CNEF: Liberté d'expression, oui! Mais quid de l'égalité et de la fraternité ?


Au moment où Reporters sans frontières demande aux responsables religieux de signer sa « Proclamation sur la liberté d’expression », le CNEF veut rappeler son engagement en faveur de cette liberté. Et aussi expliquer pourquoi il ne signera pas cette proclamation.

Le Conseil national des évangéliques de France est viscéralement attaché à la liberté de conscience et d’expression. Il dénonce avec la plus grande fermeté tout recours à la violence ou à l’exercice de pression pour obliger quiconque à faire taire un point de vue différent du sien. Il n’a d’ailleurs pas attendu les attentats de janvier dernier pour lancer, dès juin 2014, une campagne en faveur de la liberté d’expression intitulée « Libre de le dire »1.

Si le CNEF ne souhaite pas signer la « Proclamation sur la liberté d’expression » proposée par RSF, c’est d’abord parce qu’elle manque à l’ÉGALITÉ de la devise républicaine. Pourquoi défendre seulement le « droit au blasphème » (pudiquement nommé « critiques irrévérencieuses » dans le texte à signer) et ne rien dire du droit des croyants à témoigner publiquement de leur foi ? Parce qu’en la matière, il y a aussi de quoi être préoccupé.

« les auteurs en ont oublié la notion de respect »

En France, alors que règne un climat de peur à l’égard des religions qui favorise les amalgames, il n’est pas rare d’entendre des dirigeants politiques dire qu’il faudrait aseptiser la sphère publique de toute parole et de tout signe religieux.

Dans de nombreux pays la liberté d’expression est contestée aux chrétiens, parfois victimes de persécutions violentes. Curieusement, peu de médias semblent prêts à défendre avec une égale énergie le droit pour les croyants de partager leur foi dans la sphère publique et d’inviter les personnes qui le souhaitent à changer de religion. Il convient de s’interroger si l’on ne promeut pas finalement une conception inégalitaire de la liberté d’expression. Entière pour ceux qui veulent caricaturer de façon offensante, limitée pour ceux qui veulent partager honnêtement leurs convictions !

Si le CNEF ne souhaite pas signer la « Proclamation sur la liberté d’expression » proposée par RSF, c’est aussi parce qu’elle ne fait pas droit à une dimension sans laquelle aucune société ne peut survivre, la FRATERNITÉ.

Tout à leur préoccupation d’une liberté de pouvoir tout dire, les auteurs en ont oublié la notion de respect. « La liberté d’information et d’expression, celle des journalistes comme des citoyens, ne saurait être contrainte ou limitée par... les sensibilités des uns ou des autres », écrivent-ils. Est-ce à dire que la caricature, l’invective ou le mépris sont les meilleurs garants de la liberté d’expression ? Nous ne le croyons pas. Le débat d’idées, pour exister, n’a nul besoin de passer par l’offense volontaire. Et la liberté d’expression, par le déni de fraternité.

Au moment où les tensions, les incompréhensions et les haines mettent à mal notre société, il faut éviter de se laisser guider par les seules émotions et oser dire que la liberté d’expression ne prospérera pas sans faire droit à l’égalité et à la fraternité.

libredeledire.fr/

16 février 2015

CNEF