Afrique: la pandémie du SIDA fait toujours plus de ravages

Terribles statistiques


Pour la première fois dans l'histoire de l'épidémie du sida, une personne sur deux vivant avec le VIH dans le monde est une femme, ce qui signifie aussi que davantage de nouveau-nés risquent d'être contaminés. 42 millions d'êtres humains sont infectés par le VIH sur la planète. 5 millions ont été infectés en 2002, dont plus de 3 millions en Afrique, au moins un million dans la région Asie-Pacifique et 250'000 en Europe de l'Est et en Asie centrale. Dans cette dernière région, le partage des seringues parmi les consommateurs de drogue est la principale cause de l'épidémie. En Afrique sub-saharienne, l'épidémie contribue à la baisse de la production agricole et à donc à la famine. Quant au continent asiatique, c'est une "bombe à retardement" selon le rapport d'ONUSIDA. Au total, 7,2 millions de personnes sont touchées par le virus dans la zone Asie-Pacifique, soit une augmentation de 10% en un an. En Chine, un million de personnes seraient infectées, mais ce chiffre pourrait atteindre 10 millions en 10 ans si rien n'est fait pour lutter contre ce fléau. En Indonésie, la pratique récente de l'injection de drogue a provoqué une brusque augmentation de l'épidémie. 


L'Afrique sub-saharienne se meurt, en partie, à cause d'un tabou culturel


Les traditions culturelles et religieuses locales font qu'il est quasiment impossible de parler aux gens de l'épidémie de HIV/SIDA, parce que c'est un sujet étroitement associé au comportement sexuel. On évalue le nombre de ceux qui vivent avec le HIV/SIDA en Afrique sub-saharienne à 28 millions de personnes; de nouveaux cas surgissent, le taux de progression de la maladie est alarmant.


"Les gens ne meurent plus par ignorance (des causes de la maladie). Nous travaillons maintenant au changement de comportement," explique Tabitha Manyinyiri, infirmière auprès de l'Université Africaine évangélique méthodiste de Mutare, Zimbabwe.


L'ironie de l'histoire, c'est que l'Université Africaine s'acharne à former de futurs responsables et que dans le même temps beaucoup d'étudiants sont morts ou mourront de la maladie avant le terme de leurs études, déclare Manyinyiri.


"S'ils meurent cinq ans après la réception d'un diplôme ou même avant qu'ils ne puissent obtenir un diplôme, où sont nos futurs leaders?" demande-t-elle. "Nous avons une maison en feu et nous devons trouver les moyens d'éteindre l'incendie."


Face à cet pandémie, l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) intervient au-delà des murs de ses sanctuaires pour offrir le confort spirituel et matériel aux gens qui, sans cette aide, souffriraient et mourraient sans crier gare. Vu la progression fulgurante du sida, l'éducation et les efforts humanitaires revêtent pour l'Eglise une nouvelle urgence. 


La journée mondiale du SIDA observée le 1er décembre concentrait l'attention du public sur les efforts menés par diverses organisations autour du globe - et sur les terribles besoins à la base de leurs initiatives. La résistance à toute forme d'ostracisme et de discrimination est le thème retenu pour la Journée mondiale du SIDA 2002.


Un sujet tabou


Contrôler la diffusion de la maladie et fournir le réconfort spirituel et matériel aux patients comme à leurs familles constitue un véritable combat et pourrait devenir la plus grande bataille jamais menée de porte en porte, d'une famille à l'autre. 


L'Eglise a mis en place beaucoup d'ateliers pour les jeunes et les adultes ainsi que des programmes de formation pour sensibiliser les pasteurs, et malgré ces efforts elle cherche toujours encore à faire tomber les résistances pour que l'on parle du HIV/SIDA. 


Caroline Njuki, responsable de la Commission pour la Mission et la Diaconie, se rappelle le malaise extrême d'un jeune pasteur évangélique méthodiste dans une Eglise d'un village ougandais où environ 65 % des fidèles étaient des jeunes gens. Njuki, chargée de la question du HIV/SIDA au sein de la Commission, lui a expliqué qu'elle était en charge de ces questions et lui demandait si quelqu'un avait parlé aux jeunes. 


"Si la terre avait pu l'avaler, il aurait été heureux d'être avalé. Il avait l'air vraiment mortifié," dit-elle.


Après le service, il n'avait pas été moins difficile de discuter du HIV/SIDA avec les membres adultes de l'Eglise. Njuki précise que le groupe lui a paru "très mal à l'aise", quand elle leur a donné des informations sur la maladie. "D'habitude j'en dis même plus, .... Cependant, j'ai dû leur faire savoir que si nous ne pouvions pas parler de cela nous étions morts, parce que d'abord nous devons changer ce qui est nécessaire et ce qu'il est possible de changer."


Njuki a aussi laissé des brochures et d'autres informations dans la communauté et indiqué aux membres comment obtenir d'autres documents utiles.


Au cours des deux années passées, la Commission pour la mission et la diaconie a assumé et financé une initiative ambitieuse en matière d'éducation, de santé et de secours concentrée en Afrique, où vivent les deux-tiers des 40 millions de séropositifs au monde. Des Conférences et des Eglises locales aux Etats-Unis comme des étudiants de l'Université Africaine participent à ce projet.


