Le CPDH face à la laïcité dévoyée


Laïcité dévoyée

Lundi 4 mai 2015, le député-maire de Neuilly, Jean-Christophe Fromantin, a donné une conférence à l'église Saint-Pierre, la paroisse de sa commune. Son sujet : « La joie de l’Évangile ». Franck Keller, un conseiller municipal UMP, a trouvé « terriblement choquant de voir un élu de la République faire des sermons religieux dans des lieux de culte » et a dénoncé une atteinte à la laïcité : « C'est un mélange des genres très contestable qui porte atteinte à la laïcité », a-t-il déclaré au journal Métronews. Ce conseiller municipal aurait-il oublié l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi ».

On se souvient d’ailleurs de la décision du tribunal administratif de Nantes, en décembre 2014, qui avait obligé le Conseil Général de Vendée à retirer une crèche de Noël exposée dans le hall d’entrée après une contestation de Jean Regourd, le président de la fédération de la Libre Pensée de Vendée : "il s'agit d'une crèche de la nativité, donc c'est un emblème religieux, d'une religion particulière. Elle ne respecte pas ce que doit être la neutralité des bâtiments publics, de l'État donc, et ne respecte pas la liberté de conscience d'un citoyen qui, rentrant au conseil général, se voit quasiment imposer un emblème religieux et caractérisé comme tel." Le président du conseil général avait d’ailleurs fait appel, ce qui avait suspendu la décision du tribunal administratif : "Le Conseil général considère en effet qu'il n'a absolument pas contrevenu au principe de laïcité, car la crèche fait partie depuis des siècles des traditions populaires et de l'imaginaire des Français, avait expliqué Bruno Retailleau, président du Conseil généralLe débat qui agite notre pays montre d'ailleurs à quel point le laïcisme intégriste pervertit l'esprit de la laïcité à la française. La laïcité a été inventée pour assurer la concorde entre les français, pas pour les diviser dans des querelles d'un autre temps ". Le recours du Conseil Général a été suspensif de la décision du tribunal administratif.

De même, le 1er avril dernier, la RATP avait retiré une affiche promotionnelle des murs du métro parisien portant l'inscription "au bénéfice des chrétiens d'Orient", au nom du "principe de neutralité du service public". La société de transport en commun a finalement fait marche arrière, le 6 avril, après que de nombreux usagers et personnalités politiques se sont indignés de cette décision.

« Pour trop de gens, la laïcité est devenue une annexe d'un principe de neutralité. C'est faux ! Dans la laïcité, la neutralité est un instrument de l'Etat au service de la liberté de conscience, contre toute discrimination. Cette absolutisation du principe de neutralité rabougrit le principe de laïcité, l'appauvrit et mène à un contresens » a déclaré avec raison Jean Baubérot[1] dans une interview accordée à France TV info, en précisant que « la laïcité, ce n'est pas supprimer toute référence au religieux dans l'espace public. La loi de 1905 doit pouvoir protéger des cas de discrimination religieuse. Les mots "chrétien", "musulman" ou "juif" ne doivent pas devenir des tabous. Ce n'est pas parce que les chrétiens d'Orient sont des victimes à cause de leur croyance religieuse qu'ils perdent leur statut de victimes. Ils ont le droit de bénéficier d'une campagne de soutien financier dans le métro, au même titre qu'après une catastrophe naturelle, par exemple. »[2] 

La laïcité est à la fois une modalité et un principe d’organisation de la puissance publique qui doit garantir au mieux l’intérêt général, ainsi que la liberté de conscience, d’opinion et de religion. 

Le mot « laïcité » a une double origine. Il faut remonter aux textes bibliques rédigés en grec pour en trouver la première trace. Le mot « laos » désignait le peuple en le distinguant des prêtres. Plus tard, à l’intérieur de l’église catholique, « laïcus », « laïque » désignera, en opposition à « clerc », toute personne qui n’est ni dans l’Église ni dans les ordres. C’est en 1871 que le mot « laïcité » apparaît semble-t-il dans la langue française : le lexicographe Émile Littré le recense dans une citation tirée du journal La Patrie.
Ce bref rappel permet de recentrer la signification de la laïcité à la fois en direction « du peuple » - elle doit être au service des individus et de leur vie en société – mais aussi en direction de l’indépendance et de la liberté de l’Etat à l’égard de toute religion ou idéologie qui voudrait imposer son hégémonie, y compris celle d’une pseudo « laïcité » qui viendrait s’autoproclamer « seule religion d’Etat ».

