Dans son édition du 21 décembre, Valeurs Actuelles campe le portrait de Georges Bush et insiste sur la carrure spirituelle du président des Etats Unis. Si nous en faisons état dans EEMNI, nous ne donnons pas pour autant un blanc-seing au gouvernement américain, pas plus que les différentes instances de l’Eglise Evangélique Méthodiste (EEM), dont nous avons maintes fois rapporté les prises de position.
Puissances : Washington
Le psaume de George Bush: “Jamais, de toute ma vie, je n’avais ressenti une telle confiance en moi”, dit George Bush. “Je le dois à la prière des Américains.” La société américaine est profondément religieuse.
C’est Laura Bush, la first lady, qui l’a décidé: les cartes de vœux de la Maison-Blanche reproduiront un verset du psaume 27: «Qu’une armée vienne camper contre moi, mon cœur est sans crainte; qu’une guerre éclate contre moi, j’ai là ma confiance.»
Laura était auprès de son mari dans le Boeing Air Force One qui les conduisait tous deux au Kentucky où ils allaient fêter les Grâces (Thanksgiving) parmi les hommes de la 101e Aéroportée, au début de ce mois. Ils ont accepté de se confier à une équipe de la rédaction de Newsweek. La question est venue dès le début de l’entretien: «Quel rôle la foi et la prière ont-elles joué dans tout cela?» – autrement dit dans le comportement et les décisions du président des Etats-Unis depuis le 11 septembre.
«La prière compte beaucoup pour moi, a répondu George Bush. Certes, elle comptait déjà pour moi, mais sa présence est encore plus forte parce qu’il y a beaucoup de gens qui prient pour moi et je le ressens. Oui, vraiment, vous savez, jamais de toute ma vie, je n’avais ressenti une telle confiance en moi. Et cela, je le dois à la prière des gens. Mon attitude à l’égard du danger, c’est vraiment ça: qu’il soit fait selon la volonté du Seigneur. Voilà ce que je crois…»
Quelques instants plus tard, son avion atterrissait à Fort Campbell, où l’attendaient les paras en tenue camouflée. Il avait revêtu un blouson de vol couvert d’insignes et devant la foule de l’une des plus fameuses unités de l’armée américaine, il lançait : «Nous combattons le diable et nous vaincrons!»
Il recommençait le 7 décembre à bord du porte-avions Enterprise en célébrant le soixantième anniversaire de l’attaque de Pearl Harbor: «Cette nouvelle guerre (contre le terrorisme) nous a surpris par sa soudaineté, mais elle aura aussi révélé ce qu’il y avait de meilleur en nous. Nous avons beaucoup appris sur nous-mêmes et sur nos amis dans le monde. Les nations se sont levées à nos côtés parce que c’est le combat de la civilisation…»
George Bush n’a pas besoin d’employer le mot de croisade, dont on a dit qu’il était si choquant pour les opinions publiques musulmanes: sa bataille, c’est bien celle du Bien contre le Mal, des bons contre le diable, de la vérité contre le mensonge, de la liberté contre la tyrannie… La Bible au secours du fusil. Il n’a pas hésité devant l’image du western, “Wanted”, et il l’a redit après la diffusion de la vidéo de Ben Laden: «Qu’ils me le ramènent mort ou vif, peu m’importe. Justice sera faite.»
C’est cela aussi la culture américaine, le caractère profondément religieux et messianique de cette société, depuis les Pères fondateurs. Et ce qui frappe dans l’attaque du 11 septembre, c’est qu’elle se soit faite au nom d’un fanatisme religieux. Rien ne pouvait être plus choquant, plus incompréhensible pour les Américains. D’où cette remarque de George Bush: «Depuis le 11 septembre, a-t-il dit, je sais que les Américains passent plus de temps dans leurs lieux de culte…» Quand il parle des autres, il parle aussi de lui.
