Suisse/France: le protestantisme réagit à la publication de l'Encyclique au sujet de l'Eucharistie)

Suisse


Le Conseil de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) a pris connaissance de l'encyclique «Ecclesia de Eucharistia», publiée par le Pape Jean-Paul II le jeudi saint 2003. Il salue le souci du Pape de clarifier de manière à la fois personnelle, déterminée et contraignante les questions fondamentales de l'Eucharistie et de l'être de l'Eglise mais regrette que la lettre du Pape accentue la position catholique romaine de manière unilatérale et ne montre guère d'ouverture vers une unité plus profonde des chrétiens. Le Conseil ne peut se déclarer d'accord avec l'affirmation centrale de l'encyclique selon laquelle seule l'Eucharistie célébrée par un prêtre ordonné par l'Eglise catholique romaine est authentique. Il rappelle le fondement de la conception protestante de la sainte Cène et de l'Eglise: c'est Jésus-Christ lui même, le chef de l'Eglise, qui invite à son repas. Son invitation est plus importante que les différences confessionnelles. Lors de la cène, le Christ ressuscité est présent. La promesse de sa présence est valable là où des hommes et des femmes sont réunis en son nom pour le louer, rompre le pain et demander son Esprit Saint. La présence de Jésus-Christ n'est pas liée exclusivement au sacrement. Le crucifié ressuscité est présent dans sa Parole comme dans le Sacrement. L'Eglise de Jésus-Christ dépasse toujours les frontières d'une confession particulière. Les Eglises issues de la Réforme sont membres du corps du Christ au même titre que leurs Eglises soeurs. () 


France


En France, les réactions ne se sont pas faites attendre.

Geoffroy de Turckheim, président de la commission œcuménique de la Fédération Protestante de France (FPF), pense qu'avec ce document "nous sommes ici en présence d'"une vision "chosiste" de la présence réelle dans l'eucharistie", qui ne sont pas sans rapport avec mes conclusions du concile de Trente.


Gill Daudé, responsable du service des relations œcuméniques à la Fédération Protestante, regrette l'accent mis par l'Encyclique sur la dimension sacrificielle de l'eucharistie et l'insistance sur le pouvoir du prêtre au détriment du caractère ministériel et servant du sacerdoce. On y cite "ce "pouvoir" à l'exclusion de l'autre mission presbytérale qu'est l'annonce de la Parole de Dieu, citée en premier au concile. La centralité catholique de l'Eucharistie éclipse la prédication. Le protestant aurait aimé que l'annonce de la Parole soit plus équilibrée entre prédication (homélie) et sacrement, ce qui ne serait pas contre la tradition romaine. On peut en dire autant de la participation de l'assemblée : non mentionnée, comme si le sens de l'Eucharistie était complet sans la présence du peuple de Dieu célébrant, comme si le prêtre célébrant tout seul était dans la communion invisible avec l'Eglise. Cela ne nous semble pas être la logique même de Vatican II."


Gill Daudé ne s'étonne pas outre mesure de voir l'Eglise Catholique romaine réaffirmer sa forme d'eccliologie, mais il désire seulement "que les différences ne soient plus séparatrices. C'est ce que nous n'avons pas terminé de vérifier pour aller vers une reconnaissance mutuelle dans le respect de la diversité".


Tout le document donne à penser que Rome entend mettre un terme aux expériences d'intercommunion entre catholiques et protestants. Selon Geoffroy de Turckheim, la notion d'hospitalité eucharistique "est absente du texte qui renvoie au droit canon. Cela consacre la non-prise en compte de cette notion très française d'hospitalité eucharistique, propre pourtant à concrétiser l'idée d'intercommunion. Déjà Walter Kasper, membre de la commission pontificale pour la promotion de l'unité des chrétiens, avait émis ses réserves concernant cette pratique œcuménique. Cela confirme l'idée qu'elle était mal vue par Rome. La conséquence en est l'exclusion, de toute perspective dans cette direction à long terme".


Cette crispation doctrinale entamera-elle la volonté de rapprochement des chrétiens de confessions différentes sur le terrain? Est-elle seulement compatible avec la fidélité que l'Eglise doit à l'Evangile?


08.05.2003


Source: EEMNI/ProtestInfo/nml/Réforme