<18.12.99 Suisse: le président de la FEPS/SEK s'exprime à propos du rapport Bergier

Si la Suisse est capable de se reconnaître dans les sombres pages de son histoire, elle est en mesure à cette condition-là de maîtriser le présent et le futur. C'est en ces mots que Thomas Wipf, président du Conseil de l'«Union des Eglises Protestantes de Suisse» (en allemand: "Schweizerischer Evangelische Kirchenbund" -SEK-) a commenté auprès du Service de Presse Réformé (Reformierter Pressedienst), la parution du rapport des experts relatif à la politique adoptée par la Suisse quant aux réfugiés lors de la Seconde Guerre Mondiale (ledit rapport Bergier). Cette Union d'Eglise entend reprendre et étudier dans le détail ce rapport. Car elle aimerait ne pas faire oublier ce que le rapport met en lumière -même si ce rapport est douleureux-. «Quand un peuple, un pays aussi doit se coltiner sa propre histoire passée jusque dans ses points d'ombre, cela ne représente pas une charge pour le présent et le futur mais une aide.» Revenir avec une esprit ouvert et honnêteté sur ce qui était, est certes une opération très douloureuse, du fait que le processus met à nu les reniements et les faiblesses, explique Wipf. Mais en ce coltinant ces faits avec honnêteté et dans un esprit ouvert, il est possible de comprendre les circonstances difficiles du passé et de ne pas oublier tous les individus et les autorités qui ont oeuvré en faveur d'un traitement humain.

 

Commentaire: (les textes présentés comme «commentaires» ne doivent pas être confondus avec la position officielle de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) ni avec celle de la rédaction d'EEMNI/EMKNI)

Voici un point de vue émanant de l'Eglise Evangléique Méthodiste sur le rapport Bergier signé Markus Lindenmann:

"Quand on fait le ménage, on secoue la poussière. C'est la joie, quand tout est de nouveau à sa juste place, et l'irritation est à son comble quand la poussière te pousse à tousser. La commission Bergier a consciencieusement fait le ménage et a éclairé un sombre chapitre de notre histoire. Elle précise où, comment et par qui des fautes ont été commises chez nous pendant la domination nazie en Allemagne et où se situe la part de responsabilité de chacun. La Suisse officielle a présenté publiquement ses excuses par rapport à l'injustice qu'elle a commise contre les réfugiés juifs de ce temps-là. C'est une bonne chose. Certains regrettent que la commission n'ait pas assez souligné la pression en cours alors en Suisse, des historiens «de gauche» ne jugeraient et ne condamneraient les responsables de jadis qu'en fonction de nos critères d'aujourd'hui et on devrait le refuser. En s'exprimant avec force, ces voix tentent de faire l'unanimité contre le rapport, et ce dès avant sa publication.

Que se passe-t-il ici? De quelle manière ce rapport et cette discussion nous affectent-ils, nous qui nous nommons chrétiens? Au moment où le rôle des banques suisses et le travail des autorités pendant l'époque nazie sont passés sous la loupe, j'ai pris conscience du faible impact que la mort de millions de Juifs a eu jadis sur nous. Ce fut le temps de ma jeunesse (école, école du dimanche, enseignement, groupe de jeunes) au sein de notre Eglise. - Divers autres engagements jalonnèrent sa route de croyant- . Tant dans ma famille qu'au sein d'un des groupes de jeunes ou de l'Eglise, on n'avait parlé de la détresse des Juifs. Cela n'a pas été un sujet de conversation entre nous. J'avais pris aussi conscience de la présence dans mon entourage d'une forme d'antisémitisme sournois (paroles moqueuses) et personne ne s'est élevé contre ces pratiques. Cela me fait énormément réfléchir. Je trouve cela très lourd à porter. Je suis heureux de constater que ce qui jadis n'était pas une bonne chose est de nos jours mis en lumière en toute clarté. Je ne me sens pas co-responsable, je n'étais effectivement qu'un enfant. J'ai le sentiment que la neutralité passive, -qui est loin d'avoir disparu au sein du peuple-, a pu donner assez de champ libre à ceux qui ont pris des décisions antisémites. Ce ne fut pas une participation active, on s'est contenté de laisser faire passivement ce qui n'aurait jamais dû se produire. Ces pensées ne diminuent guère ma reconnaissance ni ma fierté pour l'aide que notre pays a mis en oeuvre malgré tout. Quand on éprouve de la joie à appartenir à ce peuple qui a une tradition humanitaire, cela aide à supporter la souffrance des lacunes du passé: on était alors parfois plus fermé dans son coeur aux détresses d'autrui que prêt à les soulager.

......

Quelques contemporains de Jésus se sont présentés comme les gardiens du véritable Israël, comme quelques uns se donnent aujourd'hui pour les gardiens de la Suisse véritable. Certains se sont réclamés des pères et de la loi que leurs pères avaient érigée. «Malheur à vous, scribes et pharisiens», leur dit Jésus en Matthieu 23, «vous remplissez la mesure de vos pères!» A partir des bons commandements de Dieu ils en ont fait des moyens inhumains et asociaux pour opprimer. Cela leur retombera sur leurs têtes. Celui qui de nos jours justifie le cours de l'histoire pour ne pas devoir réviser sa manière de vivre, a droit aux mêmes paroles «Malheur à vous!...» Peut-être devrions-nous après le rapport de Bergier prendre en mains les Béatitudes pour qu'elles nous montrent à quelle fin la vérité quant au passé veut nous libérer."

Markus Lindenmann

>Source: Reformierter Pressedienst et EMKNI