Commentaire du pasteur Donald E. Messer*
Des chrétiens en grand nombre demandent chaque jour: "que ferait Jésus?"
La pandémie du HIV/SIDA est sans précédent à l'échelle du monde, les Nations Unies ont déclaré la lutte contre le sida comme "la priorité des priorités"; dans ce contexte, les évangéliques méthodistes pourraient non seulement se poser la question: "que ferait Jésus?" mais aussi cette autre question: "que ferait John Wesley?"
Bien sûr, il est impossible de dire ou de décrire ce que le fondateur du Méthodisme ferait face à cette crise sanitaire la plus grave depuis 700 ans, mais nous pouvons tirer quelques indices probants de sa théologie pratique et de sa pratique du ministère sur des questions comme la médecine, la santé, la maladie, la souffrance et la mort.
Les Nations Unies ont demandé aux organisations religieuses de s'impliquer davantage dans la lutte contre le sida, mais jusqu'à présent, les efforts des communautés et des dénominations chrétiennes - à quelques exceptions près- ont été réduits au strict minimum. En plus de 20 ans de pandémie, seules quelques-unes d'entre elles ont consacré des fonds (limités) à l'accompagnement des malades.
Mais il y a plus grave encore, en beaucoup de lieux et à plusieurs reprises, des croyants ont contribué à l'exclusion et à la discrimination des malades du sida, ce qui ajoute à leur souffrance, encourage davantage le silence et, donc, favorise l'expansion du VIRUS mortel du sida.
Les statistiques globales sont accablantes : 40 millions de personnes sont infectées dans le monde entier; 7,000 personnes meurent quotidiennement, 1,600 personnes sont infectées chaque jour. Environ 26 millions de personnes sont déjà mortes. Les conséquences de la pandémie s'annoncent catastrophiques sur le plan démographique, politique et social. Les Nations Unies invitent chaque segment de la société à prêter main forte, elles mentionnent spécifiquement les groupes religieux comme éléments essentiels dans cette lutte contre cette pandémie.
Le chroniqueur conservateur de Newsweek George F. affirmait, il y a plusieurs années, que que le monde avait désespérément besoin d'un nouveau John Wesley, en réalité d'un "grand nombre de Wesley." Réfléchissant sur la crise mondiale du SIDA et à Wesley dans un article publié le 10 janvier 2000, Will écrivait: "Dans l'Angleterre du 18ème siècle, la modernisation et l'urbanisation rapides ont entraîné la désintégration sociale renforcée depuis par une peste chimique, une forme de gin, produit par la nouvelle science de la distillation... . En voyageant à cheval sur plus de 250,000 milles pour prêcher 30,000 sermons à des spectateurs en grande partie illettrés, Wesley a généré une réforme de la culture et des comportements."
L'image que Wesley et ses disciples continuent à véhiculer aux yeux d'un observateur comme George Will, c'est celle d'un peuple compatissant, évangélique se souciant du corps et de l'âme des gens, particulièrement des pauvres, des malades et des marginaux. Nous devons examiner de nouveau notre propre théologie et pratique, notre mission et notre ministère, notre héritage et nos espoirs à la fois spécifiques et dynamiques.
Pour Wesley, la foi et la vie chrétiennes s'inscrivent dans la réalité de la santé et de la maladie, de la vie et de la mort.
Wesley a été à ce point bouleversé par la maladie et la souffrance affectant les pauvres gens en Angleterre, et ce dès avant 1746 qu'il s'est décidé à pratiquer lui-même la médecine. Il a ouvert des dispensaires, où tous les vendredis il diagnostiquait et soignait des patients.
Wesley a cherché à être au top niveau dans sa mission et son ministère et à disposer des connaissances médicales les plus avancées en son temps. En 1747, il a publié Physick Primitif: An Easy and Natural Way of Curing Most Diseases (la Médecine naturelle: une Voie Facile et Naturelle pour soigner la Plupart des Maladies). Wesley a encouragé la distribution de ce livre en même temps que des ouvrages spirituels, déclarant: "si vous aimez l'âme ou le corps des gens, recommandez, partout, la Médecine Naturelle et les petits tracts." Évidemment, les Méthodistes ont pris cette injonction à coeur comme en témoignent les 23 rééditions de ce volume du vivant de Wesley.
Wesley n'aurait pas pu imaginer un continent comme l'Afrique avec potentiellement 40 millions d'orphelins. Son coeur, cependant, a été brisé par la situation critique d'orphelins et de fait, les premiers Méthodistes ont ouvert en 1740 un orphelinat près de Savannah, Ga.
La démarche de Wesley, suivant le modèle de Jésus, allant partout prêcher, enseigner et guérir les malades, a inspiré les Méthodistes au cours des siècles. Pourquoi notre slogan, "le monde est ma paroisse," n'a-t-il pas été traduit dans un programme agressif et compatissant contre le SIDA mondial?
De la vie et du ministère de John Wesley, on peut tirer sept leçons applicables à la crise de la pandémie du SIDA.
