Il faut bien l'affirmer et le souligner : la mission de pacification d'échange armes à feu contre tôles qui a eu pour cadre le Sud-Kivu, revêt une très grande importance pour le Programme oecuménique de paix, transformations des conflits et réconciliation, Parec.
Outre cette activité, le surintendant de la Nouvelle Eglise méthodiste, NEM, et président du Parec, a apporté une modeste assistance aux victimes de violences sexuelles à l'occasion de sa visite à l'hôpital de Panzi.
La singularité de cette opération, a réaffirmé le révérend pasteur Daniel Ngoy Mulunda tient à deux principaux faits. D'abord, elle a eu lieu en dehors de la province du Katanga. Ensuite, le Sud-Kivu est une région où l'ennemi est en face. «L'agression vient toujours du Rwanda. Chacun se trouve malgré lui bien obligé d'avoir une arme pour pouvoir se défendre».
A l'annonce de cette étape, a fait savoir le pasteur, aucune chance n'était donnée au Parec de réceptionner ne fut-ce qu'une arme. Plusieurs d'entre les habitants de Bukavu soutenaient que «les détenteurs d'armes n'étaient pas prêts à les rendre de peur de se faire désarmer. Et qu'une fois attaqués par l'ennemi, ils ne seraient pas en mesure de se défendre».
Et pourtant, aujourd'hui, la réponse est là, toute autre, cinglante, a noté le révérend Daniel Ngoy Mulunda. Car, la population dans son ensemble a donné la preuve la plus éclatante qu'elle était pour la paix.
Dans tous les cas, le dépôt de ces armes a contredit également ceux qui laissaient entendre qu'il y avait eu désarmement dans toute la région. «Les gens continuent à nous appeler pour déposer leurs armes. Le séjour à Bukavu était court. Sinon, au cas contraire, le Parec allait avoir une moisson beaucoup plus abondante d'armes», s'est défendu le président de Parec, soulignant que l'opération du Sud-Kivu est plus symbolique que celle déployée dans le Nord-Katanga.
«La paix n'a pas de période»
A la question de savoir pourquoi cette activité se tient en pleine période de campagne électorale, le révérend pasteur Daniel Ngoy Mulunda ne s'est pas entouré de circonlocutions pour en donner la quintessence. «L'opération d'échange armes contre tôles, a-t-il affirmé, constitue en fait une campagne pour la paix». Et d'expliciter : «La paix n'a pas de période. On peut tirer sur quelqu'un à la veille des élections et il n'aura malheureusement plus la possibilité de remplir son devoir. Sa carte d'électeur va rester tout comme son rêve de voter pour un candidat va fondre comme neige au soleil». En procédant de la sorte, le président de Parec pense avoir oeuvré au bon déroulement du processus électoral dont le point d'orgue sera, dans un premier temps, les scrutins du 30 juillet 2006. Pour lui, le Parec ne se limite pas dans le temps.
Par ailleurs, il a reconnu que la présence des Interahamwe continuait à être une menace réelle pour la sécurité de la population du Sud-Kivu. Au-delà de tout, Ngoy Mulunda ne souhaite pas autre chose qu'un départ immédiat de ces derniers. C'est le sens de l'appel qu'il vient de lancer en direction de la communauté internationale au sujet de cette sempiternelle question.
Sécurité du domaine de l'Etat
Quant au problème relatif à l'auto-sécurisation, il estime que la RDC est un Etat de droit. De ce fait, il revient à l'Etat de sécuriser sa population. «L'Etat est là pour protéger sa population. Celle-ci ne doit pas par contre se défendre d'elle-même. C'est de l'anarchie !», s'est-il exclamé, interpellant ainsi la conscience du gouvernement et de la nation tout entière, surtout en ce moment où l'on est sur le point d'élire démocratiquement les institutions de la République. «Le succès récolté par l'opération organisée dans le Sud-Kivu prouve à suffisance que le Programme oecuménique de paix, transformations des conflits et réconciliation n'est pas une affaire du pasteur Mulunda seul», a-t-il fait observer. Il s'agit, a-t-il précisé, d'une trouvaille congolaise en vue de la pacification du pays.
Pour le président de Parec, le bilan de cette opération est largement positif. «Si le Parec pouvait avoir ne fut-ce que trois armes, c'est déjà bon», se disait-il avant de descendre sur le terrain. Il a promis de poursuivre ces activités après les élections et de les étendre à d'autres parties du territoire national. Déjà, le Parec a inauguré un bureau provincial au Sud-Kivu. Celui-ci continuera à réceptionner les armes en échange de tôles.
