profondément soucieux des conditions de vie faites à mon troupeau. Aidez-nous, venez à notre secours!» ainsi s’exprimait http://www.eglasie.org. Cet évêque demandait non seulement au gouvernement indonésien mais aussi aux Nations Unies d’intervenir pour que cessent les violences inter-communautaires à Poso et dans sa région. A ses yeux, le gouvernement indonésien doit envoyer immédiatement des renforts de troupes et les Nations Unies intervenir pour sauver les milliers de chrétiens de Poso. 


Mis au courant des mesures prises pour régler le conflit de Poso, des ministres indonésiens ont reconnu que des pourparlers seraient engagés en vue de la réconciliation des deux communautés, le 18 décembre, immédiatement après le jour saint musulman d'Idul Fitri, qui marque la fin du Ramadan et constitue le moment le plus critique de ce conflit.


Les forces de sécurité massivement présentes sur place ont promis d'expulser les activistes religieux du centre de Sulawesi et de lancer des pourparlers entre Musulmans et Chrétiens pour la réconciliation des deux communautés. Les commandants se sont aussi engagés à identifier les étrangers impliqués dans ce conflit et à désarmer les combattants.


Les forces de sécurité devraient s'en prendre aux membres fortement armés de "Jihad Laskar" - une organisation armée qui avait promis de se battre en faveur des intérêts musulmans dans le secteur, après avoir mené une longue lutte inter-communautaire dans le Maluku voisin.


Au nord de l’île de Célèbes, à Manado, les autorités ont enfin pris des mesures pour éviter que l’Id al-Fitr (la fin du ramadan) et la période de Noël ne soient utilisés par des extrémistes pour provoquer des heurts entre les communautés chrétienne et musulmane. 200 civils spécialement formés renforcent les rangs de la police durant cette période. Des chrétiens ont monté la garde devant les mosquées pour Id al-Fitr et des musulmans seront postés devant les Eglises à Noël.


Les opérations de police à l'encontre des combattants sont un test de la capacité et de l'empressement de Jakarta à réduire la menace croissante d'un conflit religieux généralisé. Le gouvernement central a été soumis à une forte pression pour se rendre maître du "Jihad Laskar", rendu responsable par beaucoup d'observateurs de l'état d'insécurité croissante depuis le milieu de l'année.


Source: Divers