Succès des efforts


La Commission coordonne plusieurs initiatives touchant le HIV/SIDA à travers l'Oeuvre d'entraide et de secours de l'EEM (UMCOR). 250,000 $ sont injectés dans ces initiatives. 


Cet argent a permis de financer des ateliers, l'achat de médicaments, de brochures et de fournir de l'aide aux hôpitaux évangéliques méthodistes, comme à des orphelinats et à des familles prenant en charge des patients atteints par le sida. Bien que la Commission fournisse des ressources et un appui, Cherian Thomas, responsable de l'agence qui surpervise l'initiative de lutte contre le HIV/SIDA, note que le travail réel se fait au niveau local dans des pays comme le Zimbabwe, le Sierra Leone, l'Ouganda et d'autres encore gravement affectés par le fléau.



La situation critique des enfants


Rien qu'au Zimbabwe, on pense qu'au moins un tiers des 11.3 millions d'habitants du pays sont séropositifs. La Commission nationale de lutte contre le SIDA au Zimbabwe estiment que plus de 700,000 orphelins dans le pays ont perdu un parent sinon tous les deux parents décédés suite au sida.


La communauté de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) Inner City dans la capitale de Harare est confrontée aux conséquences humaines de ces statistiques par son ministère auprès des familles et des enfants. La majeure partie de son travail se concentre sur la prise en charge des enfants devenus orphelins à cause du SIDA. 


D'une voix teintée de tristesse, la pasteure Irène Kabete, surintendante au sein de la Conférence orientale du Zimbabwe et pasteure de l'Église Inner City, dit que sa congrégation avait perdu "une grande partie" des membres. "Maintenant, nous avons davantage d'orphelins dans l'Eglise, parce que le père est mort et ensuite en quelques années la mère est aussi morte." 


Environ 40 petits enfants entre 7 et 16 ans viennent aux cultes de l'église chaque dimanche. Les enfants vivent dans des institutions et vont à l'Eglise pendant la semaine. "Nous leur parlons pendant l'heure de déjeuner et nous essayons de les placer dans des maisons. Nous payons les frais d'écolage," dit Kabete.


Tous les dimanches, ajoute-t-elle, quatre ou cinq nouveaux enfants se présentent, qui ont besoin d'aide. "Nous demandons à nos membres de nous aider à trouver des places pour eux à l'école et nous payons les frais d'écolage pour eux. Tous les deux ou trois mois, nous collectons de la nourriture et des habits auprès de nos paroissiens et ensuite nous remettons les vêtements aux gosses." La communauté accueille aussi des gosses de la rue dans son programme alimentaire de soupe populaire trois fois par semaine. 


Environ 3,000 enfants sont retenus dans les orphelinats à travers le Zimbabwe. Les étudiants d'Université Africaine viennent en aide aux orphelins: ils leur apprennent à planter des légumes dans leurs jardins pour avoir des repas équilibrés, leur construisent des logements et enseignent aux jeunes l'autonomie financière en produisant par exemple des légumes destinés à la vente.


Plusieurs autres orphelinats sont construits grâce aux efforts conjugués du mouvement oecuménique, des organisations non gouvernementales et du gouvernement, selon Peter O. Fasan, le consultant sur le HIV/SIDA au sein du conseil au Zimbabwe. Il souligne, cependant, que les institutions "ne sont pas vraiment la meilleure manière de s'occuper de ces enfants." L'idéal serait selon ce responsable que tous les enfants soient pris en charge par des parents et des amis dans leurs villages ou fermes d'origine. 



'De la manne tombée du ciel'


Parmi les ressources matérielles offertes aux malades du sida, qui ont un effet immédiat, figurent les kits fournis par l'UMCOR. Des communautés locales aux Etats-Unis ont fait don de ces kits, complétés par des médicaments fournis par l'Aide Médicale interecclésiale (Interchurch Medical Assistance). Ces kits comprennent des draps propres, des gants en caoutchouc et d'autres articles nécessaires pour soigner les patients et empêcher le personnel soignant de contracter la maladie. (Pour plus d'informations, prière de se reporter à http://gbgm-umc.org/health/hfk/kit.stm.)


L'Aide Médicale interecclésiale a expédié 250 kits au Sierra Leone et une quarantaine au Zimbabwe - une goutte d'eau pour faire barrage au raz-de-marée de la pandémie, mais un don inestimable pour le personnel soignant volontaire. Fasan rapporte les propos d'un bénévole "ravi" comparant les kits "à la manne tombée du ciel."


Thomas annonce que de 135 à 140 autres kits sont stockés dans la réserve de l'Aide Médicale interecclésiale prêts à être expédiés. Le docteur presse les communautés locales de financer d'autres kits encore.


Le continent africain continue de payer un tribut très lourd à cette épidémie, où l'on n'a pratiquement pas la possibilité d'accéder à de nouveaux médicaments pour combattre le virus. Un minimum de secours est disponible grâce aux efforts combinés des organisations non gouvernementales, des organisations oecuméniques et des gouvernements. 


"Beaucoup de patients sont en phase terminale," dit Fasan. "La mort est inévitable. Mais on a le sentiment général que les soins donnés aux patients leur permet de mourir dans la dignité et de prendre conscience que l'Eglise se soucie d'eux."


Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)