Par Henrik Lindell
Un document historique cosigné par des représentants de l’Église catholique, du Conseil œcuménique et de l’Alliance évangélique recommande des règles éthiques pour la mission.
La plupart des Églises mettent en avant le devoir évangélique de témoigner et de proclamer la Parole de Dieu. Mais, à l’évidence, elles n’ont pas les mêmes pratiques, notamment en matière d’évangélisation.
Des campagnes d’annonce de la foi parfois perçues comme offensantes, par exemple dans des pays majoritairement musulmans, ainsi que le manque de respect des différences culturelles risquent souvent de conduire à des contre-témoignages. Y a-t-il des règles communes entre chrétiens ?
Pour la première fois, un document représentatif des grands courants du christianisme tente d’y répondre. Intitulé « Témoignage chrétien dans un monde multireligieux : recommandations pour un code de conduite », il a été élaboré et signé par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (PCDI), le Conseil œcuménique des Églises (COE) et l’Alliance évangélique mondiale.
Y ont participé le cardinal Jean-Louis Tauran pour le PCDI, Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE et Geoff Tunnicliffe, son homologue pour les évangéliques.
Lors de sa présentation à Genève le 28 juin, il a été promu comme un « texte historique ». Ce serait la première fois depuis la Réforme au XVIe siècle que des chrétiens adoptent un document conjoint dont l’objectif est de faire des recommandations à tous leurs membres. Théoriquement, les trois organisations signataires représentent 90 % des chrétiens dans le monde.
BIEN COMMUN
Que dit-il ? Tout en insistant sur le caractère essentiel de la proclamation de la Parole et du témoignage « pour chaque chrétien », il exhorte à une meilleure compréhension des « principes de l’Évangile », dont le respect et l’amour pour chaque être humain, quelle que soit sa religion et sa croyance.
Les chrétiens sont invités à mieux comprendre les croyances et les pratiques qui ne sont pas les leurs (Principe 10). Parmi les recommandations, on lit ceci : « Les chrétiens doivent éviter de présenter sous un faux jour les croyances et les pratiques de personnes d’autres religions. » (Recommandation 3). Est également soulignée la nécessité d’œuvrer pour la liberté religieuse et le bien commun.
De nombreux commentateurs ont mis en avant la dénonciation du prosélytisme. En réalité, ce terme ne figure pas dans le texte. On ne trouve même pas le mot « évangélisation ». En lisant le texte, on comprend que ce qui pose problème aux yeux des auteurs, ce n’est pas l’annonce de la foi, ni le témoignage du Christ, mais tout acte ou expression qui risque de semer le trouble dans les relations humaines.
Il a fallu cinq ans pour élaborer ce document. L’exercice est très délicat en soi. Les catholiques, les luthéro-réformés, les orthodoxes et les évangéliques charismatiques n’ont guère l’habitude de travailler ensemble, en particulier sur la question du témoignage chrétien.
INTERRELIGIEUX
Mais le plus « politique », c’est le fait que les auteurs expliquent qu’ils ont travaillé dans un « esprit de coopération œcuménique ». Ils mentionnent plusieurs fois leur souhait de s’engager dans le dialogue interreligieux. Ils recommandent même de « s’engager dans le plaidoyer interreligieux » afin de promouvoir la justice et le bien commun.
Tout cela peut paraître banal, mais du côté catholique et surtout chez les évangéliques, la reconnaissance d’autres religions, ou même d’autres christianismes, ne va pas toujours de soi.
Comme l’a souligné le secrétaire général de l’Alliance évangélique, Geoff Tunnicliffe, ce document est pour cette raison-là « une réalisation majeure ». Les Églises membres des différentes organisations sont maintenant invitées à ériger leurs propres règles en fonction de ce code de conduite général.
7 juillet 2011
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TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN