<14/06/99 France: Un nouveau président pour les Méthodistes: Daniel Osswald

Elu président de l'UEEM à l'issue de son Assemblée Générale en mars 1999, le pasteur Daniel Osswald vient de donner une interview à Mireille Legait-Verbregghe, journaliste à l'hebdomadaire LE CHRISTIANISME (N°693). Il évoque les efforts de rapprochement entrepris entre l'UEEM (Union de l'Eglise Evangélique Méthodiste) et l'EMF (Eglise Méthodiste de France); ces efforts visent tôt ou tard la fusion entre les deux unions, si Dieu le veut et.... leurs membres respectifs. Selon le commentaire de la journaliste Mireille Legait-Verbregghe, «la fusion devrait aboutir d'ici quelques mois à un contrat d'union provisoire - on n'ose pas écrire un Pacs- qui sera scellé trois ans plus tard par une véritable alliance.» Elle résume aussi l'opération en parlant d'une «union de raison qui pourrait tourner au mariage d'inclination d'ici trois ans». Voici l'intégralité de l'interview du pasteur Daniel Osswald réalisé par Mireille Legait-Verbregghe pour les besoins du CHRISTIANISME:

 

M. Legait-Verbregghe : Quelle est la différence théologique entre l'Eglise Méthodiste de France et l'Union de Eglise Evangélique Méthodiste?

Daniel Osswald: Il n'y a pas de réelle différence théologique entre nous. Il s'agit plutôt d'une différence sur le plan de l'histoire. Les Eglises de l'Union de l'Eglise Evangélique Méthodiste (UEEM) sont nées de missions américaines qui ont travaillé dans leur région, il y a bientôt un siècle et demi. Les missionnaires étaient souvent des Européens ou des descendants d'Européens ayant émigré aux U S.A. où ils ont connu le Réveil, Ils sont revenus ensuite évangéliser leur région d'origine. Les Eglises Méthodistes de France (EMF) ont été créées par des Anglais qui sont venus évangéliser la France au début du XXe siècle. La plupart ont ensuite fusionné avant la guerre avec l'Eglise Réformée de France. Cela peut paraître surprenant au regard de la controverse théologique qui a opposé les méthodistes aux calvinistes sur la question de la prédestination. Il faut croire que cette fois-là l'ecclésiologie a été plus forte que la théologie.

M. L.-V : Que représente l'UEEM numériquement?

D.O.: L'UEEM comptabilise mille membres. Nos églises sont implantées en Alsace, en Lorraine et dans le Sud-Ouest. Conformément à notre théologie, la diaconie représente une part importante de notre activité. Nous disposons de trois maisons de retraite à Mulhouse, Munster et Strasbourg, d'une clinique et d'une maison de long séjour à Strasbourg. Nous soutenons aussi avec nos églises soeurs en Suisse des missionnaires au Zaïre, en Algérie et en Amérique du Sud. Nous disposons aussi d'un centre de vacances à Landersen dans les Vosges et d'un réseau de librairies.

M. L.-V.: Votre clinique Bethesda fonctionne avec le soutien d'une congrégation de diaconesses. Le renouvellement des vocations est-il assuré?

D. 0.: Depuis une trentaine d'années, le renouvellement des vocations au sein des Diaconesses de Bethesda s'est beaucoup ralenti. Il reste une vingtaine de Diaconesses. Nous préparons le moment où notre diaconie devra se baser sur le bénévolat plus que sur la présence des diaconesses. Nous devrons adopter un fonctionnement plus associatif que congrégationaliste, mais ce fonctionnement restera basé sur le spirituel. Nous pensons à préparer des bénévoles pour que la dimension de l'Evangile reste une valeur forte dans l'établissement qui propose des cultes le dimanche, des petits messages chaque matin, dispose d'une aumônerie et d'un service de visiteurs de malades. Nous encourageons aussi le personnel à se retrouver de manière ponctuelle pour un moment de culte ou de convivialité.

M. L.-V . Peut-on envisager une fusion entre les deux Eglises Méthodistes de France? Quelles sont les craintes qui peuvent se faire jour?

D. 0. : Le projet avance, nous imaginons que d'ici la fin de l'année, de part et d'autre, nous aurons pris une décision positive - en faveur d'une période transitoire de trois ans pendant laquelle nous ferons l'essai d'une union qui pourra être dissoute le cas échéant. Ensuite, il y aurait création d'une Conférence Annuelle unique. Des craintes, nous n'en avons pas. Il y a beaucoup d'avantages à retirer de part et d' autres de cette union. Personnellement, j'ai toujours milité pour ce rapprochement, notamment parce que notre union, l'UEEM, se trouve implantée très à l'Est, donc historiquement coupée de la France. Nous avons des attaches surtout en Suisse. Notre souhait, en réalisant cette fusion avec les Eglises Méthodistes de France (EMF) qui disposent d'églises en région parisienne et dans le Sud de la France, c'est de disposer de nouveaux moyens pour évangéliser la France.

M. L.-V.: Lors de la dernière conférence annuelle, ce souci d'implanter de nouvelles églises s'est manifesté fortement. La France n'est-elle pas une terre aride, dans ce domaine?

