Meriam Yahia Ibrahim Ishag, jeune chrétienne soudanaise condamnée à mort pour apostasie

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Son procès

Meriam Yahia Ibrahim Ishag n'a pas voulu renier sa foi. La jeune chrétienne a été condamnée jeudi 15 mai à la peine de mort par pendaison pour apostasie au Soudan en vertu de la loi islamique en vigueur au Soudan depuis 1983 et qui interdit les conversions sous peine de mort.

#FreeMeriam "Nous vs avions donné 3 jours pour abjurer votre foi mais vs avez insisté pour ne pas revenir à l'Islam condamnée par pendaison"

— Henry Fautrad (@Lespiegle1) 20 Mai 2014

« Nous vous avions donné trois jours pour abjurer votre foi mais vous avez insisté pour ne pas revenir vers l'islam. Je vous condamne à la peine de mort par pendaison », a déclaré le juge Abbas Mohammed Al-Khalifa à l'adresse de la jeune femme, qui est demeurée placide à la lecture de du verdict. Emprisonnée depuis le mois de février, la jeune chrétienne subira une centaine de coups de fouet après son accouchement et sera ensuite exécutée.

Elle a été arrêtée et poursuivie sur la dénonciation d’un parent. Enceinte de huit mois, elle a été jetée en prison avec son enfant d’un an et demi. Aux dires de l’Association de défense des peuples menacés (Gesellschaft für bedrohte Völker - Göttingen), elle a été battue en prison.

En outre, on lui a refusé comme à son fils des soins médicaux adéquats. Bien que trois témoins aient déclaré lors d'une audience du tribunal que l’accusée avait grandi dans une famille chrétienne, cet argument n’a pas été retenu pour le juge, pas plus qu’il n’a pas tenu compte de l'état de la jeune femme (enceinte de huit mois et déjà mère d'un petit garçon d'un an et demi).

Son histoire

La femme est la fille d'une chrétienne orthodoxe éthiopienne et d’un Soudanais musulman. Son père a disparu quand elle avait six ans. En 2012, elle a épousé Daniel Wani, citoyen chrétien soudanais du Sud et américain.

Cependant, selon la loi islamique, la femme appartient à l’islam en tant que fille d'un musulman et est considérée comme non mariée parce que le mariage entre une musulmane et un non-musulman n'est pas officiellement reconnu.

Non seulement son mariage n’était pas reconnu, mais elle était encore reconnue coupable d’adultère. L'accusation d'"adultère" repose sur son mariage avec un chrétien du Soudan du Sud. Et dans cette affaire s’applique l’article 146 du Code pénal soudanais, qui dispose : « Quiconque commet le crime d’adultère sera : exécuté par lapidation si l’auteur du crime est marié ; puni de 100 coups de fouet si l’auteur du crime n’est pas marié ». Pour cette raison, Madame Yehya Ibrahim a été également été condamnée à 100 coups de fouet pour « adultère »

L'affaire met clairement en évidence les problèmes que rencontrent beaucoup de chrétiens au Soudan, selon l'ONG. Depuis la création d'un État indépendant au Sud Soudan en juillet 2011, le Soudan renforce l’islamisation du pays.

Les chrétiens originaires du Sud Soudan qui avaient cherché refuge à Khartoum au cours de cette guerre qui opposait le Nord au Sud du Soudan pendant 37 ans, seraient désormais obligés de se déplacer au Sud Soudan à majorité chrétienne.

Condamnations unanimes

Après l'énoncé du verdict, une cinquantaine de manifestants très déterminés ont lancé des slogans « non à l'exécution de Meriam », « les droits religieux sont un droit constitutionnel ». Ils entendent poursuivre leur mouvement jusqu'à la libération de la jeune femme.

Amnesty international s'est déclaré horrifiée par ce jugement très dur :

« Le Soudan se referme beaucoup, surtout depuis 2012. Il applique de plus en plus strictement la charia et, par conséquent, est assez peu réceptif aux pressions internationales. Mais pour autant, il ne faut pas renoncer. Il faut, au contraire, continuer à se battre contre cette décision parce qu’il y a eu des cas précédemment, notamment pour des criminalisations de l’adultère de femmes qui étaient condamnées à mort par lapidation et dont les condamnations ont été revues. Et cela, sous l’effet de la mobilisation internationale. Il faut donc continuer à se mobiliser et à dénoncer cette condamnation », a appelé, sur RFI, Marie-Claude Gendron, coordinatrice Soudan de la section France d’Amnesty.

Nous considérons #Meriam Yehya Ibrahim comme prisonnière d'opinion et nous exigeons sa remise en liberté immédiate.

