COE: pour un oecuménisme plus spirituel, titre la Croix

Le COE a adopté un changement dans sa constitution qui introduit des critères théologiques pour les futures Églises membres. Le journal la Croix, dans son édition du 23 février 2006, revient sur cette évolution du COE dans un article signé Nicolas SENEZE.


Cette vision, plutôt portée par les Églises du courant évangélique, aura été particulièrement flagrante de par l’importance que l’assemblée aura apportée aux témoignages personnels. Jusqu’à donner lieu parfois, sur la scène des séances plénières, à de véritables shows quasi télévangéliques. « Ce qui me marque, c’est le manque de fond théologique, regrette le théologien orthodoxe américain Paul Meyendorff. Il y a eu des choses parfois émouvantes, mais rien qui reflète le travail théologique des dernières années… » 


La remarque rejoint celle du réformé Jean-François Zorn, professeur de théologie à Montpellier et historien du mouvement œcuménique, qui va jusqu’à se demander si le Conseil œcuménique n’a pas « renoncé à communiquer de manière générale et frontale. Le COE ne participe-t-il pas ainsi de la fin des grands récits qui affecte tant les organisations porteuses d’un message ? », s’interroge-t-il.


Les futures Eglises membres devront répondre à des critères précis


Répondant à une demande insistante des orthodoxes, l’assemblée de Porto Alegre a pourtant adopté un changement majeur dans la constitution du COE en adoptant un certain nombre de critères théologiques relativement précis pour l’admission de futures Églises membres. « Dans sa vie et son témoignage, l’Église professe la foi dans le Dieu trinitaire selon les Écritures, et telle que cette foi est reflétée dans le Symbole de Nicée-Constantinople », souligne le premier critère, marquant ainsi la nécessité d’une base de foi commune à tous les membres du Conseil. 


Les autres critères soulignent « l’existence d’un ministère de proclamation de l’Évangile et de célébration des sacrements », « la nécessité d’aller vers la reconnaissance du baptême » de tous par tous, la reconnaissance « de la présence et de l’activité du Christ et du Saint-Esprit » chez les autres Églises ainsi que celle d’« éléments de la véritable Église, même si elle ne les considère pas comme des Églises dans le sens plein et vrai du terme ». Mais cette base théologique commune suffira-t-elle à surmonter les divergences de plus en plus profondes entre, notamment, les orthodoxes et tout un pan du protestantisme de plus en plus libéral ?


Pour tenter d’aller au-delà des divisions, cette 8e assemblée de Porto Alegre a demandé au COE et à ses Églises membres de développer un œcuménisme plus spirituel : « Dans la période à venir, il est proposé d’accorder toute notre attention à l’unité, à la spiritualité et à la mission, tant sur le plan théologique que sur le plan pratique. Cet accent permettra d’approfondir la communauté fraternelle des Églises membres du COE»


L’assemblée a particulièrement soutenu le « rêve » exprimé par son président Aram Ier de parvenir à une date commune des chrétiens pour les fêtes de Pâques et de Noël. « L’Église catholique est heureuse de voir ce renforcement du spirituel, se félicite Mgr Brian Farrell, secrétaire du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, qui dirigeait la délégation des observateurs catholiques. Cela souligne un nouveau réalisme du COE, qui reconnaît aussi qu’il ne peut pas prendre sur lui tout l’engagement œcuménique».


"En faire moins, mais le faire bien"


Porto Alegre aura marqué, en effet, la nécessité pour le COE de « se recentrer sur ce qu’il est le seul à pouvoir faire en tant que communauté mondiale d’Églises pour guider l’ensemble du mouvement œcuménique ». Comme le disait le pasteur Samuel Kobia, qui animait sa première assemblée comme secrétaire général du COE, il s’agit d’« en faire moins, mais le faire bien ». Face à la diminution de ses ressources, le Conseil doit définir des priorités. « Je me félicite de voir l’insistance que le COE met sur la centralité de la théologie comme base du mouvement œcuménique », note Mgr Farrell, pour qui « c’est le signe que notre collaboration deviendra plus substantielle et plus effective ».


Cette 9e assemblée aura donc conclu que spiritualité et théologie doivent permettre au mouvement œcuménique de jeter les bases d’une « parole forte, crédible, éthique, tout en rendant un témoignage prophétique face au monde ». Renforçant l’engagement du COE en faveur de la paix, elle a aussi clairement affirmé la nécessité pour le Conseil de s’investir dans le domaine interreligieux. Reste le problème des questions éthiques, sur lesquelles il sera difficile aux ailes libérale et orthodoxe du COE de trouver un véritable consensus.


«Transforme le monde, Dieu, dans ta grâce » : tel a été pendant dix jours le thème de la 9e assemblée du Conseil œcuménique des Églises (COE), qui s’est achevée jeudi 23 février à Porto Alegre (Brésil). Et dans la ville du Forum social mondial, ce thème de la transformation s’est surtout exprimé en thème de justice. « Un autre monde est possible », a-t-on souvent entendu dans les couloirs de l’assemblée, reprenant le slogan altermondialiste. « Les Églises doivent aller de la mission axée sur la charité à la mission axée sur la justice », insistait la méthodiste coréenne Namsoon Kang, prenant à contre-pied la vision plus «laïque» d’Églises occidentales qui travaillent dans des contextes de sécularisation. « Ici, on est clairement dans une optique de chrétienté », reconnaît un théologien protestant.


23-02-2006

Source: La Croix