L”embrasement du centre de rétention de Vincennes, le week-end dernier symptôme d’un mal plus profond !
NON A L’ENFERMEMENT GENERALISE DES MIGRANTS EN EUROPE ! NON A LA DIRECTIVE DE LA HONTE !
Le 5 juin, les parlementaires européens se sont prononcés sur un projet de directive sur la rétention et l'expulsion des personnes étrangères.
Une pétition contre cette directive de la honte, signée par plus de 30 000 citoyens européens, 906 organisations et 368 responsables politiques a été remise au président du Parlement européen à cette occasion.
Ce projet de directive, dans la continuité des politiques européennes sur l’immigration axées uniquement sur les volets sécuritaire et répressif, représente un nouveau recul en matière de droits fondamentaux.
Une fois adopté, ce texte permet :
- l’enfermement des étrangers pouvant atteindre dix-huit mois pour le seul fait d’avoir franchi des frontières et de vouloir vivre en Europe ;
- la détention des mineurs, au mépris du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant ;
- l’interdiction pour les étrangers expulsés de revenir en Europe pendant cinq ans, ce qui revient à criminaliser et à exclure ces personnes.
Cette directive constitue une nouvelle étape grave dans l’affaiblissement des garanties démocratiques. Cet accord prévoit en effet :
> un enfermement des étrangers pouvant atteindre dix-huit mois, pour le seul fait d'avoir franchi des frontières et de vouloir vivre en Europe ;
> la détention et l'éloignement des personnes vulnérables (femmes enceintes, personnes âgées, victimes de torture,...) et des mineurs qu’ils soient ou non accompagnés, au mépris du respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. La dernière version de ce texte permet la détention et l’expulsion forcée des mineurs isolés vers un pays tiers (autre que leur pays d’origine) où ils n’ont ni famille ni tuteur légal. En outre, il n’est plus imposé aux Etats de fournir un titre de séjour aux personnes souffrant de maladies graves ;
> une systématisation de l’interdiction du territoire de l'UE pendant cinq ans pour les personnes expulsées, soit l'exclusion et la criminalisation de ces personnes ;
> le renvoi des étrangers vers les pays par lesquels ils n’ont fait que transiter, sans qu’ils aient un lien avec ces pays.
Le Parlement européen a adopté la directive de la honte : un coup dur pour l’Europe des droits de l’Homme
Le Parlement européen, en adoptant, sans y ajouter le moindre amendement, le texte de la « directive retour » négocié par les ministres de l’Intérieur et de l’Immigration des 27 Etats membres, a perdu une grande part de sa crédibilité quant à sa capacité à tenir son rôle d’instance démocratique chargée notamment de la protection des citoyens en Europe.
En prévoyant l'enfermement de migrants non communautaires pour une durée maximale de 18 mois, en autorisant l'expulsion d'enfants, qui plus est hors de leur territoire d’origine, en instituant une interdiction du territoire européen de 5 ans, cette directive porte atteinte aux libertés publiques et fait de l'enfermement un mode de gestion courant des populations migrantes.
Sourds aux appels des ONG, sourds aux appels des Eglises, sourds aux appels de nombreux représentants d’Etat du Sud, sourds aux mobilisations citoyennes, les parlementaires européens ont, dans leur majorité, choisi de renoncer à toute velléité de résister à la logique policière qui sous-tend la politique d’immigration conduite par les ministres de l’Intérieur en Europe depuis 20 ans.
La Cimade le déplore profondément. Elle étudie avec ses partenaires toutes les voies possibles pour contester cette directive devant la Cour de justice ou la Cour européenne des droits de l’Homme.
Après l’embrasement du centre de rétention de Vincennes
Depuis le début de l'année 2008, les tensions et la violence sont permanentes au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes. Les plaintes déposées par les personnes retenues se multiplient. Elles font état de dérapages des forces de polices, de violences physiques et verbales répétées. Ces plaintes sont accompagnées de certificats des Unités médico-judiciaires. Jeudi 5 juin, l'Inspection générale des services (IGS) venait au CRA pour effectuer des auditions. L'IGS était déjà présente au CRA mercredi pour des plaintes déposées le lundi 2 juin. Vendredi, deux nouvelles plaintes ont été déposées.
