Gérald "Jay" Williams, un jeune membre de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) de New York, vient de rentrer d'un voyage au Soudan pendant lequel il a contribué à libérer 4'000 esclaves. Il demande maintenant aux Etats Unis d'aider à mettre fin à l'esclavage dans ce pays d'Afrique du Nord.
Williams, 19 ans, étudie à l'Université de Harvard, où il est major de sa volée en facultés de religion et de médecine (niveau propédeutique). Actif dans son Eglise, il a dirigé, en mai 2000, la délégation de sa Conférence Annuelle (régionale) de New York Ouest à la récente Conférence Générale de la dénomination.
Son voyage au Soudan, entrepris dans le cadre du groupe CSI (Christian Solidarity International), basé en Suisse, a été qualifié d'historique par Jesse Sage, directeur adjoint du Groupe anti-esclavagiste américain, au sein duquel Williams a effectué un stage l'an passé.
"Ce jeune homme de 19 ans a fait plus pour libérer des esclaves qu'aucun responsable politique américain", a dit Sage. "Il a risqué sa vie pour apporter la liberté à 4'000 femmes et enfants africains."
Williams a joué un rôle clé en vue de l'adoption par la Conférence générale d'une résolution qui affirme officiellement l'appui de la dénomination aux efforts visant à mettre fin aux formes actuelles de l'esclavage. Le texte complet de la résolution paraîtra dans Livre des résolutions de l'Eglise, qui sera prochainement publié par la Maison d'édition méthodiste. Le Règlement de l'Eglise de 1996 décrivait déjà l'esclavage comme un "mal infâme" et déclarait que "toutes les formes de réduction en esclavage sont totalement prohibées et ne seront en aucun cas tolérées par l'Eglise."
Le CSI a délivré des esclaves au Soudan depuis 1995. Des femmes et des enfants africains, qui avaient été enlevés au cours de razzias par des milices arabes, sont rachetés par les sauveteurs dans le cadre d'un programme qui a permis d'en libérer plus de 38'000. Williams, qui était équipé d'un enregistreur, a indiqué que son rôle pendant son séjour d'une semaine (5-11 sept.) consista à interroger les esclaves, à enregistrer leurs témoignages et à assembler des preuves appuyant leurs histoires de tortures et de mauvais traitements.
"J'ai été choqué et écoeuré de ce qu'en l'an 2000, alors que nous sommes si avancés aux Etats Unis et que les conditions économiques s'améliorent en de nombreux endroits tout autour du monde, nous laissions croupir des centaines de milliers de personnes dans des conditions d'existence très primitives", a-t-il raconté.
Les Etats Unis ont certes prouvé que l'esclavage est pratiqué au Soudan, mais Williams se déclare déçu de ce que son pays n'ait pas fait plus pour l'arrêter. "Je ne parle pas d'une action militaire, mais nous devrions au moins dire haut et fort aux Nations unies et plus particulièrement au Soudan, que cela doit cesser. Il est en notre pouvoir de la faire et nous pourrions réellement accomplir quelque chose."
Né à Buffalo, Williams entendit parler d'esclavage pour la première fois lors d'un concert de gospels à Cambridge, Massachussets. Choqué par une information selon laquelle l'esclavage des noirs n'appartenait pas encore à l'histoire, il devint actif au sein du Groupe anti-esclavagiste anti-américain et mobilisa ses camarades étudiants pour venir en aide aux 27 millions de personnes qui, selon le Groupe, sont maintenues en esclavage de par le monde.
William a dit qu'il n'était pas vraiment préparé à affronter la situation qu'il a trouvé au Soudan. "Comme nous approchions de certains points dans la brousse où les esclaves s'étaient regroupés, nous avons entendu comme un bruissement, Et puis, tout à coup, ils étaient là - des centaines, vêtus de loques, couverts de poussière, sans chaussures, très maigres. Je me suis presque effondré".
Le moment le plus dur du voyage, a-t-il ajouté, il l'a vécu lorsqu'ils ont raconté leurs histoires individuelles. "Ils ont répandu l'histoire de leur vie devant moi. La plupart de ceux que j'ai interrogés étaient chrétiens. Ils ont dit qu'ils avaient prié Dieu de les aider. Cela les a fortifiés. Je ne pouvais pas pleurer parce qu'ils ne pleuraient pas. La seule fois où j'ai vu des larmes, ce furent des larmes de joie au moment où ils ont retrouvé des membres de leurs familles."
CSI a annoncé que 4'435 esclaves avaient été libérés en cinq endroits différents au cours du mois de septembre. Plus de 18'000 esclaves ont été libérés depuis 1995. L'organisation, basée à Zurich, affirme que les esclaves sont en majorité des femmes et des enfants chrétiens et animistes, capturés au cours d'expéditions des forces armées du gouvernement soudanais, en particulier des Forces de défenses populaires. Durant ces chasses aux esclaves, les hommes sont souvent tués. Selon CSI, ces expéditions ont lieu dans le cadre de la jihad (guerre sainte islamique) déclarée par le gouvernement soudanais contre les minorités africaines noires. Les esclaves libérés rapportent qu'ils ont été soumis par leurs maîtres à une torture physique et psychologique systématique, comprenant le viol en groupe, des coups, des menaces de mort, des mutilations génitales et la conversion forcée à l'Islam.
Selon CSI, les esclaves libérés marchent jusqu'à deux semaines, de nuit et par petits groupes pour quitter les zones du nord contrôlées par le gouvernement et regagner leur région d'origine. Pendant le jour, ils sont cachés dans des "fermes sûres" et des élevages de bétail.
Le "chemin de fer souterrain", appuyé par CSI, est organisé par des "passeurs" arabes musulmans agissant à la demande des chefs des communautés africaines noires. Ces agents appartiennent à des communautés arabes qui ont refusé de répondre à l'appel à la jihad lancé par le gouvernement du Soudan et ont conclu des accords de paix locaux avec leurs voisins Africains noirs. Lors de leur visite en septembre, les représentants de CSI ont payé aux passeurs arabes US$ 33 par esclave libéré, soit le prix de deux chèvres au marché local.
Williams a fait remarquer que certains groupes humanitaires critiquent le procédé consistant à acheter la liberté des esclaves, argumentant que cela pourrait créer un véritable marché d'esclaves. "Je ne suis pas d'accord", a-t-il dit. "Le système de l'esclavage n'est pas fondé sur des bases économiques, comme c'était le cas aux Etats Unis. Si l'esclavage cessait au Soudan, l'économie ne s'effondrerait pas. Quand nous affranchissons un esclave, il n'y a pas besoin de le remplacer par un autre. L'esclavage au Soudan est basé sur la jihad par un groupe islamique radical. C'est du génocide."
La résolution adoptée par la Conférence générale de l'EEM en 2000 relève que la vie de plus de 27 millions de personnes est affectée par l'institution de l'esclavage et que le fondateur du méthodisme, John Wesley, s'est fréquemment élevé contre l'esclavage. Dans un sermon sur "l'usage de l'argent", Wesley a condamné l'esclavage comme étant incompatible avec l'enseignement du Christ.
>Source : United Methodist News Service