“Et ceux qui virent l’étoile ouvrirent le chemin
sur lequel nous marchons aujourd’hui” *
Il y a moins d’une semaine, nous nous sommes lancés sur le chemin de la nouvelle année, avec toutes les attentes, les inquiétudes et les défis liés à notre temps.
En tant que chrétiennes et chrétiens, nous venons de célébrer le plus grand événement de notre foi: la Parole est devenue Lumière, histoire et présence en Jésus de Nazareth. Cette irruption de Dieu dans l’histoire humaine ne cesse de nous étonner, tout comme elle étonnait déjà les témoins de la naissance du Messie dans une humble crèche, située dans un petit village perdu.
Cet étonnement, les savants venus d’Orient l’ont aussi vécu, eux qui, selon le récit biblique, suivirent une étoile brillante qui les mena jusqu’à cette rencontre avec Dieu, fait homme. Les Rois mages qui nourrissent aujourd’hui encore l’imaginaire et les espoirs des enfants du monde entier symbolisent certes le don généreux, mais continuent surtout à nous montrer que la sagesse ne naît pas uniquement de l’étude des étoiles, mais de la volonté de suivre “l’étoile” qui nous conduit sur le chemin de la découverte, celle de la présence de Dieu dans ce qui est humble et délaissé par d’autres.
“Et ceux qui virent l’étoile ouvrirent le chemin sur lequel nous marchons aujourd’hui”
Si les mages se lancèrent dans ce voyage, c’est qu’ils étaient certains que “cette étoile” était celle qu’ils attendaient, celle qui les conduirait au bon endroit. Le chemin ne fut pas facile, ils durent déjouer les pièges de ceux qui affirmaient être animés par les mêmes intentions mais qui, en réalité, souhaitaient éliminer toute possibilité de voir naître quelque chose de nouveau. Ils durent faire preuve d’attention, pour ne pas confondre leur étoile avec d’autres ou leur désir sincère de trouver le chemin de la vie avec les intentions de mort d’Hérode.
Aujourd’hui, nous nous rapprochons à nouveau de la symbolique de ce récit, puisque nous entamons une nouvelle année, une année qui, elle aussi, contient son lot de rêves et de désirs collectifs, nés dans des “étables”, exprimés par les pauvres et les exclus, nourris par les espoirs et les revendications de justice
En Argentine, nous commençons l’année en donnant quelque chose que personne ne réclamait ni n’attendait: le remboursement total de la dette au Fonds monétaire international. Et nous arrivons avant les Rois mages sans pour autant être des leurs, en ce premier jour ouvrable aux Etats-Unis, pays siège du FMI! Nous payons nos dettes avec les réserves financières du peuple, les réserves amassées par la Banque Centrale.
“Et ceux qui virent l’étoile ouvrirent le chemin sur lequel nous marchons aujourd’hui ”
De nos jours encore, celles et ceux qui désirent suivre le chemin de la vérité qui offre une autre alternative, celle d’une vie digne et juste, doivent faire preuve de sagesse et d’engagement face aux événements auxquels ils sont confrontés.
En tant qu’Eglise Evangélique Méthodiste argentine, nous souhaitons exprimer notre préoccupation à l’égard de cette décision gouvernementale qui, en ce temps de l’Epiphanie, a surpris le peuple argentin. Notre rôle n’est pas d’évaluer les avantages économiques, ni d’analyser les bénéfices politiques ou l’importance de l’opinion internationale ou encore la nécessité d’accroître notre crédibilité aux yeux de l’extérieur, mais d’exprimer notre souci de constater que chaque fois que l’on fait primer les intérêts des nantis sur ceux du peuple, nous avons l’impression de nous retrouver au carrefour devant lequel se sont arrêtés les mages, tentés par la proposition d’Hérode.
“Et ceux qui virent l’étoile ouvrirent le chemin sur lequel nous marchons aujourd’hui”
Comme la Parole de Dieu nous l’enseigne, nous prions pour nos autorités, tout en souhaitant leur rappeler que ceux qui gouvernent et dirigent les nations doivent considérer les intérêts de leur peuple comme un facteur prioritaire dans leurs prises de décisions; dans le même temps, nous aimerions dire à quel point nous sommes préoccupés de voir que chaque fois que l’on fait primer “le regard vers l’extérieur”, notre crainte de nous écarter du chemin menant vers une vie digne s’amplifie.
Et nous nous demandons: quand mettra-t-on la priorité sur l’annulation des dettes internes envers
* les peuples aborigènes,
* les chômeurs et les victimes du sous-emploi,
* le peuple salarié,
* les secteurs de l’éducation, de la santé, du logement et de la justice,
* les enfants, les jeunes et les personnes âgées,
* la sécurité au travail et la sécurité sociale?
Joignant nos voix à celles de tant de familles marginalisées, nous nous demandons aussi: comment ceux qui nous dirigent aujourd’hui ont-ils interprété les signes de l’histoire? Quelle étoile ont-ils suivie? Où vont-ils et où nous conduisent-ils?
“Et ceux qui virent l’étoile ouvrirent le chemin sur lequel nous marchons aujourd’hui:”
En tant qu’Eglise Evangélique Méthodiste argentine, nous souhaitons exprimer notre désir sincère de marcher sur un chemin de construction communautaire, où l’on célèbre les événements qui nous confèrent de la dignité, qui nous rendent plus humains, qui nourrissent les espoirs d’un monde différent. Mais en même temps, il nous est impossible de ne pas mentionner les peurs suscitées par des décisions qui mettent en péril la possibilité-même de cette construction.
Aussi réaffirmons-nous en ces instants la promesse faite par le psalmiste:
“La bonté et la fidélité se rencontrent;
La justice et la paix s’embrassent.
La fidélité germe de la terre…”
Psaume 85.11,12a
Il est possible de la vivre dès aujourd’hui, parce qu’il est possible de transformer les rêves et les espoirs en réalité.
Pasteure Nelly Ritchie
Evêque de l’Eglise Evangélique Méthodiste Argentine
* Traduction libre du poème “Ceux qui virent l’étoile” de Julia Esquivel (poète guatémaltèque)
Buenos Aires, veille du jour des Rois 2006
Source: EEMNI