D.O.: Je ne le crois pas. La France est une terre fertile où l'on peut implanter de nouvelles Eglises, où peut se manifester de l'intérêt pour des églises plus proches de l'église de maison que de la cathédrale où l'aspect communautaire passe au second plan par rapport au liturgique. C' est vrai que la France peut paraître plus fermée à l'Evangile que certains pays de l'Est qui, ont connu des moments historiques propices à l'évangélisation et l'implantation d'Eglises, notamment en raison des difficultés sociales auxquelles ils ont été et sont toujours confrontés. La France est peut-être un terrain plus difficile, mais je ne vois pas pourquoi la France ne serait pas une terre à exploiter pour l'Evangile. C'est vrai que dans les pays germaniques, le sentiment religieux est plus fort, il naît plus vite que chez nous mais il périclite aussi plus vite. En Allemagne, la religion fait partie de l'identité régionale, culturelle, alors que chez nous, nous sommes empreints de laïcité. Mais ce n'est pas forcément un obstacle infranchissable.

M. L.-V : Le dialogue oecuménique au sein du COE a mobilisé de nombreux méthodistes. Est-ce une préoccupation de l'UEEM ? Quels sont vos contacts avec les catholiques?

D.O.: C'est peut-être dans ce domaine qu'il y a une nuance entre les deux unions méthodistes en France. L'UEEM est encline à faire preuve d'un oecuménisme modéré, plutôt de terrain. Nous sommes attentifs à établir le dialogue avec toutes les confessions chrétiennes alors que l'Eglise Méthodiste de France serait plus réservée quant à cette démarche. C'est peut-être lié à des questions historiques, à un certain malaise résultant de la fusion de la majorité de ses églises avec l'Eglise Réformée de France dans les années 30...

M. L.-V.: Alors quid de la reconnaissance de la primature du pape que la Commission Méthodiste de Grande Bretagne pourrait décider pour faire avancer l'unité?

D. 0.: Chaque Conférence Annuelle, qui réunit une ou plusieurs nations, peut prendre des décisions qui n'engagent pas les autres. De même, la Conférence Générale peut prendre des positions ecclésiologiques qui n'engagent pas les Conférences Annuelles. On recherche un consensus, mais la minorité n'est pas obligée de suivre le courant majoritaire. Le point de vue des minoritaires peut même être précisé dans les documents théologiques publiés. De plus, toutes les Eglises Méthodistes dans le monde ne font pas partie de la Conférence Générale. C'est le cas de l'EMF. L'Eglise Méthodiste ne prend pas de positions au niveau mondial, il n'y a pas de magistère. La primauté du pape, ce n'est pas un sujet sensible pour nous. Sur les questions éthiques, il en va autrement. On a pu entendre certaines nuances, voire des tollés sur la célébration de mariages homosexuels, par exemple.

M. L.-V.: N'est-ce pas un peu paradoxal de faire partie d'une Eglise qui exprime tant de points de vue différents?

D. 0.: Je reconnais que c'est un peu complexe. Nous choquons par notre centralisme manifesté parce que nous avons un évêque alors que nous n'avons pas de ligne de pensée unique. Notre fonctionnement est de type synodal. Notre Conférence Centrale européenne, dont l'Evêque Bolleter est le président, est une conférence culturelle très diversifiée. Les Eglises Méthodistes en France sont peut-être plus évangéliques qu'en Suisse, en Algérie, l'Eglise Méthodiste connaît d'autres situations que l'Eglise Méthodiste d'Allemagne. Notre histoire fait preuve d'une grande souplesse et d'une grande tolérance. Mais ni en France, ni en Suisse, ni en Allemagne, vous ne trouverez des Eglises Méthodistes favorables à la reconnaissance du ministère du pape!

M. L.-V. : Si vous exprimez tant d'idées différentes sur le plan théologique, qu'est-ce qui vous réunit?

D. 0.: Ce qui fédère les méthodistes, c'est le désir de faire connaître l'Evangile, le besoin de ne pas dissocier le social du spirituel et la notion de grande famille. C'est important pour nous de savoir qu'on est nés d'un même mouvement de réveil, cela scelle la solidarité entre méthodistes. Nous sommes au bénéfice de la même expérience, nous avons la même histoire, la même volonté de faire passer l'Evangile avant les considérations théologiques.

M. L.-V.: On constate une grande vitalité des Eglises Méthodistes aux U.S.A. Est-ce dû au fait que nombre de personnalités politiques de premier plan revendiquent cette apparte-nance religieuse ?

D.O.: C'est un fait que l'Eglise Méthodiste est très impliquée dans la vie politique et sociale. C'est le résultat de cet engagement historique en faveur des plus pauvres. Que l'Eglise Méthodiste soit très engagée politiquement dans ce domaine- ne veut pas dire qu'elle est toujours à gauche. Mais cet engagement fait que des hommes d'Etat se réclament du méthodisme, d'autant que le phénomène religieux aux U.S.A fait partie du domaine culturel. Carter essayait de faire coïncider sa foi et ses engagements politiques. D'autres peuvent être moins convaincants parce que l'Eglise s'est au fil du temps sécularisée.

>Source: EEMNI/Christianisme N°693