D'abord, John Wesley n'était pas un homme à éviter et à stigmatiser les malades. Wesley n'a pas fait de discrimination entre malades, aidant certains et en ignorant d'autres. Dans son sermon, il a défini les malades comme "étant dans un état d'affliction mentale ou physique, bons ou mauvais, craignant Dieu ou non."
Deuxièmement, Wesley a dénoncé l'indifférence et a exigé l'engagement. Il a été épouvanté de constater au sein de sa société l'insouciance des riches pour les affreuses conditions de santé des pauvres. Par ailleurs, Wesley soulignait que la visite et l'accompagnement des malades constituaient l'essentiel de l'Évangile de Jésus Christ. Dans son sermon célèbre "Sur la Visite des Malades", il a cité Jésus dans Matthieu 25,36: "j'étais malade et tu m'as rendu visite". Un tel acte de bonté est "un moyen de grâce" et "nécessaire au salut."
Troisièmement, Wesley a mis l'accent sur la compassion à l'égard des personnes malades et non sur leur condamnation. Le manque de compassion et l'inertie de la communauté chrétienne face à la crise du sida proviennent en grande partie des attitudes négatives de l'Eglise à l'endroit des personnes homosexuelles. A présent, le HIV/SIDA est devenu une maladie qui affecte toutes les catégories sans exception et qui se transmet principalement parmi les hétérosexuels. Les femmes mariées dans le monde occidental sont maintenant les plus vulnérables au HIV/SIDA. Les Méthodistes montrent toujours aussi peu de signes de compassion à l'endroit des malades du sida.
Quatrièmement, Wesley a cru que l'amour était la voie du salut. Wesley a parlé de l'amour comme étant "une médecine de vie." Les gens en lutte contre le HIV/SIDA comptent sur les communautés religieuses pour offrir prières et le soins, espoir, santé et forces spirituelles pour combattre toute discrimination infligée par un monde indifférent. Ce dont le monde a besoin, c'est selon Wesley de "la grâce thérapeutique", en soulignant la puissance thérapeutique de l'amour sur le corps et l'âme.
Cinquièmement, Wesley était un champion de la justice sociale, mais n'a pas attendu que les autorités politiques agissent pour agir. Wesley n'a pas hésité à réprimander des gouvernements et la société pour leurs échecs. Pour lui, servir les pauvres et répondre à leurs besoins est du devoir de chaque Méthodiste. Si tel est le mandat du Méthodiste, pourquoi les Méthodistes n'ont-ils pas créé partout des organisations assumant l'accompagnement de personnes vivant avec le HIV/SIDA? Pourquoi les programmes spécifiquement concentrés sur la lutte contre le SIDA constituent-ils toujours l'exception plutôt que la règle?
Sixièmement, Wesley a suscité un mouvement majeur parmi les gens dénommés Méthodistes qui appelle à un changement de comportement. Comme tels, ils doivent changer de comportement pour prévenir et éliminer le SIDA; les responsables de l'Eglise doivent aussi changer leur propre comportement: cesser toute discrimination. La compassion doit remplacer la condamnation et l'engagement doit triompher de l'indifférence. La Conférence Générale 2004 doit consacrer des fonds à la lutte contre le SIDA, et non se contenter d'écrire juste une autre résolution appelant les autres à agir. Et précisément parce que l'agence mondiale de l'Eglise, la Commission pour la Mission et la Diaconie et la Société Missionnaire pour l'Evangélique Méthodiste -une organisation officieuse- a déclaré que la prévention contre le sida, le traitement et le soin des malades du sida doivent devenir une priorité dans la mission de l'Eglise.
Septièmement, Wesley encourageait les Méthodistes à s'impliquer vraiment dans le monde à partir de sa compréhension de la perfection chrétienne. La perfection n'est pas le refus du conflit ni de la controverse, mais le fait d'être au premier rang dans la lutte pour la vie sur la mort, de la guérison sur la maladie, du réconfort sur la douleur. Dans son message "A Plain Account of Christian Perfection", les Méthodistes peuvent trouver les raisons de se battre de manière constructive contre le SIDA. Wesley a écrit: "prenez garde des péchés d'omission; ne perdez aucune occasion de faire du bien de tout genre. Soyez zélés dans les bonnes oeuvres; n'omettez volontairement aucune oeuvre, soit de piété soit de pitié. Faites autant de bien que possible au corps et à l'âme des hommes."
L'Eglise de John Wesley est loin d'être impliquée comme il le faudrait, mais pour son propre salut, son implication est maintenant meilleure que jamais. Comme un proverbe africain le suggère, "le meilleur moment de planter un arbre, c'était il y a 20 ans. Le meilleur moment à venir, c'est aujourd'hui."
L'avant-dernière question serait: "que ferait Jésus?" Et "que ferait John Wesley?" et "que devraient faire les Méthodistes?" La question spirituelle suprême, demeure cependant: "et moi, que ferai-je?"
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*Messer est Professeur de Théologie Pratique et directeur du "Center for Global Parish Ministry" à l'École de Théologie Iliff à Denver. Il est aussi le président émérite d'Iliff.
Ce commentaire ne reflète pas nécessairement les positions officielles de l'UMNS ou de l'Eglise Evangélique Méthodiste.
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Le 29 octobre 2002
Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)