Révision de la Bible oecuménique

Olivier Schopfer*


Le Pentateuque de la TOB (Traduction Oecuménique de la Bible) vient d'être entièrement révisé. Il a été présenté vendredi 23 janvier au Conseil Oecuménique des Eglises, par les maîtres d'oeuvre du projet: l'Association Oecuménique pour la Recherche Biblique (AORB), les éditions du Cerf, et la Société biblique française.


La Bible n'est pas un ouvrage simple à lire. Sa richesse et sa complexité déroutent. Elle nous vient d'un autre temps, que le monde moderne peine à imaginer et à comprendre. Certains passages sont troublants pour un esprit scientifique. De plus, l'histoire judéo-chrétienne est lourde de conflits, qu'une interprétation unilatérale de certains textes bibliques a trop souvent servi à justifier.


Or en même temps, la Bible n'a jamais cessé de fasciner et de questionner. Au cœur de la démarche de foi, elle continue de nourrir spirituellement des croyants d'obédiences très diverses.


Comment faire, dès lors, pour rendre ce livre plus accessible? Comment le présenter pour qu'il puisse être compris par un esprit moderne, pour qu'il rassemble plutôt que de diviser? Cette question n'est pas nouvelle. Elle a été au cœur de chacune des réformes du christianisme, tout au long de son histoire. L'essor du mouvement œcuménique dans l'après-guerre lui a pourtant donné une dimension nouvelle: il devenait possible d'imaginer une traduction de la Bible qui ne soit pas ou catholique, ou protestante, ou orthodoxe, mais qui résulte du travail commun de spécialistes de chacune de ces familles religieuses.


La TOB, Traduction Œcuménique de la Bible en français, a fait œuvre de pionnière. En 1967 paraissait la traduction test de l'épître aux Romains. En 1972, le Nouveau Testament sortait de presse. L'Ancien Testament fut quant à lui achevé en 1975. Il n'y avait finalement que très peu de divergences confessionnelles entre les traducteurs. Quand c'était le cas, ils l'indiquaient dans une note.


De nombreuses traductions ont été entreprises par la suite dans d'autres langues, en s'inspirant du projet TOB, avec le même principe d'une équipe interconfessionnelle de traducteurs.


Ces Bibles sont vite devenues un outil incontournable. Dans le monde francophone, bien au delà de l'Europe, la TOB a non seulement fourni une traduction rigoureuse de la Bible hébraïque et du Nouveau Testament grec, mais aussi un ensemble d'aides à la lecture sous forme d'introductions aux livres de la Bible et de notes en bas de page. Ces explications ont aidé des générations d'hommes et de femmes curieux de découvrir ces textes, à mieux les comprendre et à les situer dans leur contexte historique.


La TOB a particulièrement mis l'accent sur l'histoire des textes. En effet certains livres de la Bible semblent combiner des sources différentes, ce qui explique pourquoi certains récits, comme celui de la Création, se retrouvent plusieurs fois, mais sous des formes très différentes, dans un même ensemble.


Pour ce qui est des cinq premiers livres de la Bible (le Pentateuque, ou selon la tradition juive, la Torah), la TOB s'était basée sur la "théorie documentaire" qui avait cours à l'époque, et qui partageait le matériau en quatre sources (Yahviste, Elohiste, Deutéronomiste et Sacerdotal).


Or cette théorie reposait sur certaines idées qui ont depuis lors été remises en question. On pensait par exemple que les récits (comme la Création) étaient plus anciens (et donc d'une certaine façon plus authentiques) que les textes juridiques. On véhiculait ainsi l'image d'un judaïsme qui se serait progressivement sclérosé en légalisme. Selon ces mêmes préjugés, le récit de création où Dieu façonne l'être humain avec de la terre (Gn 2-3) devait être plus ancien (parce que plus primitif) que celui où le monde est créé par la Parole, en sept jours (Gn 1).


Les spécialistes sont aujourd'hui beaucoup plus prudents quant à la datation et l'ordre de rédaction des sources. Rien n'empêche qu'elles aient été écrites à peu près à la même époque, mais par des groupes différents, puis rassemblées pour former le texte que nous connaissons. Peut-être cela s'est il passé à l'époque de l'Exil à Babylone, ou à celle de l'empire perse qui a suivi?


Ces avancées dans la recherche biblique ont fini par rendre une révision de la TOB nécessaire, au moins pour le Pentateuque. Cette révision vient de s'achever et est disponible dans les librairies. L'événement a été salué vendredi 23 janvier au Conseil Oecuménique des Eglises. Le nouveau secrétaire général du COE, le pasteur Samuel Kobia, a qualifié cette étape d'historique: "Cet ouvrage est un soutien essentiel pour développer l'oecuménisme parmi les gens, aujourd'hui et demain".


Comme l'ont indiqué les professeurs Thomas Römer et Jacques Briend, membres de l'équipe de révision, si la traduction elle-même a été très peu corrigée, les introductions et les notes ont été entièrement refondues. En comparaison, elles sont devenues beaucoup moins affirmatives quant à l'histoire des textes. Elles tentent de partir du livre tel qu'il se présente et des faits que le lecteur peut lui-même observer. Le tableau chronologique qui se trouve à la fin du tome a lui aussi été refait pour tenir compte des nouvelles connaissances archéologiques.


La recherche biblique ne s'arrête pas. Mais en attendant une prochaine étape marquante, les chrétiens francophones vont pouvoir dès maintenant et pour les prochaines années, bénéficier d'une traduction à jour du Pentateuque. Il faut s'en réjouir.


Le Pentateuque, Les cinq livres de la Loi, TOB traduction oecuménique de la Bible, Paris, Cerf et Société biblique française, 2003.


Olivier Schopfer est théologien, il est responsable du site internet du Conseil Oecuménique des Eglises.


28/01/2004

Source: Conseil oecuménique des Eglises (COE)