— Amnesty France (@amnestyfrance) 16 Mai 2014


L’ACAT est consternée par cette décision de justice et appelle à sa libération immédiate et sans condition. Pour Clément Boursin, Responsable des programmes Afrique : « Madame Yehya Ibrahim doit pouvoir vivre en paix avec ses enfants et son mari. L’ACAT, qui défend partout dans le monde les libertés individuelles et fondamentales et notamment religieuses, est consternée que l’État soudanais lui refuse son choix de vie. Il est inconcevable qu'elle puisse être exécutée, pour quelque raison que ce soit. Nous appelons à sa libération immédiate et à sa protection ».  L’ACAT, qui s’oppose en toutes circonstances à la peine de mort et à l’usage de la torture, appelle les autorités soudanaises à abolir la flagellation et la peine de mort.

Le groupe de défense des libertés religieuses Christian Solidarity Worldwide a affirmé de son côté que les "actes répressifs" contre les minorités religieuses au Soudan, avaient augmenté depuis fin 2012. Selon eux, en cas d'exécution, Meriam Yahia Ibrahim Ishag serait la première personne mise à mort pour apostasie, en vertu du code pénal de 1991.

Le Conseil national des Églises aux États-Unis proteste avec force contre cette sentence. Son Bureau condamne "avec les termes les plus forts possibles" la condamnation à mort au Soudan de cette femme dont le seul crime était d'épouser un chrétien.

Le gouvernement des États-Unis, les Églises baptistes américaines, et beaucoup d'autres églises et groupes religieux ont dénoncé la sentence prononcée contre Meriam Yahya Ibrahim Ishag.

Jim Winkler, président et secrétaire général de la CCN, a déclaré la condamnation de Ishag pour son association avec des chrétiens comme étant « inhumaine et un acte d'ignorance et d’intolérance religieuse indicible. Il s'agit d'une violation fondamentale des préceptes religieux les plus élémentaires qui déclarent l'amour et l’ouverture de Dieu à toutes les personnes ».

Le révérend A. Roy Medley, président du directoire du Conseil national des Eglises et secrétaire général des Églises baptistes américaines, a déclaré que les Baptistes américains "et tous les croyants et gens de bonne volonté" désapprouvent totalement la cour du Soudan.

Une déclaration de Baptistes américains a condamné la sentence «comme une violation du droit fondamental à la liberté religieuse ».

Le Dr Antonios Kireopoulos, secrétaire général adjoint de la CCN, en charge de Foi et constitution et des relations interreligieuses, a déclaré : «Tous nos partenaires et alliés interreligieux sont solidaires de Mme Ishag. La liberté religieuse restera un idéal difficile à atteindre, tant qu’on ne pourra pas exprimer sa foi partout en toute sécurité, même dans les zones où l’on est en minorité ».

L’association de défense des peuples menacés (Göttingen) lance un appel à la chancelière allemande Angela Merkel pour qu’elle s’engage en faveur de cette femme injustement condamnée à mort pour sa fidélité au christianisme. Cette femme de 27 ans qui est médecin et déjà mère d'un fils de 20 mois - est accusée d'apostasie et d'adultère.

« Meriam Yahia Ibrahim ne doit pas mourir juste parce qu'il y a de moins en moins de liberté religieuse au Soudan et que l'islamisation du pays se développe, a déclaré le correspondant en Afrique de l'organisation des droits de l'homme, Ulrich Delius, le 13 mai.

Avec des mots tranchants, l'évêque de l'Église évangélique luthérienne en Bavière, Heinrich Bedford-Strohm (Munich), a critiqué la peine de mort frappant cette jeune femme enceinte au Soudan. Bedford-Strohm a désigné cette sentence comme «barbare». Sur sa page Facebook, il fait appel aux membres de l'Église pour qu’ils prennent à cœur de prier pour la jeune femme et d’écrire des lettres de protestation aux autorités soudanaises.

Les autorités

Le Quai d'Orsay

Au nom de la liberté de conscience, de la liberté religieuse et du refus de la peine de mort, le Quai d'Orsay a tenu ce lundi 19 mai à s'engager pour défendre Meriam Meriam Yahya Ibrahim Ishag :

« La France condamne la décision de la justice soudanaise d'infliger la peine de mort à une jeune femme pour apostasie. Notre ambassade à Khartoum a suivi ce procès et assisté au verdict. Nous continuerons de suivre avec la plus grande attention la suite de la procédure judiciaire », peut-on lire dans un communiqué du porte-parole du Ministère français des Affaires étrangères qui rappelle le Soudan à ses devoirs. « La France appelle les autorités soudanaises à garantir la liberté de religion ou de conviction, principe fondamental contenu dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Soudan. »

La Maison Blanche

Le porte-parole du Conseil de sécurité national de la Maison Blanche Caitlin Hayden a déclaré : "Nous condamnons fermement cette sentence et exhortons le gouvernement soudanais à respecter ses obligations définies par les lois internationales protégeant les droits de l’homme », dénonçant le Soudan « pour ses violations continues, flagrantes et systématiques de la liberté religieuse ».

Du côté de Twitter

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