Restant dans le même registre, mais en des termes quelque peu différents, le président de Parec a déclare : «Je rêve d'un Congo où la police est respectée, d'un Congo qui sera en bons termes avec le Rwanda, d'un Congo pacifique et démocratique». De fil en aiguille, il a fait comprendre aux acteurs politiques et à la population que les élections n'étaient pas une fin en soi et qu'un échec n'était pas la fin du monde. Il faudra l'accepter.
Pour Ngoy Mulunda, la politique c'est une vocation, un service à rendre au peuple. «Lorsque vous vous présentez, est-ce pour vous ou pour le peuple ? », a-t-il martelé. Si ce peuple-là ne vous vote pas, c'est qu'on ne vous a pas donné la chance de le servir maintenant», a-t-il noté.
Visite aux victimes de violences
Trois jours après l'opération «armes à feu contre tôles», le révérend pasteur Ngoy Mulunda a profité de l'occasion pour rendre visite aux femmes victimes de violences sexuelles à l'hôpital général de Panzi. Au sortir de cette formation médicale, il s'est dit touché de compassion. «Je suis bouleversé. C'est inhumain. Il est temps qu'on mette fin à ce crime».
Et c'est un message de compassion et de réconfort qu'il a apporté à toutes ces femmes. «Malgré leur souffrance, Dieu est avec elles». Il a comparé leur situation à celle des enfants d'Israël en Egypte. Ils étaient violés et méprisés, mais Dieu a entendu leurs cris de détresse. Il leur a envoyé Moïse pour les sauver. Le président de Parec a promis d'en faire un rapport fidèle et détaillé au président de la République, Joseph Kabila, dans l'évident espoir qu'une attention particulière sera accordée à ce dramatique dossier de femmes victimes de violences sexuelles.
Le Parec, en tant que membre de l'Eglise méthodiste, veut s'engager également aux côtés de la Cepac (Communauté des Eglises pentecôtistes de l'Afrique centrale) afin de mettre au point un programme conjoint pour pouvoir aider les femmes du Sud-Kivu victimes de violences sexuelles. «Il s'agit encore d'un autre défi», a affirmé Ngoy Mulunda. Avant d'embrayer : « Il est important, a-t-il dit, que toutes les Eglises tournent leurs regards vers ces femmes. Heureusement que la nouvelle Constitution du pays considère ces actes comme un crime contre l'humanité».
Interrogé de son côté, Dr. Mukwege, médecin directeur à l'hôpital de Panzi, a affirmé que cette institution médicale avait reçu en moyenne, pendant les six derniers mois, six femmes par jour. Cela dépend beaucoup plus de la situation sécuritaire prévalant à l'intérieur du pays. «Lorsqu'il y a la sécurité et que les femmes bougent normalement, la fréquence augmente», a-t-il expliqué. Précisant cependant que l'hôpital de Panzi ne peut pas recevoir dix femmes par jour à cause de sa faible capacité d'accueil. Actuellement, a-t-il indiqué, les victimes viennent des zones en conflit. Notamment Walungu, Buniyakiri, Shabunda Au moins 80% de l'ensemble des femmes qui se présentent à cet hôpital ont été violées il y a de cela trois mois.
350 femmes violées
Tout d'abord, l'hôpital n'avait pas été construit pour une grande capacité d'accueil. « Mais, au regard de la misère qui étreint la population et des conditions dans lesquelles les femmes nous arrivent, il est pratiquement impossible de les refuser», a indiqué le médecin directeur. «Elles sont souvent rejetées par leurs communautés d'origine et leurs maris. Dans ce cas, l'hôpital constitue, de ce fait, un lieu de refuge pour elles».
Pour le moment, environ 350 femmes sont hospitalisées à Panzi. Ensuite, lorsqu'elles ont recouvréleur santé, très peu d'entre elles rentrent dans leurs villages. «On aurait bien voulu qu'il y ait un appui pour leur insertion socio-économique. Mais, nous essayons quand même de leur apprendre à faire du tricotage», a déclaré le médecin directeur.
Lors de son passage dans cet hôpital, Daniel Ngoy Mulunda a remis une enveloppe de deux mille dollars Us. Ce montant est destiné à subvenir à certains besoins des victimes de violences sexuelles. Prenant la parole, une des victimes a vivement remercié le révérend pasteur pour son geste.
Elle a également dit toute la reconnaissance de ses consoeurs à l'endroit des médecins de Panzi qui les encadrent non seulement en leur prodiguant des soins médicaux mais aussi en leur apportant de la nourriture. « Nos familles, a-t-elle déploré, ne sont pas en mesure de nous assister et nous n'avons aucune de leurs nouvelles. Ce sont les médecins qui sont devenus nos gardes malades».
Une fois sorties de l'hôpital, la plupart de ces femmes restent traumatisées. Elles n'ont aucune envie de retourner chez elles, craignant d'être à nouveau violées.
28 Juillet 2006
Source: Le Potentiel (Kinshasa)