Etats Unis, Washington: la peine capitale pour ceux qui n'ont pas de capitaux, déclare Lowery

Lors d'un débat mené le 5 juin à Washington, Joseph Lowery, activiste des droits civiques et pasteur évangélique méthodiste, a adopté une position sans équivoque contre la peine capitale.


"Nous ne pouvons défendre la vie en détruisant la vie", a-t-il déclaré au cours d'une discussion organisée dans le cadre des Réflexions religieuses sur la peine de mort, mises sur pied par le forum Assises des églises sur la religion et la vie publique. "Nous avons besoin d'une pause dans cette atroce barbarie", a-t-il affirmé.


Le cofondateur et président d'honneur de la Conférence des dirigeants chrétiens du sud, également président du Forum des dirigeants noirs, a relevé que le lieu, la race, l'absence d'équité et l'iniquité sont trop souvent les facteurs qui déterminent qui est condamné à mort. Il a affirmé que 8 personnes sur 10 exécutées dans le sud sont membres de groupes minoritaires. En Géorgie, où vit Lowery, les Afro-Américains représentent 15 % de la population et 50 % de ceux qui peuplent les couloirs de la mort dans les prisons de l'état.


Les pauvres sont "vigoureusement poursuivis et pauvrement défendus", a dit Lowery.


"La peine capitale est pour les gens qui n'ont pas de capital", a-t-il souligné.


"Quelle ironie que le Bible Belt (la région de la Bible) soit aussi le Killing Belt (la région où l'on tue)", a-t-il ajouté. "Nous avons perdu le sens du respect pour la vie". La communauté religieuse est placée devant le défi de restaurer le respect pour la vie, a-t-il insisté. "Vous ne protégez pas la société en faisant des tueurs de nous tous", ce qui est exactement ce qui arrive lors d'exécutions capitales, a-t-il encore observé.


Selon Lowery, la société est déjà en voie d'effondrement lorsque des enfants tuent d'autres élèves et des professeurs avec des armes automatiques.


Dans son introduction, le modérateur du débat, E.J. Dionne jr., coprésident du forum Assises des Eglises sur la religion et la vie publique, a remarqué qu'il n'y a pas de consensus religieux en matière de peine capitale et qu'à l'intérieur de chaque organisation religieuse, il y a des gens qui sont en désaccord avec la position de leur organisation à ce sujet. 


John L. Carr, directeur du département pour le développement social et la paix mondiale de la Conférence des évêques catholiques des USA, a signalé que les responsables de l'Eglise Catholique ont demandé un moratoire en matière de peine capitale. Les évêques s'opposent à la peine de mort "à cause de ce qu'elle fait au reste d'entre nous" en perpétuant le cycle de la violence, a-t-il expliqué.


Carr a noté que le pape a demandé une prise de position sans équivoque en faveur de la vie, ce qui implique d'abolir la peine de mort et l'avortement. Il a ajouté que les évêques ont demandé la fin de la peine de mort.


Selon Nathan J. Diament, directeur des affaires publiques de l'Union des congrégations juives orthodoxes en Amérique, le judaïsme orthodoxe est en faveur d'un moratoire, mais non pas de l'abolition de la peine de mort.


"Traditionnellement, les baptistes ont appuyé la peine capitale", une position qui a été réaffirmée l'an passé par la Convention des baptistes du sud, a indiqué Barrett I. Duke jr., vice-président pour la recherche et directeur de l'Institut de recherche de la Commission sur l'éthique et les libertés religieuses, qui est l'agence de la Convention pour les questions sociales et morales.


Duke a déclaré que pour les baptistes, la peine capitale est "une solution biblique" au meurtre. Il a ajouté que cette peine devait être appliquée avec justice et que tout devait être entrepris pour éliminer les inégalités raciales et économiques. Il a en outre expliqué que les baptistes du sud croient que tous les êtres humains sont conçus avec le droit à la vie, "mais certains ont renoncé à ce droit". Cette Eglise n'a pas pris position sur la question d'un moratoire. 


"La peine de mort appelle la vengeance", a affirmé Lowery. En l'imposant, l'Etat donne un mauvais exemple. Il a cité une étude de l'Université de Columbia qui conclut que deux cas de peine capitale sur trois sont sérieusement entachés d'erreurs.


Les Etats qui connaissent la peine de mort ont souvent des taux d'homicides plus élevés, a plaidé Lowery. Il a dit que les Etats-Unis remplissent et privatisent leurs prisons au point que ce secteur économique atteint un taux d'occupation élevé et enregistre des profits.


Carr a rappelé que l'Eglise catholique a modifié son catéchisme, qui dit désormais que l'Etat a développé d'autres façons de protéger la société et que la peine capitale n'a dès lors plus de raison d'être. L'incarcération est un exemple d'une telle alternative. Il a appelé à une "révolution morale".


Il a fait remarquer que les seules personnes à être plus en faveur de la peine capitale que le public américain sont les politiciens Américains. 


Lowery s'est déclaré d'accord au sujet des politiciens qui sont très pro-peine de mort pour gagner des élections, et il a instamment demandé aux Eglises "de s'en occuper".


6 juin 2001


Source: umns