ENroute, fin de vie, faim d’espérance: (4) Philippe Hartweg

 Philippe Hartweg, directeur de la Résidence Bethesda Contades – Strasbourg, répond à une interview téléphonique de jp.w


C'est quoi une personne âgée?


Par personnes âgées, on désigne actuellement les personnes de 60 à 100 ans. Sont-elles seulement les mêmes? C'est évident qu'on peut tirer une valeur ajoutée du moins sur le plan humain, sur le plan du savoir que nos anciens peuvent nous transmettre, mais la valeur ajoutée, on la trouve davantage chez nos clients. 


jp.w Koffi Annan pense qu’on a à tirer un plus humain au contact des personnes âgées.


Ça, c'est évident.... Un grand plus humain. 


jp.w De quelle manière peut se jouer cet apport des personnes âgées en terme d’attentions, .... 


Déjà de rencontres pour pouvoir le mesurer et le recevoir, il faut d'abord les rencontrer et ne pas les rencontrer de manière superficielle, mais pouvoir les côtoyer de manière soutenue, et non à la sauvette. 


jp.w Les personnes âgées souffrent de stéréotypes: elles ont d'elles mêmes l'image de personnes fragiles qui ont besoin de soins et d'affections. Beaucoup sont dans l'attente de soins et d'attentions, mais cela arrive-t-il que de vos pensionnaires montrent de l'attention aux autres, s'occupent des autres?


Bien sûr! Beaucoup.... Mais rappelons-nous que dans la tranche d'âge que nous côtoyons, les possibilités se réduisent. S'il est vrai que nous vieillissons comme nous avons vécu, d'un autre côté certaines personnes âgées qui n'étaient pas égoïstes le deviennent un peu plus en vieillissant. Leurs centres d'intérêt se réduisent et du coup ont plus de peine à s'ouvrir. Par ailleurs, c'est souvent peut-être aussi par manque de sollicitation, tout simplement parce qu'au fur et à mesure ils se mettent un peu sur la touche et on les y met; du coup on se met sur une pente un peu glissante;


jp.w Ça veut dire concrètement qu'elles se replient sur elles-mêmes


Ben oui, là, je reviens toujours sur notre public spécifique: les personnes âgées, quand elles arrivent chez nous, ont connu un repli à domicile, parce qu'elles ne pouvaient plus sortir faute de mobilité et de participation à la vie de la cité, en sorte qu'à leur arrivée chez nous elles sont déjà relativement éloignées de la vie de la société en général et selon leurs capacités et tempéraments elles n'ont plus la faculté de redémarrer quelque chose qu'elles ont perdue. 


jp.w Par l'animation que vous proposez et par l'accompagnement de vos pensionnaires, réussissez-vous à les sortir de leurs coquilles?


Les uns oui, les autres non. J'insiste toujours auprès des animatrices et collègues déçus, parce que les personnes âgées ne participent guère à 50% ni à 100%, qu'ils prennent en compte ce qui se passe par ailleurs: les gens ne participent pas non plus à la vie de la cité. Aussi n'y-a-t-il pas de raison que les pensionnaires d'une maison de retraite doivent participer à tout programme proposé et l'essaie de faire une grande distinction entre l'animation dite de loisirs et l'Animation qui consiste à mettre la vie au quotidien pour permettre à ces gens de vivre comme ils le souhaitent au quotidien et pas seulement dans les petites tranches d'animation. 


jp.w C'est là votre mission, mettre de la vie au quotidien


Du matin au soir, 24 heures sur 24, pas seulement pendant une séance de diapos ou une séance de lecture. 


jp.w Autre question: les enfants, la nouvelle génération a-t-elle sa place de temps à autre dans les maisons de retraite? Dans votre maison de retraite? 


Oui bien sûr, je pense que notre maison est relativement ouverte et que les gens se sentent accueillis, même s'ils ne sont pas toujours intégrés à l'activité même, mais par le contact quotidien avec les équipes, que ce soit au niveau de l'accueil, au niveau des soignants, de la direction, des soignants, de la salle à manger, peu importe, tout le monde est prêt à l'accueil des familles venant dans la maison. 


jp.w Et vous avez constaté une évolution ou un impact particulier de la présence d'enfants ou de jeunes, est-ce qu'il se produit des étincelles entre les générations en confrontation? 


J'ai un exemple en tête. Cela remonte à une dizaine d'années: une dame assez dépendante, malentendante, un peu perturbée au niveau cognitif et qui n'était pas du tout intégrée aux autres résidents faute de pouvoir communiquer avec les autres résidents, son fils, qui était un artiste, écrivain et qui faisait des lectures publiques, était venu un jour pour faire une séance de lectures dans la maison et du coup dans les temps qui ont suivi, cette personne était sortie de son placard: elle était dorénavant la personne qui avait fait ça..... Au quotidien, nous essayons aussi d'encourager les personnes qui viennent par exemple prendre un café avec la maman dans la cafétaria de s'installer avec la maman et les voisines pour créer du lien. Et cela est enrichissant. 


jp.w La difficulté pour vous, chef d'établissement, c'est de veiller à l'accompagnement des personnes âgées avec plein d'humanité et dans le même temps d'assurer une gestion saine de votre établissement? Est-ce que ces deux objectifs sont-ils faciles à tenir?


Faciles, c'est peut-être pas tout à fait le mot, mais c'est réalisable, même si les choses seraient encore plus faciles, si on avait plus de moyens humains. C'est finalement là que ça coince. L'attente des résidents, c'est que les accompagnants leur accordent du temps et finalement c'est le plus difficile à leur accorder. 


jp.w Vous voulez dire que l'important est d'assumer les tâches courantes, les bains dans le temps le plus court 


Souvent, c'est le cas. Le fait est que le résident aimerait que nous prenions du temps rien que pour lui. 


jp.w Est-ce que la solution passe par un engagement bénévole accru?


Non, je ne pense pas. L'engagement bénévole vient en complément. L'un ne remplace pas l'autre, les deux sont nécessaires, mais je pense que l'engagement bénévole est important, mais ce qui est important, c'est que les personnes vieillissantes continuent et même développent le contact plutôt que de le réduire; Au début, les gens s'installent, très vite les visites s'espacent et ce contact se perd un peu dans le temps. Ces gens n'ont pas toujours conscience de l'attente des résidents et pour moi, ce n'est pas la même chose, un voisin, un ancien collègue qui rend visite qu'un bénévole qui vient faire une visite. 

jp.w C'est donc un appel que vous lancez indirectement: veiller à maintenir les relations avec les personnes âgées de son cercle familial, de quartier et son cercle professionnel. Maintenir les liens que l'on a, c'est ce qui est ressorti de la canicule l'an dernier: les visites organisées, c'est bien, mais rien ne remplace les visites spontanées. 


Alors où situez-vous l'originalité de la maison de retraite Bethesda, son cachet chrétien et méthodiste de surcroît? Est-ce qu'il y a une spécificité chrétienne, méthodiste?


La spécificité, c'est qu'au niveau de l’association on travaille dans l'esprit chrétien, on agit au nom du Seigneur et pour ma part aussi, mais c'est vrai que la demande relayée auprès des équipes, c'est de faire un travail de qualité humaine en sachant que la référence chrétienne n'est pas partagée par tout le monde.


Merci

Source: EEMNI