[1] Jean Baubérot est chercheur au Groupe sociétés, religions, laïcités du CNRS, auteur de l'essai Les 7 laïcités françaises (Editions de la Maison des sciences de l'homme).

[2] Cf. http://cpdh.org/index.php/vie-de-la-cite/laicite-et-liberte-religieuse/item/1386-la-france-va-t-elle-trop-loin-avec-la-laicite.

Franck Meyer
Président du CPDH

PRIER

Mercredi 13 mai, la laïcité reviendra à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale. Après avoir sommeillé trois sans les tiroirs du Parlement français, le projet de loi Laborde, va ressurgir contre l’avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH) qui a demandé le retrait, le 19 mars dernier, de cette proposition de loi « visant à étendre l'obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité »; la CNDH s'inquiétant des "lourdes imperfections juridiques" du texte et de ses conséquences politiques "désastreuses".

Le texte, porté par les Radicaux de gauche, a été adopté au Sénat il y a plus de trois ans, en janvier 2012. Il visait, dans sa version initiale, à interdire aux salariés tout signe religieux ostentatoire dans les structures accueillant des enfants de moins de six ans et «bénéficiant d’une aide financière publique », au premier rang desquelles les crèches, les centres de loisirs, les centres sociaux. Pour les structures ne bénéficiant pas d’aides publiques, le texte proposait de graver dans le marbre la possibilité « d’apporter certaines restrictions à la liberté d’expression religieuse des salariés au contact d’enfants ».

La proposition de loi allait même plus loin en proposant l’interdiction des signes religieux aux assistantes maternelles, y compris travaillant chez elles : « À défaut de stipulation contraire inscrite dans le contrat qui le lie au particulier employeur, l’assistant maternel est soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse dans le cours de son activité d’accueil d’enfants » (article 3).
Selon Maire-info (édition du 7 mai 2015), le quotidien d’information destiné aux élus locaux, d’ultimes calages auraient eu lieu le 6 mai dernier entre les députés radicaux et socialistes et des membres du cabinet de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Les défenseurs du texte auraient accepté de supprimer les références aux centres de loisirs et envisageraient la réécriture de l’article portant sur les crèches et les haltes-garderies. Le texte qui sera débattu mercredi prochain devrait néanmoins affirmer la possibilité de « restreindre » (dans les limites définies par l'article L 1121-1 du Code du travail) la liberté religieuse des salariés, au contact des enfants, dans les structures privées.

Le CPDH avec d’autres associations suivra avec vigilance l’évolution des débats et interviendra auprès de parlementaires avec d’autres associations si besoin, car de dangereux glissements liberticides s’annoncent clairement.

  • Demandons à Dieu que les calculs politiciens et les intentions perverses, visant à restreindre la liberté de religion, soient révélés au grand jour. Prions pour que la liberté de religion, d’opinion et de conscience ne recule pas davantage en France.
  • Prions pour que de nombreuses voix de parlementaires s’élèvent pour défendre la liberté d’opinion, de religion et de conscience.
  • Rendons grâce pour les élus locaux qui témoignent par leurs actes et leurs paroles de la joie et de l’amour de l’Evangile.
  • Intercédons pour l’Eglise de Jésus-Christ afin qu’elle n’ait pas honte de l’Evangile, car « c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Romains 1 v. 16).

RECONNAISSANCE

Nigéria : il y a un an le CPDH lançait, avec d’autres organisations de défense des droits de l’homme, un appel à la prière pour les jeunes lycéennes enlevées à Chibok, au Nigéria. 
Nous avions prié « pour que l’Etat Nigérian ait le courage de défendre la population ». En l'espace de quatre jours, entre le 25 et le 28 avril, près de 700 femmes et enfants ont été libérés dans le cadre d'une offensive militaire menée par l'armée nigériane dans la vaste forêt de Sambisa, devenue bastion du groupe islamiste Boko Haram. 
Selon le site : fait-religieux.com, alors que le Président sortant Goodluck Jonathan a été accusé de ne pas avoir assez agit pour libérer les jeunes filles et les femmes kidnappées, son successeur Muhammadu Buhari, « s’est engagé à vaincre le groupe islamiste qui, depuis 2009, a fait plus de 15 000 morts au Nigéria ».

11 mai 2015

CPDH