Après des rapprochements significatifs opérés le 6 janvier 2001 entre évangéliques de tous bord (Alliance évangélique française (AEF), Fédération Evangélique de France (FEF) et Assemblée de Dieu (ADD)), une plate-forme informelle a vu le jour, le Conseil National des Evangéliques de France (CNEF). La plate-forme à laquelle prennent part plus de 27 églises, - dont l’UEEMF par le biais de la FEF- , tend à évoluer actuellement en institution (fédération). Interrogé par Pierre Lacoste, président de l’Union des églises évangéliques libres dans les colonnes du mensuel libriste Pour la Vérité, Claude Baty, président de la Fédération protestante de France (FPF) donne son point de vue sur l’évolution de cette structure, en particulier sur les risques pour le CNEF de se définir à l’avenir en opposition à la FPF. Ce sujet fera l’objet d’un débat et d’une décision au sein de chacune des églises affiliées au CNEF, dont l’UEEMF au printemps prochain.
Interview: Claude Baty, président de la Fédération protestante de France
En 2001, à la suite d'une réconciliation entre les responsables de l'AEF et de la FEF, puis avec les Assemblées de Dieu, le CNEF est né. Depuis cette date, et avec l'adhésion de près de 27 unions d'Églises, la « nébuleuse évangélique» cherche en France une meilleure visibilité. Cher Claude, comment cet élan est-il ressenti aujourd'hui au sein de la Fédération protestante?
Je ne peux pas répondre globalement d'autant qu'il est probable que beaucoup dans la FPF ignorent l'existence du CNEF. Cela devrait changer, mais il ne faut pas imaginer que le CNEF soit un sujet de préoccupation pour la FPF. À titre personnel, et avant d'être président de la FPF, je me suis réjoui des réconciliations. Je rappelle qu'à travers le comité français du Mouvement de Lausanne que je présidais alors, le colloque « Évangéliser la France ensemble» en 2000 avait montré le chemin. Tout ce qui va dans le sens de la rencontre et de la réconciliation est à encourager et mon ministère consiste, du moins en partie, à favoriser l'unité du protestantisme français.
Les évangéliques se fédèrent, de leur côté réformés et luthériens français cheminent vers une fusion; assiste-t-on au retour du temps de l'unité?
Nous vivons incontestablement une période de prise de conscience. Pour ne pas être trop long, je dirai que les mutations de la société occidentale, la mondialisation, ont fait bouger toutes les frontières, dont les frontières ecclésiastiques: les évangéliques s'engagent en politique et les réformés dans l'évangélisation! L'arrivée de nombreux protestants du Sud est une autre donnée qui a transformé le visage du protestantisme français. La Fédération protestante de France d'aujourd'hui est un fruit de ces changements. Les relations entre Églises et la solidarité avec les oeuvres sont bonnes et à préserver par une bonne gouvernance, d'où le travail d'enquête et de refonte des statuts en cours. Pour le dire rapidement, oui, quand chacun constate que notre société est de plus en plus déchristianisée, il n'est plus temps de se disputer sur des schibboleths, comme on disait au 19e siècle.
D'après toi, et puisque tu les côtoies, les autorités politiques ont-elles la capacité d'identifier différents interlocuteurs protestants ?
Évidemment qu'elles les identifient, fichier Edvige ou pas, nous sommes tous répertoriés! Elles identifient également les différents interlocuteurs du monde musulman et juif, mais cela ne signifie évidemment pas qu'elles vont donner une reconnaissance à chacun. Si, par exemple, le gouvernement a tant travaillé pour la constitution d'un Conseil français du culte musulman, ce n'est pas pour défaire cela ensuite en négociant avec chaque courant. C' est évident que les autorités politiques ne « reconnaîtront» pas deux protestantismes. On ne voit d'ailleurs pas sur quels critères elles le feraient !
Tu as récemment rencontré une délégation du comité représentatif du CNEF. As-tu le sentiment qu'une contre-fédération protestante est en train de voir le jour ?
J'avais demandé que cette délégation nous précise les objectifs du CNEF pour pouvoir répondre à cette question, que tu n'es pas le premier à poser. Leur réponse est de mon point de vue ambiguë car si j'entends bien l'affirmation « Nous ne voulons pas construire une contre-FPF », la réalité de ce qu'on nous décrit et qui est en train de se faire est quand même de cet ordre!
Parmi les Églises participant à la plate-forme CNEF, une partie est également membre de la FPF. Ces Églises se regroupent à la FPF sous le nom de « coordination évangélique ». Au moment où le CNEF cherche à évoluer en fédération, ces Églises vont être confrontées au problème de la double appartenance. Cette double appartenance te semble-t-elle possible et à quelles conditions? Que penses-tu de la création d'un statut intermédiaire comme celui d'«Églises associées » au CNEF, notamment pour les Églises membres de la coordination évangélique de la FPF ?
Ce qui me semble problématique, c'est qu'à l'intérieur du CNEF la motivation pour une institutionnalisation ne peut évidemment pas être partagée par toutes les Eglises. Les uns cherchent une représentation « officielle » alors que d'autres l'ont déjà. Il y aurait quelque duplicité à obliger tout le monde à entrer dans le même moule sous prétexte qu'ils sont évangéliques. Il serait, de mon point de vue, plus correct de garder une plate-forme d'échanges, d'information, etc. largement ouverte et que ceux qui ont besoin d'un lieu de représentation se regroupent en une fédération, mais sans obliger tout le monde à endosser leurs problématiques particulières. Pour répondre à ta question sur un statut d'Églises associées, il me semble qu'un tel statut serait un minimum. En ce qui concerne la double appartenance, elle est possible en théorie, mais elle me paraît difficile à tenir dans la réalité quand il est question d'engagements financiers et humains. Les Églises évangéliques de la coordination évangélique de la Fédération protestante de France sont, de fait, une interface entre CNEF et FPF ; j’aurai une entière confiance en leur fidélité vis-à-vis de la Fédération protestante de France, dont elles partagent le témoignage dans la société française.
Tiré de PLV N°1/73 Novembre 2008
Eemni/PLV