Le billet de notre évêque Patrick Streiff - Minarets

Je reviens d’un pays où les chrétiens constituent la majorité de la population et dans lequel il y a aussi, à côté des églises chrétiennes, des mosquées avec des minarets. Ce pays a été, pendant des siècles, partie de l’empire ottoman et soumis à une domination musulmane. Aujourd’hui, les communautés religieuses reconnues de ce pays (Eglises orthodoxe, catholique-romaine et évangélique-méthodiste ainsi que communautés juive et musulmane) s’engagent pour une vie commune dans la paix. 


Je reviens en Suisse, où certains esprits s’échauffent en rapport avec la question de savoir si les musulmans ont le droit de construire des mosquées avec des minarets. Ne serait-il pas indiqué, au nom de la liberté du culte, de le leur permettre ? Qui parmi les méthodistes se souvient de ce que jadis, il nous était interdit en Suisse de bâtir des chapelles avec des clochers ? En lieu et place, il y eut les « chapelles Brändli » avec leur clocheton en bulbe. Dans d’autres pays d’Europe occidentale, les méthodistes n’avaient même pas le droit de construire des chapelles le long des rues, mais devaient les édifier dans l’arrière-cour d’un immeuble d’habitation. En ce temps-là, on avait peur de la « secte méthodiste ». Aujourd’hui, on a peur des musulmans. 


Que doit-on permettre au nom de la liberté religieuse ? Cette question se posera de plus en plus fréquemment dans les années qui viennent. A mon avis, des limites ne doivent être imposées que là où, sous prétexte de liberté religieuse, l’ordre légal de l’état, valable pour tous, est contourné et où les valeurs fondamentales de liberté et de justice ne sont pas respectées. Ainsi, pour moi, ce n’est pas la construction d’un minaret qui pose problème, mais bien le cas où, en invoquant la liberté du culte, on réclamerait le droit d’appeler publiquement à la prière depuis le minaret, comme si nous vivions sous une domination musulmane. Ou si, p.ex., en se référant à la foi musulmane, il fallait aussi accepter sa loi sur le mariage et le divorce. 


La liberté religieuse est un bien qui doit être hautement respecté, mais toutes les religions n’ont pas la même conception de la différence entre lois religieuses et société (civile). La liberté religieuse ne reste un bien véritablement générateur de liberté que dans le cadre d’un ordre étatique libéral et s’appliquant à tous.


Patrick Streiff, évêque


Calendrier : 31.10 – 13.11 Conseil des évêques au Mozambique et visite à l’EEM à Kinshasa, Congo (RDC) ; 19 – 22.11 Rencontre des surintendants et surintendantes de la Conférence centrale à Kloten-Glattbrugg


Source : Kirche + Welt, no 18, 2.11.06


Traduction: Frédy Schmid

Source: EEMNI