L'Église Unie du Canada et le droit d'asile

L’Eglise Unie du Canada comprend en son sein la composante méthodiste. A ce titre, nous relayons l’information suivante émanant de ses rangs.


Dans une déclaration récente (le 25 juillet dernier), la ministre fédérale de l’Immigration Judy Sgro a invité les Églises à mettre fin à la pratique d’offrir le sanctuaire aux requérants du statut de réfugiés menacés d’expulsion du pays. Cette position nous apparaît intenable et porte atteinte aux valeurs de justice, d’équité et de principes humanitaires de la société canadienne.


Tout d’abord, il faut faire remarquer à la ministre Sgro que la décision de certaines paroisses de l'Église Unie du Canada de devenir lieu de sanctuaire (c’est-à-dire un lieu sacré de la protection de la vie humaine) est prise comme geste de tout dernier recours auprès de personnes venues chercher refuge et protection au Canada et dont nous sommes convaincus, d’après les informations disponibles, que l'intégrité ou même la vie seraient, en cas d'expulsion, menacées. 


Cette importante décision, lourde de responsabilités, n’est jamais prise à la légère. Elle est mûrement réfléchie et collectivement prise par les communautés de foi, comme un témoignage prophétique en conformité avec leurs valeurs évangéliques et une tradition millénaire du sanctuaire ancrée dans l'enseignement biblique. L’Église Unie du Canada a d’ailleurs maintenu et approfondi une réflexion théologique sur cette question depuis près de vingt ans.


C'est donc conscientes des conséquences juridiques, financières et sociales, que des paroisses locales offrent asile à des requérants du statut de réfugiés, familles ou individus, menacés d'expulsion du Canada et ayant épuisé tous leurs recours. Le sort de ces personnes vulnérables que sont les régugiés est une question qui préoccupe profondément et largement la base même de l’Église unie. En effet, on estime que depuis 25 ans, plus de 800 paroisses, soit le tiers des paroisses de l'Église unie, ont aidé de multiples façons -parrainage, aide juridique, soutien financier... - plus de 25 000 réfugiés à s'installer au Canada. Parmi toutes ces actions, le recours au sanctuaire est demeuré exceptionnel.


L’octroi de sanctuaire par l’Église se veut un geste publique qui ne cherche en rien à cacher qui que ce soit, mais qui place la personne humaine comme toute première préoccupation et plaide pour faire de la résolution des obstacles à l'admission une priorité.


L’octroi de sanctuaire, depuis 1984, n'a été exercé que treize fois par des paroisses de l'Église unie. En douze occasions cela s'est terminé de manière positive, sans violence ni controverse, avec la collaboration des ministres et des fonctionnaires impliqués. 


Gérald Doré est le pasteur de la paroisse unie Saint-Pierre à Québec, dont l'église a été envahie par des policiers le 5 mars dernier - une première honteuse dans l'histoire canadienne - pour mettre la main sur Mohamed Cherfi, un Algérien qui, en dernier recours y avait trouvé asile ; selon lui: «Les églises seraient contentes de ne plus offrir sanctuaire si les conditions pour lesquelles elles posent ce geste n'existaient plus, si les problèmes du système d'accueil des réfugiés étaient réglés.»


Ce geste d’offrir sanctuaire est aussi posé par les églises pour appeler à la résolution de certaines carences majeures du système de détermination du statut de réfugié que nous appelons à corriger et pour lesquelles les Églises, avec de nombreux organismes de défense des droits humains, ont fait des propositions concrètes. 


Enfin, tout en accueillant positivement l'ouverture de la ministre Judy Sgro quant à une éventuelle rencontre sur ces questions avec les leaders des principales Églises canadiennes, le secteur francophone de l'Église unie s'oppose fermement à toute déclaration intimant les Églises de cesser d'offrir asile, particulièrement tant que des réformes substantielles au processus de détermination du statu de réfugié n’offriront pas les garanties nécessaires à la protection de la vie humaine.


Et nous rejetons fermement toute insinuation gratuite et sans fondement que les requérants d’asile, en particulier ceux à qui nous offrons un sanctuaire, porteraient atteinte à la sécurité du Canada . Ceci ne peut que provoquer inutilement la peur chez ces personnes et celles qui leur portent secours et faire à bon compte des revendicateurs du statut de réfugiés, personnes vulnérables, de faciles boucs émissaires de la lutte au terrorisme international.


Le sanctuaire, dans les limites étroites dans lesquelles nous le pratiquons comme églises, demeure un dernier recours, un acte un sacré et de conscience auquel nous ne saurons renoncer.


30 juillet 2004

Source: Église Unie du Canada