Ces dérives répétées sont la conséquence du fonctionnement du CRA de Vincennes et de l’application de la logique des quotas d’expulsion. Depuis la fin 2007, les tentatives de suicide, automutilations, grèves de la faim, départs de feu se sont multipliés dans ce centre de 280 places qui symbolise l'industrialisation de la rétention et de l’expulsion des sans-papiers. Plus de 30 plaintes ont été déposées depuis le mois de décembre 2007. En février 2008, un policier avait fait usage d'un Taser, une personne retenue avait été hospitalisée. Le 6 avril, au lendemain de la mort de Baba Traoré, alors que la tension était vive dans le CRA, la police urbaine de proximité était venue prêter main forte aux policiers du centre : quatre étrangers molestés, 4 dépôts de plainte.
La multiplication et la gravité de ces accidents font craindre chaque jour qu’un drame plus grave encore se produise.
Depuis des mois, la Cimade n’a eu de cesse d’alerter au plus haut niveau des risques considérables d’explosion qui peuvent intervenir à tout moment dans un centre de 280 personnes non conforme à la réglementation, soit le double de la limite légale. La Cimade déplore la surdité de la préfecture de police de Paris et du ministère de l’Immigration, dont la responsabilité sur la situation actuelle est clairement engagée. Le centre de rétention de Vincennes était le plus grand de France.
Samedi 21 juin, un étranger retenu, placé au centre de rétention administrative de Vincennes, est décédé dans des circonstances qui ne sont pas encore complètement établies. La mort de ce ressortissant tunisien a suscité beaucoup d'émotion parmi les personnes placées en rétention et au sein des associations de défense des migrants. Dimanche 22 juin, un incendie a détruit les deux bâtiments du CRA. Les personnes qui étaient retenues à Vincennes ont été transférées au cours de la nuit dans d’autres centres de rétention.
Toutes les personnes qui étaient présentes au CRA de Vincennes ce week-end ont traversé une situation particulièrement traumatisante. En outre, il semble qu’au cours de ces événements et de ces transferts, elles aient été en grande partie privées d’une possibilité réelle d’exercice de leurs droits, notamment celui de pouvoir communiquer avec l’extérieur, leurs proches et leurs défenseurs.
Après Vincennes des mesures s’imposent
La Cimade demande aux pouvoirs publics d’assumer leur responsabilité sur les évènements du centre de rétention de Vincennes, et de prendre d’urgence les mesures destinées à protéger les personnes afin d’éviter de nouveaux drames
Pour que de tels drames ne se renouvellent pas, la Cimade demande au gouvernement de prendre plusieurs mesures d’urgence pour assurer la sécurité des personnes.
1 – La libération immédiate des personnes qui étaient à Vincennes samedi et dimanche dernier
Les évènements de ce week-end – décès d’une personne retenue et incendie du CRA – ont profondément choqué toutes les personnes qui étaient maintenues à Vincennes. Leur transfert dans d’autres centres de rétention s’est déroulé dans des conditions particulièrement pénibles, sans d’ailleurs respecter les procédures prévues. La plupart ont perdu tous leurs effets personnels et n’ont pas pu joindre leurs proches.
Par mesure d’humanité, par simple respect des personnes, la libération de toutes les personnes présentes à Vincennes samedi et dimanche serait un signe d’apaisement.
2 - Suppression et interdiction des quotas d’expulsion :
Les quotas d’expulsion ont des effets désastreux : il est plus que temps de rompre avec cette méthode détestable. La Cimade demande au Gouvernement de cesser immédiatement toute politique du chiffre en matière de reconduites à la frontière. Cela doit se traduire par l’annulation de toutes les consignes adressées à chaque préfecture lui indiquant le nombre d’expulsions qu’elle doit réaliser.
3 - Respecter l’engagement pris de limiter la capacité des centres de rétention
M. Claude Guéant s’était engagé en 2004 à ce que les centres de rétention ne dépassent pas une capacité maximale de 100 personnes.
Cet engagement n’a pas été tenu par la suite : nous en constatons aujourd’hui les conséquences dramatiques.
La Cimade est un service oecuménique d'entraide, se consacre à l'accompagnement des étrangers migrants, en voie d'expulsion, demandeurs d'asile ou réfugiés.