La cérémonie d’investiture du président des Etats-Unis est d’abord une cérémonie symbolique et religieuse: le nouveau président prête serment, devant le peuple, sur la Bible, avant de prier avec le pasteur. Chacun de ses discours s’achèvera par la formule God bless America. Chaque dollar porte la devise In God we trust. Imagine-t-on nos billets de banque portant les mots “Nous croyons en Dieu”?
On n’imagine pas non plus que le président de la République monte en chaire, en la cathédrale de Paris, à la suite des pasteurs, des prélats, d’un imam et du grand rabbin, pour y prononcer une homélie un jour de deuil national. C’est pourtant cela qui s’est passé, le 14 septembre, à Washington: George Bush a prêché, en tant que président des Etats-Unis, avant que le révérend Billy Graham conclue par ces mots: «De ce jour de chagrin et de tragédie (le 11 septembre) surgira un autre jour, celui de la victoire du Bien.»
Quand il s’est lancé, depuis son Texas familial dont il était gouverneur, dans sa campagne présidentielle, George Bush a naturellement préparé un livre, publié en 1999, A Charge to Keep. Ce document (traduit en français, l’année dernière, chez Odile Jacob) commence par ces lignes: «La plupart des existences sont composées de moments déterminants, des moments qui vous changent à jamais, qui vous font prendre une direction radicalement nouvelle… Le renouvellement de ma foi, mon mariage et la naissance de nos enfants sont à mes yeux les moments les plus forts de ma vie.» Et il continue, quelques lignes plus loin: «J’ai grandi au sein de l’église presbytérienne de Midland, j’ai été enfant de chœur dans une église épiscopalienne à Houston et je me suis marié dans une église méthodiste.»
Par leur rencontre et leur mariage, en 1977, Laura a imprimé sa marque sur son existence, lui aura fait relire la Bible, et la redécouvrir. «J’ai assisté à des renouvellements de foi avec Billy Graham, à des services à la chapelle de Camp David» (au temps où son père était vice-président puis président)… Aujourd’hui, comme hier, on y dit les grâces avant le dîner, et le pasteur de l’église locale a été formé à l’université Southern Methodist où Laura fut elle-même étudiante.
“La grande division entre civilisation et barbarie”
Le jour de sa prestation de serment de gouverneur du Texas, en 1995, George W. Bush commença par assister avec toute sa famille à une prière à l’église méthodiste d’Austin. Quatre ans plus tard, ce fut le tour de son frère Jeb, élu gouverneur de Floride: «Jeb, raconte l’aîné, a posé les mains sur deux bibles – la sienne et celle que notre père avait utilisée lors de sa prestation de serment présidentielle en 1989 – puis il a prêté serment. Les bibles ont été ouvertes au psaume 91…» Psaume qui dit: «Le malheur ne peut fondre sur toi, ni le fléau approcher de ta tente ; il a pour toi donné ordre à ses anges de te garder en toutes ses voies.» Dans son discours à la nation prononcé le 8 novembre à Atlanta, George Bush citait une petite fille de quatre ans qui avait posé une question si juste et si innocente, se demandant pourquoi des terroristes pouvaient haïr à ce point une nation dont ils ne connaissaient même pas les citoyens: «Pourquoi est-ce que nous ne leur dirions pas nos noms?» «Nous allons leur dire nos noms», s’exclama Bush. Ce qui ne se comprend que si l’on connaît l’autre verset du psaume 91: «Puisqu’il s’est attaché à moi, je le délivrerai ; je le mettrai hors d’atteinte puisqu’il connaît mon nom…»
Sur le pont du porte-avions Enterprise, le président des Etats-Unis est revenu encore sur son leitmotiv: «La grande division de notre temps, c’est ce qui sépare la civilisation de la barbarie.» Au-delà de cette affirmation, cette formidable confiance en soi, cette infinie certitude de faire le Bien, c’est la conviction que la haine de l’Amérique n’est en définitive qu’une expression de l’ignorance. «Ils ne connaissent pas nos noms…»
21 Décembre 2001
Source: Valeurs Actuelles n° 3395