ÉTATS-UNIS : les Méthodistes prennent la défense des opposants à la guerre

Au milieu d’une ville américaine entourée de bases militaires, une congrégation évangélique méthodiste ouvre largement ses portes au personnel militaire qui mettrait en doute la légitimité de la guerre en Irak — écrit Paul Jeffrey.


Le comité directeur de la Première Église Évangélique Méthodiste de Tacoma a décidé par un vote unanime le 11 juin 2006 de déclarer l’église comme "un sanctuaire" pour les membres des forces armées qui auraient des scrupules moraux à participer à des activités militaires allant contre leur conscience.


"Il est important de créer l’espace permettant aux gens de retrouver leur boussole morale," a dit Marie Lynn, responsable laïque de la congrégation.


"Nous demandons beaucoup à nos soldats et on nous dit de soutenir nos troupes, mais prenons-nous vraiment au sérieux les difficultés morales qu’ils peuvent rencontrer dans l’exercice de leur fonction ? Il est complètement logique pour l’Église de créer un espace calme et positif permettant aux gens de faire la part des choses," a-t-elle dit à l’Agence de presse évangélique méthodiste (UMNS).


Selon le pasteur de la congrégation, le pasteur Monty Smith, les bénévoles commenceront bientôt à distribuer sur les bases voisines des prospectus comprenant le numéro de téléphone d’une ligne ouverte 24 heures sur 24 que des soldats en pleine crise ainsi que leurs familles peuvent appeler.


La congrégation travaille avec des groupes de vétérans pour avoir des conseillers disponibles à toute heure et est prête héberger le personnel militaire au sous-sol de l’église pour de courtes périodes de temps.


Smith, un ancien officier militaire, a dit que la décision de la congrégation ne devait pas être interprétée comme une initiative anti-militariste. "Jamais, je ne discréditerai personnellement l’uniforme militaire ou ceux qui le portent, ni cette église, et il faut savoir que notre communauté compte un grand nombre de militaires. C’est la meilleure manière pour nous de soutenir nos troupes," a-t-il dit.


Dans la résolution établissant la congrégation comme "une église sanctuaire," le comité directeur de la communauté a déclaré que le sanctuaire était "un lieu rendu saint par l’action sanctifiante de Dieu, au milieu du peuple de Dieu — un acte d’obéissance au mandat de l’Évangile de Jésus Christ."


Le comité a promis "la protection, la défense et l’appui à ceux qui, après un examen de conscience individuel, ne sont pas en mesure de participer aux forces armées des ÉTATS-UNIS ni d’assumer leur devoir de combattants en Irak et en Afghanistan."


La résolution a aussi noté que la congrégation "ne pouvait évidemment ni prendre des décisions à la place des individus, ni les protéger des conséquences légales de leurs décisions — mais nous nous engageons à apporter notre appui, notre conseil et notre amour à tout homme qui refuse en âme et conscience et par des moyens non-violents de participer à la guerre."


Lors d’une récente conférence de presse où la décision du comité était rendue publique, Smith a dit que l’église ne retiendrait pas dans ses murs les opposants, au cas où les militaires ou la police interviendraient.


"Nous ne violons pas la loi dans cet espace," a-t-il expliqué. "Nous soutenons les gens dans leur examen de conscience et nous cherchons à les aider dans leur démarche de réflexion et de discussion. Mais si nous sommes informés par des autorités militaires ou civiles que nous avons quelqu’un dans notre bâtiment pour qui elles ont un mandat, nous devons nécessairement tenir compte du mandat. Nous ferions entrer la police."


Les responsables d’église ont reconnu qu’ils étaient prudents. "Nous avons recherché les conseils juridiques, mais il n’y a pas vraiment de précédent dans ce domaine et nous ne voulons pas faire de fautes en empruntant cette voie," a dit Smith.


Le pasteur a aussi reconnu que tous les membres de sa congrégation ne soutenaient pas le mouvement. "Les méthodistes sont comme des chats dans un sac. Mettez-en 20 dans une pièce et vous obtenez 50 avis," a-t-il dit. "Mais cela fait partie du charme de ce lieu. Nous ne sommes pas tous du même avis, mais nous continuerons à avoir cette discussion entre nous et avec la ville."


Le responsable religieux qui supervise des collègues étrangers dans le secteur a dit qu’elle soutenait l’initiative de la congrégation.


"Cette action est compatible avec notre tradition d’église qui cherche toujours une alternative pacifique à la guerre et soutient l’objection de conscience au service militaire," a noté la pasteure Elaine Stanovsky, surintendante du district de Seattle-Tacoma et porte-parole de la Conférence Annuelle (régionale) du Nord-ouest du Pacifique.


"Nous fournissons des aumôniers dans un grand nombre de lieux, y compris à l’armée, mais l’Église maintient aussi une distance critique vis-à-vis de la politique menée par l’armée et par le gouvernement," a-t-elle dit. "Donc nous soutenons nos églises quand elles conseillent et encouragent des individus dans leur prise de décision, soit de servir dans l’armée, soit de faire objection au service militaire."


Selon le chef de l’agence chargée de l’action sociale basée à Washington, la décision de l’église de Tacoma est une déclaration importante à propos de la guerre en Irak.


"Un bâtiment d’église ou un édifice religieux reconnu comme un sanctuaire pour des opposants à la guerre ou des gens cherchant à échapper à la persécution, c’est une longue histoire et l’initiative de la communauté méthodiste de Tacoma entre dans cette tradition," a dit James E. Winkler, le directeur de la commission Église et Société de l’EEM.


"Je ne sais pas si cela fait vraiment partie d’une tendance, mais comme l’invasion de l’Irak s’enlise d’une année à l’autre, toujours plus de personnes sont malheureuses de la situation," a-t-il ajouté. "La durée de la guerre n’est pas qu’une partie du problème. Le plus grand souci, c’est que les habitants des ÉTATS-UNIS ont été entraînés dans la guerre, parce que leurs responsables élus leur ont donné de fausses raisons. Il est impossible de se battre et de réussir une guerre dans ces circonstances».



21 juin 2006

Source: ekklesia/umns