Le 13 septembre 2001, la Fédération Protestante de France (FPF) prenait l'initiative d'un service oecuménique et interreligieux de prière pour les victimes des attentats du 11 septembre et pour le peuple américain tout entier. Cela se passait en l'Eglise Américaine de Paris, en présence du Président de la République, du Premier Ministre et de l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique, ainsi que de nombreuses personnalités et d'une foule émue et solidaire.
En novembre 2001, je participais à une visite oecuménique aux Etats-Unis. Notre équipe était considérée comme une lettre vivante des Eglises du monde entier auprès des Eglises des Etats-Unis. Nous venions dire la fraternité et la compassion de nos Eglises dans l'épreuve. Ce qui alors m'a le plus frappé à New York, Washington, Chicago ou San Francisco, c'était la capacité des Eglises à nous dire que dans l'épreuve les américains se sentaient proches et solidaires d'autres chrétiens, d'autres populations qui vivaient eux aussi dans la souffrance ; ils nous ont parlé alors des populations irakiennes sous embargo, des populations victimes de la crise israélo-palestinienne, des populations africaines victimes de la faim ou de la maladie.
Cette solidarité, nous en connaissons la valeur nous qui avons, en Europe et en France en particulier. Nous savons ce que veut dire l'amitié américaine, la présence d'alliés à nos côtés dans les épreuves des guerres mondiales. Et c'est précisément pour que cette solidarité ne coûte plus le même prix en vies humaines que nos nations se sont dotées de l'Organisation des Nations Unies dont le but est de trouver des moyens pacifiques pour résoudre les conflits. Comprenez alors combien nous sommes choqués et même peinés de voir interpréter la position française comme hostile aux Etats-Unis. Elle est tout au contraire une volonté affirmée de trouver par la négociation une solution à la crise irakienne, et le désarmement d'un régime totalitaire que chacun condamne. Nos Eglises ne peuvent que soutenir une telle perspective. Que serait notre monde si un tel organisme, l'ONU, était vidé de son sens par l'action unilatérale des Etats-Unis, même appuyée par quelques uns. Votre meilleur allié n'est pas celui qui vous pousse à la faute, mais celui qui vous aide à trouver une chemin de paix.
Mais la paix pour qui?
Nous savons le traumatisme causé par le 11 septembre 2001. Mais ce ne sont pas les peuples américain ou européen qui sont menacés. Nous n'avons pas à vivre dans la peur. Bien au contraire ! Nous vivons dans des îlots de paix au milieu d'un monde souvent si troublé. Notre responsabilité est d'y faire œuvre de paix ; c'est notre responsabilité à l'égard du Proche Orient et particulièrement du peuple irakien.
Notre conviction est qu'une nouvelle guerre serait pour lui la pire des solutions; au-delà des destructions civiles inévitables, des morts, des infirmes et des orphelins, la guerre ne ferait que conforter et amplifier l'opposition entre l'occident et le monde arabo-musulman.
Nous qui vivons au bord de la Méditerranée, avec pour voisins des pays musulmans souvent modérés, nous entendons leurs avertissements, nous savons l'équilibre précaire de leur opinion publique et des forces qui la traversent. Nous voulons conforter ceux qui refusent les extrémismes. La guerre en Irak serait pour tout le monde arabo-musulman modéré une catastrophe. C'est ce qu'attend Ben Laden.
Voilà les raisons pour lesquelles, en France, la Fédération Protestante que je préside, en relation avec la Conférence des évêque catholiques, s'est prononcée contre une guerre préventive en Irak, guerre qui ne créerait que de nouveaux drames et de nouvelles tensions, alors que le Nations Unies ont la capacité de désarmer l'Irak et de faire cesser la menace sur les pays voisins. C'est pourquoi, par fraternité et solidarité avec le peuple américain, nous vous exhortons à exorciser les peurs et à favoriser tout ce qui nous permet de construire ensemble un monde de droit et de paix.
le 26 février 2003
Source: Fédération Protestante de France/News Press