Suisse: prévenir le suicide, une priorité nationale

Les Eglises organisent le premier Congrès national sur le suicide. Elles lancent le débat sur un sujet encore trop largement tabou.


Environ 600 spécialistes, -psychiatres, spécialistes de l’éthique ou encore aumôniers- ont pris part au premier Congrès national interdisciplinaire sur un thème de société d'une actualité brûlante: le suicide. Cette mobilisation nationale - la première du genre - est une réponse à ce qui est devenu un véritable problème de santé publique: chaque année dans notre pays, entre 1200 et 1500 personnes mettent fin à leurs jours, soit plus de décès dus au suicide qu'aux accidents de la route, soit encore quatre personnes par jour en moyenne se suicident en Suisse. Si l'on compare les statistiques internationales, la Suisse est en tête de liste pour le suicide. Dans notre pays,. Il y a donc urgence à agir. 


«Les Eglises sont très touchées par ce phénomène», explique à Swissinfo Andreas Stauffer, porte-parole de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse. 


Par exemple, souligne-t-il, «nos aumôniers sont toujours plus souvent confrontés à des personnes qui ont violemment perdu un proche et qu’il faut accompagner»


La démarche est d'autant plus compliquée que la question est taboue. Et les Eglises aussi ont leur part de responsabilité dans le fait que le suicide est un tabou. Longtemps par exemple, les suicidés n'ont pas eu droit à un enterrement religieux. Aujourd'hui pourtant, c'est la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), avec la collaboration de l'Institut d'éthique sociale (IES) et de la Conférence de Diaconie de la FEPS et la participation de Caritas Suisse, qui a convoqué ce premier Congrès sur le suicide, signe que les choses évoluent petit à petit: d'énormes progrès ont même été réalisés ces dernières années de l'avis même des spécialistes.


Une pétition pour prévenir le suicide et... agir!


Une pétition a été rédigée lors de ce Congrès: on y demande une aide et une réflexion concertée - des mesures doivent être prises au niveau de la politique, de la formation et de la recherche.


Les Eglises, par leurs activités d'assistance spirituelle, se trouvent dans une situation inconfortable et ont donc réagi. Rassembler des spécialistes de différentes disciplines permettrait une présentation des efforts actuellement entrepris. Au-delà de cette présentation, des exigences claires se sont manifestées au sein du Congrès. 


Pétition au Conseil national et au Conseil fédéral


En signant cette pétition adressée aux Chambres fédérales et au Conseil fédéral les nombreux spécialistes signataires veulent rendre attentif à un problème qui soulève de nombreuses questions. Des questions auxquelles on ne peut pas répondre tout de suite et de façon satisfaisante. Que se passe-t-il dans notre société, pour qu'il y ait un taux de suicide aussi élevé? Quels motifs font que les gens en arrivent à se trouver dans un tel isolement? La pétition demande aux responsables politiques de considérer sérieusement la prévention au suicide et d'être plus actifs dans le domaine de la formation et de la recherche. Pour les signataires de la pétition, il est particulièrement important - comme on l'a vu au Congrès - que les forces de toutes les régions travaillent en partenariat, car on ne peut aborder ce phénomène de manière nuancée qu'en étroite collaboration dans l'optique d'une prévention adéquate - développer des mesures d'accompagnement et de suivi. 


Les premiers signataires sont des pasteurs : Ebo Aebischer, Michael Dähler, Pascal Mösli et Hans-Balz Peter. D'autres signatures suivent, comme celles du professeur de philosophie Hans Saner, le Conseiller national Félix Gutzwiller, le professeur de médecine Pierre-André Michaud, le professeur Konrad Michel et le docteur Maja Perret-Catipovic . 


Concrétiser la réflexion


Une des exigences exprimées lors du Congrès, c'est que la police, en cas de suicide fasse intervenir le plus tôt possible une assistance spirituelle, afin d'apporter le soutien nécessaire à la famille confrontée à cette situation de crise. Le Congrès suicide veut être un détonateur. Le 26 juin prochain déjà, les actes de ce Congrès seront évalués lors d'une consultation avec les facultés de théologie des deux confessions et les professeurs concernés. Il s'agit de repenser la formation théologique sous cet angle-là, et de prévoir une formation continue dans ce domaine. Enfin, une institution bénéficiant d'un large soutien sera créée pour la prévention du suicide et la recherche: un groupe de spécialistes s'est constitué en groupe de travail interdisciplinaire dans cet objectif. 


7 mai 2002 Kursaal Berne

Source: EEMNI/SEK · FEPS/SWISSINFO