2007 est une année record en matière d’anniversaires. Les chrétiens de toutes traditions se joignent à des croyants d’autres religions et à des personnes sans religion pour marquer le bicentenaire de la loi abolissant l’esclavage dans l’empire britannique et les évangéliques se rappelleront à cette occasion le rôle de pionnier joué par William Wilberforce et la ‘secte de Clapham’ dans le cadre de la longue campagne contre l’esclavage. Le méthodisme observe lui aussi une série d’anniversaires particuliers.
De tous les anniversaires méthodistes, celui qui aura l’impact le plus fort, tant à l’intérieur du méthodisme qu’à l’extérieur de celui-ci, sera certainement le tricentenaire de la naissance de Charles Wesley. A bien des égards, Charles Wesley ne saurait être considéré comme la propriété exclusive de l’Eglise méthodiste. Il a été sa vie durant membre de l’Eglise d’Angleterre ; il a été prêtre anglican pendant plus de cinquante ans ; il s’est opposé à tous les développements lui paraissant pouvoir mener à la séparation du mouvement méthodiste d’avec l’Eglise établie et ses cantiques sont chantés par des chrétiens de nombreuses dénominations. Qui alors était Charles Wesley et pourquoi les méthodistes devraient-ils célébrer l’anniversaire de sa naissance ?
Charles est né le 18 décembre 1707 à Epworth, le troisième et le plus jeune fils survivant de Samuel et Susanna Wesley. Les parents Wesley étaient tous deux des personnalités remarquables : Samuel, pasteur et érudit, Susanna, éducatrice de talent et théologienne. Jeune étudiant à Oxford, Charles et un groupe d’amis commencèrent à se réunir pour étudier ensemble; bientôt leur programme se développa pour englober la prière, le culte et le service chrétien. Animé par la suite par John, le frère aîné de Charles, ce ‘saint club’ fut l’une des sources du méthodisme.
Après une expédition missionnaire avortée en Géorgie, en 1735-1736, Charles se joignit à des groupes de Londres qui faisaient l’expérience de l’amorce d’un réveil religieux. La certitude d’être accepté par Dieu lui fut donnée le jour de la Pentecôte 1738 (plusieurs jours avant l’expérience de John Wesley à la rue Aldersgate) et cela déclencha un flot de versification religieuse sans équivalent dans la langue anglaise. Sa production fut prodigieuse – les estimations varient de 6'500 à 10'000 cantiques – mais pour autant, Charles n’était pas qu’un auteur de cantiques. Au cours des premières années du méthodisme, il fut un prêcheur itinérant for actif, pleinement engagé dans le développement, la structuration et la consolidation de cette grande partie du mouvement méthodiste qui fut plus tard appelée ‘la connexion des Wesley’. Son mariage avec Sarah Gwynne en 1749 réduisit ses voyages ; la famille s’installa d’abord à Bristol, puis à Londres. Mais Charles conserva une forte influence au sein de la connexion, toujours prêt à défier John Wesley, à enquêter sur des assertions grandiloquantes au sujet de dons extraordinaires du Saint Esprit et à réprimander les pasteurs qu’il estimait prétentieux. John Wesley avait pris la décision d’ordonner des pasteurs pour la desserte des méthodistes des Etats-Unis en 1784 - une claire violation de la règle anglicane – sans consulter son frère. Charles en fut affligé et consterné. Leur relation survécut pourtant. On relate qu’alors qu’il prêchait, deux semaines après la mort de Charles en 1788, John annonça le cantique de son frère :
‘Viens, o toi voyageur inconnu’ ; quand il arriva au passage:
‘Mon compagnon est parti devant moi Et je suis maintenant seul avec toi’
il s’effondra sur la chaire et pleura.
Prendre Charles au sérieux en 2007 nous aide à mieux comprendre nos racines. Cela nous rappelle – ou nous fait réaliser pour la première fois – que le mouvement méthodiste n’a pas été un monolithe créé par le seul John Wesley. Le méthodisme des Wesley faisait partie de quelque chose de bien plus grand et leur connexion a grandi en absorbant des groupes existants aussi bien qu’en jouant un rôle de pionnier en matière d’évangélisation. A l’intérieur même de la connexion, d’autres responsables - principalement Charles – ont défié l’autocratisme de John Wesley. Il y eut des conflits de personnalités, des tensions au sujet de la stratégie, des erreurs et des échecs aussi bien que des succès. L’histoire de Charles nous donne une notion plus précise de ce qui s’est passé et d’où nous venons.
Certaines controverses du dix-huitième siècle ont leur contrepartie aujourd’hui. Le mouvement méthodiste est-il effectivement un agent de renouveau dans l’Eglise d’Angleterre ou sommes-nous réellement quelque chose de séparé ? Comment équilibrer foi et constitution, tradition et inspiration, ‘expressions nouvelles’ et ‘chemins anciens’ ? Quand est-ce qu’une ‘nouvelle façon d’être Eglise’ est une vielle erreur habillée d’un costume (post-) moderne ? Quand s’agit-il d’un développement stimulant – un magnifique vin nouveau qui distend la vieille outre fatiguée – et quand s’agit-il d’un substitut plein de bulles condamné à tomber à plat et à décevoir ?
Les cantiques de Charles Wesley continuent à nous offrir la sagesse et les orientations dont nous avons besoin pour comprendre qui nous sommes et décider où aller. Pendant une bonne partie de son histoire, le méthodisme a appris sa théologie surtout dans son recueil de cantiques. Des gens qui ne se verraient absolument pas lire l’un des sermons de John Wesley, connaissent et aiment une série de cantiques qui expriment, informent, nourrissent et soutiennent leur foi. Nos cantiques nous ont donné une interprétation de la foi chrétienne qui est biblique et contemporaine, évangélique et catholique (universelle), sacramentelle et fondée sur l’expérience. Ces ‘normes’ qui sont entrées dans le circuit sanguin des méthodistes l’ont fait par le biais de nos cantiques et Charles Wesley est l’étalon-or de l’hymnologie méthodiste. Que vous le vouliez ou non, nous avons été formés en tant que communauté, que dénomination, par la poésie sanctifiée de Charles Wesley tout autant que par le talent d’organisateur de son frère aîné. Nous pouvons utiliser cette théologie wesleyenne pour guider notre mission et pour formuler notre réponse aux nouveaux défis et aux nouveaux développements.
Mais les cantiques de Charles Wesley nous parlent-ils encore aujourd’hui ? De nouveaux cantiques et une explosion de chants liturgiques cherchent à trouver place dans nos cultes. Le lectionnaire n’est pas toujours aimable avec les grands thèmes wesleyens du salut et de la sanctification ; les gens disent que les cantiques traditionnels sont ‘difficiles’. Les méthodistes ont toujours été sélectifs : aucun recueil de cantiques n’a jamais contenu plus qu’une fraction des strophes de Charles. Nous pouvons continuer à choisir sagement, mais si nous perdons tout à fait le contact avec notre héritage wesleyen, nous risquons la dérive théologique et l’anémie spirituelle. 2007 est une bonne occasion de se souvenir du roc dans lequel nous avons été taillés.
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Martin Wellings est un pasteur de la circonscription d’Oxford et est président de la Société historique méthodiste mondiale.
Traduction : Frédy Schmid
tiré du magazine HEADLINE, Printemps 2007